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Analyses - 7 mai 2004

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mai 2004

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La gestion des comptes corporatifs, un art tarifaire qui se précise

Les agences de voyages gérant les comptes d’entreprises devront, plus que jamais, démontrer leur aptitude à exploiter efficacement les différents canaux et à générer le meilleur tarif. ++L’AVIS DE YVES TINARD++

La gestion des voyages des entreprises se fait généralement de deux manières : ou le voyageur d’affaires gère lui-même ses réservations, ou les entreprises confient la gestion de leurs comptes à des professionnels de la gestion des voyages. Parmi les entreprises qui préfèrent, certaines disposent de leur propre unité de gestion alors que d’autres font affaire avec une agence de voyages externe. Le segment des comptes corporatifs représente 41 % des revenus touristiques aux États-Unis, totalisant 81 milliards $ en 2003.

Internet de plus en plus utilisé

Internet, arrimé aux outils technologiques spécialisés, est appelé à jouer un rôle de premier plan comme canal de réservation. Il permet aux professionnels de gestion des voyages d’être plus efficaces et de tenir compte du resserrement des politiques de dépenses de leurs clients. Près du quart des ventes sont actuellement réalisées en ligne et cette proportion continuera de grimper au cours des prochaines années (graphique 1).

La convergence des applications et d’Internet

À l’instar des agences traditionnelles corporatives, les agences en ligne visent, elles aussi, le marché des entreprises. Depuis novembre 2002, Expedia offre des services corporatifs grâce à sa division Expedia Corporate Travel. Bien qu’encore marginal, ce joueur est appelé à prendre de plus en plus de place. Il faut aussi noter la décision de Sabre, en octobre 2003, de fusionner Travelocity Business aux fonctionnalités de GetThere, afin de rejoindre un plus large éventail d’organisations.

La convergence des applications technologiques et d’Internet explique la croissance anticipée du nombre de réservations en ligne (graphiques 2 et 3). Grâce à leur division d’affaires utilisant des solutions Web adaptées aux entreprises, les agences en ligne devraient sortir grandes gagnantes puisqu’elles verront leur part de marché augmenter de 20 % à 30 % d’ici 2006. Les réservations en ligne effectuées directement auprès des fournisseurs (hôtels, transporteurs aériens, etc.) croîtront aussi de manière significative (3 % en 2003 vs 9 % en 2006).

Plusieurs solutions s’offrent aux professionnels de gestion de comptes corporatifs. GetThere représente l’outil de réservation Web le plus populaire, utilisé dans 57 % des transactions en ligne des entreprises américaines (graphique 4). Des partenariats stratégiques conclus avec American Express et Sabre lui ont permis de confirmer son rôle de leader. Les autres acteurs d?importance sont Carlson Wagonlit, TRX ResX/ResAssist et Worldspan Trip Manager.

Attention aux comparaisons!

La firme de recherche Topaz International estime que les agences de voyages traditionnelles (ex. : American Express) demeurent encore très efficaces. Ces agences obtiennent, dans plus de 90 % des cas, un prix équivalent ou inférieur à celui obtenu par les agences en ligne grand public. Il faut toutefois nuancer ces résultats. Les professionnels responsables des comptes corporatifs utilisent des outils technologiques spécialisés comportant des interfaces adaptées à Internet. Celles-ci permettent l’accès à un inventaire de produits des plus diversifiés et aux meilleurs tarifs. Elles incluent notamment les tarifs Web, l’inventaire des transporteurs à bas prix et l?intégration sur écran unique de l’information de différentes sources de tarification, incluant les systèmes mondiaux de distribution (GDS).

Quant aux agences en ligne accessibles aux consommateurs (ex. : Expedia ou Orbitz), elles n’utilisent pas ces outils spécialisés et ne peuvent pas conséquemment concurrencer à armes égales. Elles n’ont toutefois pas dit leur dernier mot et ont répliqué en créant des divisions d’affaires privées, dédiées aux entreprises.

À quoi s’attendre ?

Les transporteurs aériens, les hôteliers et les autres fournisseurs continueront d’investir dans leur propre site Internet afin d’augmenter les ventes directes. Ils tenteront de mieux se positionner en proposant des solutions d’affaires souples et moins coûteuses pour les entreprises. Il faudra aussi surveiller la déréglementation des GDS qui procurera aux transporteurs aériens une plus grande souplesse de programmation de leurs tarifs, peu importe le système de distribution utilisé.

Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que l’approche traditionnelle confinée aux GDS est en voie de disparaître. Maintenant très soucieuses d’appliquer un contrôle serré de leurs comptes de voyages, les entreprises préfèrent s’appuyer sur des services hybrides online/offline qui leur permettront d’accroître leurs économies.

Cette tendance sera soutenue par les organisations qui maintiendront le resserrement des politiques relatives aux voyages d’affaires. Un sondage de la National Business Travel Association indiquait d’ailleurs que les entreprises privilégieront les établissements hôteliers intermédiaires et les transporteurs à bas prix. On s’attend à ce que cette ligne de conduite puisse stimuler la reprise des voyages d’affaires.

Sources :
– Business Travel International. « Rapport BTI Canada », printemps 2004.
– Steinbrink, Susan. « Online Corporate Travel Update 2003-2006 », PhoCusWright, décembre 2003.
– Topaz International. « Booking Business Travel via the Internet », Communiqué de presse, [http://www.etopaz.com/], 26 février 2004.

L’avis de Yves Tinard sur la gestion des comptes corporatifs

Pour réaliser des dépenses touristiques, une entreprise peut utiliser l’une des cinq modalités suivantes :

1. Elle peut faire traiter ses demandes par son propre personnel. Mais il n’est pas certain que cette formule serait la plus judicieuse, car ce dernier ne dispose pas toujours des meilleures compétences, ni d’un réseau de relations significatif dans le milieu professionnel touristique. Dans ces conditions, les dépenses touristiques font en général l’objet d’une externalisation, d’autant que la tendance à la sous-traitance se développe de plus en plus et ne cesse de toucher de nouveaux domaines. D’une façon générale, l’entreprise n’externalise pas «les domaines stratégiques», mais les dépenses touristiques n’entrent pas dans ce périmètre.

2. Elle peut lancer un appel d’offres pour qu’un «implant» s’installe au sein de l’entreprise. Le recours à cette modalité suppose un groupe d’une certaine importance (sièges de groupes tels IBM, L’Oréal, Danone), susceptible de générer pour l’implant un chiffre d’affaires significatif. Répondent à l’appel d’offres les grands réseaux d’agences spécialisées dans le tourisme d’affaires. L’implant traitera les différentes demandes de l’entreprise, qui constituera dans ce contexte son unique client; il pourra à l’occasion venir en aide aux salariés pour l’organisation de leurs voyages personnels.

3. Elle peut recourir aux services d’une agence généraliste traitant de clientèle agrément (individuelle ou groupe) et de clientèle affaires (à travers des grands comptes).

4. Elle peut utiliser les prestations d’une agence spécialisée dans le tourisme d’affaires. Ainsi, cette dernière sera-t-elle plus disponible et plus compétente pour monter des produits spécifiques (par exemple, des voyages de stimulation ou incentives.

5. Le groupe peut s’associer à d’autres pour pouvoir mieux négocier avec les compagnies aériennes ou les hôteliers. Ainsi, en France, le groupement Géode (groupement pour l’étude et l’organisation des déplacements dans les entreprises), créé en 1991, associait dès ses débuts une cinquantaine de sociétés; de même, Manor, qui regroupe des filiales de grands groupes (EDF, AGF, Vivendi, etc.), obtient auprès des prestataires touristiques des conditions fort avantageuses. Eu égard aux chiffres d’affaires réalisés, de tels groupements deviennent de sérieux concurrents pour les agences spécialisées dans le tourisme d’affaires.

Au-delà de ces alternatives, différents éléments doivent être pris en compte pour mieux traduire les enjeux et la complexité du problème.

1. En effet, le tourisme d’affaires recoupe de très nombreuses prestations: déplacements aériens, nuitées d’hôtels, séminaires d’entreprises, actions de formation permanente, incentives, congrès, expositions et salons professionnels. Aussi est-il difficile de raisonner de façon générale en termes de réservation (en nombre ou en valeur?) sans préciser le contenu des prestations concernées. Devant cette diversité, l’entreprise ne recourra pas nécessairement au même grossiste pour procéder à une réservation pour chacune de ces prestations.

2. De nombreux prestataires touristiques (notamment les compagnies aériennes) proposent à leurs clients d’affaires des cartes de fidélité qui permettent souvent aux cadres de prendre l’avion gratuitement pour des vacances en famille. Cet élément limite la concurrence entre compagnies aériennes et la recherche du grossiste le moins cher devient alors quelque peu théorique. N’y a-t-il pas conflit d’intérêt entre l’entreprise (qui cherche à limiter les frais de déplacement) et ses cadres? Néanmoins, ces cartes ne s’appliquent pas seulement aux vols d’une seule compagnie, mais en général à l’ensemble des transporteurs relevant d’une même alliance, voire à des compagnies travaillant ensemble en code sharing.

3. Le recours au e-tourisme vaut d’abord et avant tout pour des prestations standardisées (l’entreprise réclame fréquemment «du sur-mesure») et ne donnant pas lieu à négociation serrée sur les prix (tel n’est pas le cas de l’entreprise). Dans ces conditions, si le commerce en ligne se développe de façon incontestable pour le particulier, ses perspectives pour le tourisme d’affaires sont peut-être bridées par les éléments précités.

Yves Tinard
Économiste,
École supérieure de commerce de Paris

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