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Analyses - 12 mai 2004

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mai 2004

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Un vent de déréglementation souffle sur le réseau de distribution

De grandes manoeuvres visant la libéralisation des marchés sont amorcées au sein du réseau de distribution. Depuis peu, le Département du Transport américain (DOT) et Transports Canada appliquent de nouvelles règles régissant les relations entre les systèmes mondiaux de distribution (GDS ou SIR) et les compagnies aériennes.

La nature des changements aux États-Unis

La législation américaine (qui date de 1984) servait à éliminer les conflits d’intérêt des transporteurs aériens (à l’époque propriétaires des GDS) qui pouvaient favoriser l’affichage de leurs propres inventaires au détriment de leurs concurrents et de la clientèle.

L’amendement à la réglementation s’effectue en deux phases, afin d’accorder au marché une période transitoire d’adaptation. La première étape, en vigueur depuis le 31 janvier 2004, modifie deux éléments clés, soit:

  • l’abolition de la règle de participation obligatoire, qui exigeait des transporteurs utilisant un GDS à plus de 5% leur inventaire, une participation équivalente à celle de tous les autres GDS;
  • l’élimination de l’obligation d’exiger des frais de transaction uniformes auprès de la clientèle des GDS.

Aux États-Unis, la deuxième phase de la déréglementation entrera en vigueur dès le 31 juillet 2004. Elle vise notamment:

  • la suppression de la règle interdisant la partialité des renseignements sur l’affichage;
  • à soustraire les GDS et les transporteurs des règles contractuelles requérant notamment l’accès à tous les tarifs Web à titre de condition de participation au système de distribution.

Les conséquences attendues

La libéralisation de l’environnement des GDS modifiera substantiellement la donne de la distribution des voyages. Sortis de leurs carcans, les GDS obtiendront la liberté de définir leur propre modèle d’affaires et pourront mieux concurrencer les grandes agences de voyages en ligne non assujetties aux règles du DOT (ex.: Orbitz).

Davantage de fournisseurs s’intéresseront aux tarifs plus compétitifs des GDS et des ententes alternatives possibles (particulièrement les transporteurs à bas prix), donc plus de choix en bout de ligne pour le consommateur. La neutralité entre les partis ne sera toutefois plus automatique, puisque les GDS auront le loisir de négocier les tarifs de réservation avec chaque transporteur selon le volume généré, les prix, la zone, etc. L’ordre d’affichage des informations pourra ainsi favoriser certains partenaires des GDS en vertu de leurs ententes.

Les réactions du milieu semblent partagées et laissent planer certaines incertitudes quant aux conséquences attendues d’un environnement complètement déréglementé. Selon le Financial Times, un des premiers bouleversements des nouvelles conditions du marché en serait un de concentration. On s’attend à ce qu’Amadeus profite de l’occasion pour faire l’acquisition d’un autre GDS, possiblement Worldspan, bien implanté dans le continent européen.

Le vent souffle vers le Nord

Le 7 mai 2004, le gouvernement canadien a emboîté le pas aux mesures américaines, en modifiant son règlement sur les systèmes informatisés de réservation pour le transport aérien. Transports Canada s’en tient à la première phase de la déréglementation décrétée par son homologue américain, sans toutefois préciser de date d’entrée en application de la seconde vague de changements.

Air Canada voit d’un bon oeil la déréglementation des GDS au Canada, arguant qu’elle permettra aux forces du marché d’attiser la concurrence au profit des agences de voyages et des consommateurs. De son côté, l’Association canadienne des agents de voyages (ACTA) accueille l’initiative positivement, mais déplore que la déréglementation demeure encore incomplète.

Transports Canada précise que le nouveau règlement ne s’applique pas aux systèmes utilisés par les transporteurs ou leurs sociétés affiliées, que ce soit de façon interne, au sein de leurs propres points de vente ou sur leur site Internet. Ceux-ci pourront donc continuer d’afficher l’information relative aux vols sans se soucier de la règle de neutralité de l’ordre de sortie. On s’attend à ce que l’ouverture du marché des GDS atteigne l’Europe en 2005.

Une lutte à finir entre les GDS et Internet

En dépit de l’arrivée en force de la distribution en ligne, ce sont toujours les agents de voyages utilisant les GDS qui génèrent la majorité des ventes (80%) réalisées par les transporteurs. Du côté du secteur hôtelier, 38% des réservations sont effectuées par le biais des GDS. La prolifération des sources d’approvisionnement rend intéressante l’opportunité de regrouper, au sein d’un même canal, les multiples possibilités de tarification. Grâce au nouvel environnement, certains acteurs, tel Orbitz, ambitionnent de se substituer aux GDS en permettant aux agences de voyages de se connecter directement sur les inventaires des transporteurs.

On doit d’ailleurs se questionner sur l’efficacité de l’amendement de la réglementation qui ne vise pas les portails «coopétitifs» – caractéristiques d’une coopération compétitive – appartenant aux transporteurs (Opodo, Orbitz et Hotwire). Comme ces derniers ne sont pas tenus de présenter une information neutre et non discriminatoire, l’affichage des informations pourrait désavantager d’autres transporteurs non participants. De telles situations peuvent induire en erreur les agents de voyages ou les consommateurs.

Il faudra surveiller de près les grandes manoeuvres des transporteurs réguliers qui tenteront de se soustraire aux coûteux canaux de distribution offerts par les GDS. La pression s’intensifie d’autant plus que les transporteurs à rabais gagnent du terrain. La meilleure avenue demeure la vente directe sur leur site Internet. Selon Southwest Airlines, un billet vendu sur Internet coûte 1$ au transporteur comparativement à 5 ou 6$ par la voie d’un GDS. De son côté, la compagnie Swiss mise sur son outil de réservation Bypass qui permet aux agences de court-circuiter les GDS.

La plupart des transporteurs à bas prix, tels que Southwest, Ryanair et easyJet, ont toujours refusé de rendre leur inventaire accessible aux GDS, afin de limiter les coûts de distribution. Les dés ne sont toutefois pas jetés. Les pourparlers entre les GDS et les transporteurs à bas prix se poursuivent. L’enjeu est énorme, car dès que les plus importants low cost s’y intégreront, les autres n’auront guère d’autre choix que d’entrer dans la danse.

Avec un tel scénario, Amadeus envisage de faire payer aux agences des frais d’accession à cette offre «à bas coût» qui inclurait les meilleurs prix sur le marché. Les portails (GDS ou autre) qui offriront, aux agences ou au grand public, la plus grande palette de choix incluant l’inventaire des transporteurs à bas prix, bénéficieront d’atouts inestimables pour se démarquer.

Sources:
– eMarketer. «Hotel Sites Help Push Industry’s Online Bookings», 2 avril 2004.
– Association canadienne des agences de voyages (ACTA). «Transports Canada fait un pas vers la déréglementation avec le nouveau Règlement sur les SIR prenant effet immédiatement», 10 mai 2004.
– Gazette du Canada. «Règlement modifiant le Règlement sur les systèmes informatisés de réservation (SIR) canadiens», [www.canadagazette.gc.ca], 7 mai 2004.
– Riebeek, Holli. «To slash costs, airlines try direct Web connections to customers», IEEE Spectrum Online [www.spectrum.ieee.org], 13 mai 2004.
– Eyefortravel. «U.S. Department of Transportation CRS Deregulation», [www.eyefortravel.com], 13 janvier 2004.
– Campbell, Jay. «DOT’s GDS Dereg. Plan to Open the Display Bias Door», [www.btnmag.com], 26 avril 2004.
– Lainé, Linda. «Les agences sous la pression des GDS», L’Écho Touristique, 19 décembre 2003.

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