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Analyses - 20 octobre 2004

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octobre 2004

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La place des agents de voyages se précise sur l’échiquier touristique

La mutation que l’on observe depuis une dizaine d’années dans le réseau de distribution des voyages a fait couler beaucoup d’encre. Ce n’est pas nécessairement l’émergence en force de la distribution électronique qui a engendré tous ces bouleversements, mais plutôt l’apparition d’un nouveau segment de clientèle: les internautes consommateurs qui achètent presque tout en ligne, y compris des voyages.

English version

Ce texte a été publié dans la revue Téoros à l’automne 2004 (vol.23, no3).

L’agent de voyages au banc d’essai

On a assisté au cours des dernières années à un mouvement de concentration du réseau de distribution des voyages, qui s’est traduit par une baisse importante du nombre d’agences. À titre indicatif, le nombre de points de vente (enregistrés à l’Airlines Reporting Corporation – ARC) aux États-Unis a chuté de 13% en 2003, alors que les revenus hebdomadaires moyens de chaque agence augmentaient de 12%. Cette concentration du secteur devrait toutefois accroître la solidarité chez les joueurs restants.

La période de transition et d’adaptation, que certains qualifient de véritable laboratoire, incite plusieurs professionnels du voyage à expérimenter de nouvelles façons de faire des affaires, d’autant plus qu’au cours des dernières années, les transporteurs aériens et les hôteliers ont quelque peu délaissé les intermédiaires, préférant investir massivement dans leur site corporatif et offrir des garanties de meilleurs tarifs pour tenter de récupérer la clientèle des e-touristes.

Dans les agences, en raison de la suppression des commissions consenties par les transporteurs aériens, l’idée de fonctionner sur la base de frais d’ouverture de dossier fait du chemin. On valorise ainsi beaucoup plus le rôle «conseil» de la profession, faisant en sorte que c’est désormais la clientèle qui paie pour l’expertise qui lui est apportée plutôt que le fournisseur en versant une commission.

La vocation de conseiller s’arrime bien à la tendance à personnaliser les voyages. Le touriste d’aujourd’hui a beaucoup voyagé et souhaite bénéficier d’une certaine liberté. Il veut sortir des sentiers battus et s’éloigner des masses, mais recherche néanmoins les avantages et la sécurité que peut lui procurer un conseiller en voyages. Ce dernier doit avoir la souplesse nécessaire pour lui proposer des voyages sur mesure. La solution des produits tout ficelés, bien qu’elle ait l’avantage d’être économique, ne comble pas toujours les attentes.

L’agrément ou les affaires?

Dans les agences traditionnelles oeuvrant sur le marché de l’agrément, il semble toujours y avoir une place pour les spécialistes qui apportent une expertise. C’est pour cette valeur ajoutée que le consommateur consentira à débourser des frais de service. On observe aussi un changement du côté des forfaits traditionnels, principalement les voyages tout inclus vers les destinations balnéaires, qui ont longtemps constitué une manne pour les agences. Les grossistes s’organisent et adaptent de plus en plus leur modèle d’affaires afin de vendre directement leurs produits aux consommateurs. Déjà, au Québec, l’incursion d’un Go Travel Direct, qui contourne le réseau des agences traditionnelles, suscite beaucoup de réactions.

Pour ce qui est du segment affaires, les agences en ligne apparaissent toujours moins efficaces que les agences de voyages corporatives qui continuent de jouer un rôle primordial comme canal de vente. Certaines études indiquent que, pour un voyage d’affaires, les agences de voyages traditionnelles parviennent, dans 90% des cas, à obtenir un prix égal ou moins élevé que celui que l’on obtient par Internet.

Les statistiques ne disent pas tout

La grande question est de savoir comment mesurer les parts respectives des intervenants liés à la vente des voyages. En 2003, aux États-Unis, on estimait à 27% les ventes des transporteurs aériens réalisées sur Internet. De ces ventes en ligne, 59% provenaient directement du site du transporteur et 41% d’agences de voyages en ligne. Or, on ne peut conclure que ces 27% ont échappé au réseau traditionnel, puisque ces statistiques comprennent les voyages réservés par l’agent pour son client, directement sur le site du transporteur. Le même phénomène s’observe en hôtellerie.

La venue des transporteurs à rabais a considérablement changé la donne dans le réseau de distribution. Leur volonté ferme de réduire les coûts le plus possible les a incités à centrer leur modèle d’affaires sur les ventes en ligne, sans passer par les GDS (Global Distribution System) qu’utilisent les agents de voyages. Ce faisant, de plus en plus d’agents de voyages développent des approches globales qui intègrent l’alternative Web aux GDS et utilisent le même canal qu’un consommateur individuel. Selon un sondage de TravelMole aux États-Unis, 93% des agents de voyages utilisent Internet pour effectuer des recherches. Il est ainsi probable qu’une partie importante des ventes Internet des transporteurs à rabais du Canada, comme Westjet et Jetsgo, soit attribuable aux agences de voyages.

Les internautes prennent le large

C’est parmi les internautes assidus que le réseau de distribution traditionnel enregistre les plus grandes pertes. Un peu plus de la moitié des Canadiens disent vouloir continuer de faire appel à un agent de voyages pour les arrangements de leurs vacances d’été, comparativement à 64% en 2002. En France, 44% des gens ont utilisé les services d’une agence traditionnelle pour réserver un voyage au cours des douze derniers mois. Chez les gens qui ont développé une certaine habileté avec les outils de réservation en ligne, la perception de l’utilité des agences traditionnelles a considérablement changé.

Une étude auprès des e-touristes américains révèle que plus de 92% d’entre eux achètent habituellement leurs voyages sur Internet et que 45% le font systématiquement. Ces derniers jugent que ce sont les agences en ligne qui sont les moins coûteuses, les plus simples à utiliser et celles qui offrent le plus vaste choix de prestations (graphique 1). Ce n’est que pour le service à la clientèle qu’ils accordent une meilleure note aux agences traditionnelles, mais très peu (5%) s’attendent à y trouver un meilleur prix.

Il n’est donc pas surprenant de constater que chez les touristes qui achètent régulièrement leurs voyages sur Internet, plus de 84% affirment ne pas consulter un agent de voyages (graphique 2). Le dilemme des internautes, quant à leur canal de prédilection pour comparer les prix, se situe davantage dans le choix entre les intermédiaires en ligne tels qu’Expedia (88%) et les sites corporatifs des fournisseurs tels que Hilton (73%).

Miser sur les forces

Une enquête du Conference Board révèle qu’une majorité de Canadiens qui utilisent les services d’un agent de voyages veulent d’abord bénéficier d’un contact humain lors de la vente. Pour plusieurs, cette étape permettra d’atténuer les craintes et d’avoir un recours en cas de problèmes, de s’assurer d’une transaction sécuritaire, etc. Quelque 29% d’entre eux ne procèdent à l’achat de leur voyage que s’ils peuvent le faire en personne (graphique 3). Environ 18% souhaitent le faire par téléphone, alors que 28% optent pour une combinaison «téléphone et en personne».

Le contact humain demeure important pour plus de la moitié des Canadiens et les agents de voyages doivent miser sur ce facteur. Beaucoup de travail reste à faire pour convaincre les e-touristes qu’ils ne trouveront pas nécessairement de meilleurs prix auprès des agences de voyages en ligne. L’utilisation des outils technologiques adaptés à Internet permet aux agents traditionnels d’avoir accès à un inventaire de produits des plus diversifiés (tarifs Web, inventaire des transporteurs à bas prix, banques GDS, etc.) et à des prix concurrentiels. Pourtant, seulement 5% des e-touristes estiment qu’ils offrent les meilleurs prix.

L’agent de voyages a bel et bien encore sa place. Le défi consiste à promouvoir son nouveau rôle auprès des voyageurs potentiels, soit celui d’un expert bien au fait de l’e-tourisme et qui peut épargner plusieurs heures de recherche et bien des clics de souris infructueux aux agents de voyages en herbe que nous sommes!

Sources:
– PhoCusWright. «PhoCusWright’s Online Travel Overview, Market Size and Forecasts 2004-2006», juin 2004.
– TravelMole. «TravelMole reveals extent of internet use by agents», 16 janvier 2004.
– Conference Board. «Outlook for Summer 2004 Outbound Travel», 2004.
– Sain, Gary C. «Top 5 Reasons in Choosing a Travel Agent», Yesawich, Pepperdine, Brown & Russel, 25 août 2003.
– PhoCusWright. «The PhoCusWright Consumer Travel Trends Survey Sixth Edition», février 2004.
– Cosmes, Jean-Pierre. «Les agents de voyages doivent revenir aux sources», Espaces, no 205, juin 2003.
– Hagenhoff, Liborius. «The Role of the Travel Agent in the New Travel Marketplace», Anite Travel Systems, 11 mars 2003.
– lastminute.com et tns sofres. «Impact de l’Internet sur la consommation de voyage des Français», 2 mars 2004.

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