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Analyses - 10 novembre 2005

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novembre 2005

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Comment mettre de la couleur sur les pentes de ski?

Selon des projections concernant la composition ethnoculturelle de la population, d’ici 2017, environ un Canadien sur cinq pourrait appartenir à un groupe de minorités visibles. Au vu de cette démographie émergente en Amérique du Nord, l’industrie du ski a décidé de prendre le taureau par les cornes et de se pencher sur les différentes façons d’attirer ces nouvelles clientèles potentielles sur les pentes de ski. Quelques stations ont essayé de relever le défi. Comment et avec quel succès? Quelles seraient les actions à prendre rapidement et facilement? Voici quelques exemples qui pourraient également être mis à profit dans d’autres secteurs touristiques désireux d’attirer les minorités visibles.

Selon le scénario de croissance utilisé par Statistique Canada, on prévoit, d’ici 2017, une augmentation de 56% à 111%, par rapport à 2001 où le nombre de ces personnes était estimé à environ 4 millions. Quant à l’augmentation projetée pour le reste de la population, elle varierait seulement de 1% à 7% pendant la même période.

Cette diversité ethnoculturelle demeurerait concentrée dans un certain nombre de régions urbaines. En 2017, près des trois quarts des personnes de minorités visibles vivraient dans l’une des trois plus grandes régions métropolitaines du Canada, soit Toronto, Vancouver ou Montréal. La région métropolitaine de recensement de Montréal devrait se distinguer par une forte proportion de personnes noires (27%) et arabes (19%).

Aux États-Unis, en 2000, plus d’une personne sur quatre (29%) appartenait à un groupe de minorités visibles. On estime que, d’ici 2050, la population de race blanche diminuera à 53% et que les Hispano-américains représenteront près du quart de la population. (Lire aussi: Les groupes multiethniques, un monde à découvrir… chez nous!)

Déjà, en 2000-2001, l’association américaine National Ski Areas Association (NSAA) tirait la sonnette d’alarme à la suite de sa première analyse ethnique des skieurs réalisée lors de son étude démographique annuelle. Celle-ci révélait que 89% des skieurs et planchistes américains étaient blancs; dans les Rocheuses, ce chiffre s’élevait même à 91%.

L’industrie a depuis longtemps pris conscience de cette discrimination, mais la prise de décisions et surtout d’actions tarde à arriver. Certaines stations essaient néanmoins depuis quelques années de relever le défi en tentant de mettre un peu de couleur sur les pentes de ski et d’attirer les minorités visibles, d’habitude peu enclines à pratiquer des sports d’hiver.

Quelques exemples de réussite :

À Mountain High Resort, en Californie, un marketing ethnique dynamique a été mis en place depuis 2003. Des stratégies de vente ciblées ont été déployées, par exemple en ce qui concerne les activités de promotion de la station:

  • publicité dans les journaux asiatiques et sur les ondes des radios japonaises et coréennes;
  • publicités diffusées sur les radios hip-hop qui rejoignent une majorité de jeunes asiatiques, hispanophones ou noirs;
  • distribution de billets de remontée à environ 400 dépanneurs et épiceries, avec les indications géographiques complètes pour s’y rendre à l’endos.

La station a également proposé, dans une douzaine de commerces, un forfait innovateur: «99 $US pour apprendre à skier en trois jours».

Le site Internet de la station offre un forum de discussion où les jeunes peuvent échanger à propos de leurs expériences et gagner des billets de remontée. Il présente également des annonces publicitaires à l’intention des minorités visibles qui pratiquent des sports de glisse. 

Résultats: cette année-là, la vente des billets d’avant-saison et de remontée a fracassé tous les records et les visites de skieurs ont triplé.

À Aspen, dans le Colorado, à la même époque, les promoteurs de la station se sont associés à une chaîne de stations de radio afin d’organiser un événement appelé «Salsa sur les pentes». Cette campagne de séduction, conçue et organisée comme une invitation aux skieurs hispaniques, a été considérée par certains comme un peu gauche et maladroite.

À Denver, ville à prédominance multiculturelle, la  fondation ALPINO a vu le jour afin d’attirer davantage de personnes de couleur à la montagne. On y propose des sorties de ski pour les enfants des communautés défavorisées. La station Vail Resorts s’est ajustée pour accueillir les skieurs dans toute leur diversité.

Au Canada, l’école de ski «Première descente Pontiac GMC» constitue un projet pilote destiné à faire connaître le ski alpin à des enfants d’écoles défavorisées (souvent multiculturelles) qui n’auraient autrement jamais la chance d’en faire. Ce projet a permis à plus d’une centaine d’enfants de Toronto, de Vancouver et de Montréal de pratiquer le ski alpin.

À Whistler, en Colombie-Britannique, des jeunes Canadiens d’origine chinoise sont invités à venir découvrir les sports de glisse, en groupes de 10 à 15 personnes. Tandis que les jeunes skient, leurs parents et leurs grands-parents sont conviés à les observer. La station a érigé des gradins juste en face des pistes pour débutants, où du thé chaud à volonté est offert. Whistler veut que les Asiatiques se sentent confortables et en sécurité. Les employés ont donc appris leur langue et leur code vestimentaire et les équipements ont été adaptés aux besoins spécifiques de cette clientèle.

Un gros défi… mais pas insurmontable

Le concept de marketing multiculturel est bien souvent étranger à la plupart des entreprises, et les stations de sports d’hiver n’y échappent pas. Il serait pourtant facile de l’intégrer dans les publicités et les brochures hivernales, dans la publicité présentée dans les magasins fréquentés par diverses clientèles ethniques, dans leurs journaux ou leurs stations de radio préférés. 

Cette intégration représente un gros défi pour l’industrie, mais un défi qui pourrait rapporter gros. Elle nécessite cependant de tenir compte de quelques paramètres importants, par exemple:

  • L’accès et le transport: un bon nombre de personnes des minorités culturelles ne possède pas de voiture et donc pas de moyen de transport pour se rendre sur les pistes.
  • L’image du sport en lui-même: auprès de nombreuses cultures, le ski et la planche à neige sont des sports dangereux réservés aux riches. Il faut donc s’attaquer aux idées reçues.
  • Les «susceptibilités culturelles»: certaines communautés culturelles, les Américains d’origine asiatique par exemple, n’apprécient guère les éloges obséquieux. Ils ont donc pour habitude d’apprendre les rudiments du ski avec un instructeur, mais se réservent la pratique pour eux seuls. L’apprentissage des «us et coutumes» est donc nécessaire de la part des instructeurs qui doivent s’ajuster en conséquence.
  • La nourriture: il faut proposer de la nourriture appropriée à la communauté culturelle visée (tacos et burritos, nouilles et thé vert, etc.).
  • La langue parlée: il pourrait être judicieux d’engager du personnel et des moniteurs qui parlent leur langue. Embaucher des personnes de minorités visibles est une autre façon d’attirer sympathie et confiance. Certaines brochures promotionnelles pourraient également être traduites.
  • Etc.

Des partenariats parfois fort utiles

Sans déployer de grandes campagnes marketing, ni engager de grosses sommes d’argent, certaines actions peuvent être prises facilement et rapidement. Citons, par exemple, les possibilités de partenariat avec:

  • des compagnies de voyages spécialisées qui proposent des forfaits tout compris;
  • des entreprises de relations publiques ou spécialisées en marketing ethnique;
  • des chambres de commerce ethniques et d’autres organismes de commerce apparentés;
  • de grosses entreprises qui emploient un nombre élevé de gens issus de différentes ethnies;
  • des organismes ethniques de sport, comme, aux États-Unis, la National Brotherhood of Skiers (NBS);
  • des maisons d’enseignement de communautés culturelles distinctes (écoles, collèges, etc.);
  • des communautés ethniques virtuelles (sur Internet).

Et puis, peut-être bien que les communautés culturelles ne sont pas si réticentes à l’hiver que cela? Prétendre que les Noirs ou les Asiatiques n’aiment pas skier pourrait bien s’avérer une fausse croyance. Peut-être n’attendent-ils qu’une invitation formelle?

Faute de quoi, la clientèle risque de fondre comme neige au soleil!

Voir aussi

National Ski Areas Association
Mountain High Resort
Fondation ALPINO
National Brotherhood of Skiers

Sources:

– Best, Allan. «Future not so White for Ski Resorts», Summit Daily, 20 avril 2004.
– Blevins, Jason. «Ski-Resort Industry Looks to Broaden Ethnic Scope», 17 septembre 2002.
– Kahl, Rick. «The Colors of Winter», Ski Area Management, mars 2005.
– Kahl, Rick. «Minority Report», Ski Area Management, novembre 2004.
– Moreno, Roberto L. «Are America’s Ski Resorts Finally Getting Serious about Diversity?», Snowsports Diversity, 12 avril 2004.
– Ski Press World. «Part 1: Is Winter too White?», 12 juillet 2004.
– Ski Area Management, «Toward a Colorful Future», novembre 2005.
– Statistique Canada. «Étude: Population des groupes de minorités visibles au Canada en 2017», Le Quotidien, 22 mars 2005.

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