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Analyses - 9 décembre 2005

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décembre 2005

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Les événements ont la vie dure!

La notoriété du Québec en matière de festivals et d’événements est indéniable. Mais les organisateurs sont toujours engagés dans le cercle vicieux de la recherche de financement et se retrouvent constamment sur la corde raide. Il semble que toutes les destinations soient aussi confrontées à cette réalité. Le rayonnement positif des festivals et des événements s’avère incontestable. Dynamisation du milieu de vie, apports économiques, sociaux et culturels, de même qu’attractivité touristique d’une destination en constituent les principales retombées. Dans cette optique, ces manifestations justifient la contribution de fonds publics.

De tels événements contribuent aussi à diversifier l’offre touristique, à contrer la saisonnalité et à devenir une source de différenciation face aux autres destinations. Ils servent également à dépeindre la culture d’une région et à établir un contact avec la population locale, éléments structurants de l’expérience touristique.

Positionnement du Québec

Du célèbre «Festival International de Jazz de Montréal» à «Percu-Phonie le Festival Mondial des Percussions» (Saint-Mathias-sur-Richelieu), en passant par le «Festival Gigue en Fête» (Sainte-Marie de Beauce), le Québec compte des centaines de festivals et d’événements aux formes et aux thématiques variées. Chef de file en la matière, il fait l’envie et sert de modèle à plusieurs grandes destinations. Originalité, capacité d’innover et côté festif caractérisent et distinguent les événements québécois. Plusieurs villes étrangères aspirent à imiter le Québec, entre autres en fermant de grandes artères urbaines pour y tenir leurs événements.

En raison de sa notoriété internationale et de son avantage distinctif dans ce domaine, le Québec possède une longueur d’avance par rapport aux autres destinations. Toutefois, il entre dans une phase de maturité et de consolidation, tandis qu’ailleurs on observe une croissance des festivals et des événements, tant en ce qui concerne leur nombre que leur envergure et leur rayonnement. Les destinations s’empressent d’utiliser les manifestations comme composantes de leurs stratégies de positionnement et de mise en marché.

Les statistiques se raffinent

La majorité des organisateurs se complaisent à diffuser des statistiques sur le nombre de visiteurs ou de personnes ayant assisté à un événement, alors qu’il serait plus juste d’utiliser le terme visite. En effet, visiteurs et visites n’ont pas le même impact sur les dépenses.

C’est ainsi que la notion d’indice de pertinence a été introduite, depuis quelques années, afin de mieux évaluer les retombées économiques liées à une attraction touristique et d’en déterminer l’importance.

Exprimé en pourcentage, cet indice est évalué en fonction de la motivation du visiteur. Un facteur de pondération s’applique si l’attraction ne constitue pas le seul but de la visite, si elle a exigé une modification des plans de voyage, etc. Les retombées économiques qui découlent de l’événement sont ainsi calculées en fonction du pourcentage de l’indice obtenu.

Le Regroupement des Événements Majeurs Internationaux (RÉMI), qui réunit une vingtaine des principaux événements québécois (25 000 spectateurs – billetterie – ou 200 000 visiteurs – site ouvert) dans les domaines de la culture, du sport et du divertissement, utilise un indice de pertinence. Voici quelques données compilées à partir de 21 festivals tenus au Québec en 2004:

  • ces événements ont accueilli 12,9 millions de personnes – participants locaux (71,5%), régionaux (18,4%) et étrangers (10,1%);
  • les dépenses totales de l’ensemble des visiteurs pondérées par l’indice de pertinence (81% pour les visiteurs régionaux et 63% pour les visiteurs étrangers) ont atteint 471,6 millions $. Les visiteurs régionaux ont dépensé en moyenne 571$ et les visiteurs étrangers 1646$;
  • les retombées économiques se sont traduites par 8136 emplois et 71,4 millions $ de revenus de fiscalité et de parafiscalité pour le gouvernement provincial et 49,5 millions pour le fédéral.
  • les 18 festivals et événements qui avaient été étudiés en 2001 ont enregistré une augmentation de 25% des participants.

Des structures organisationnelles traditionnelles

Les organisateurs des festivals et des événements sont majoritairement des organismes à but non lucratif (OBNL). Des entreprises privées telles que L’Équipe Spectra ou Le Groupe Rozon se distinguent des structures traditionnelles rencontrées ailleurs au Québec et à l’étranger dans la mesure où, après avoir mis sur pied des sociétés sans but lucratif pour chapeauter un événement, elles en assurent ensuite l’organisation. Toutefois, en Suisse romande, OPUS ONE s’apparente à ces deux sociétés québécoises.

Dans plusieurs endroits, ce sont les pouvoirs publics municipaux ou régionaux qui organisent les événements, comme la «Féria de Nîmes» en France, le «Mayor’s Office of Special Events» de Chicago (neuf événements), de même que le «Bal de neige» et le «Festival des tulipes» dans la région de la Capitale nationale. D’autres villes apportent leur soutien en coordonnant l’aide ou en octroyant des subventions. Au Québec, c’est l’inverse qui se produit: les structures publiques tendent à disparaître au profit de structures autonomes, comme dans le cas du «Festival de montgolfières» de Gatineau.

Le financement, un casse-tête perpétuel

La structure de financement diffère d’un événement à l’autre. Type d’activités, localisation géographique, historique de l’événement, taille, rayonnement et achalandage sont autant de critères qui peuvent moduler le financement.

Les graphiques 1 et 2 présentent quelques études qui permettent de brosser le portrait de la structure moyenne de financement de certains festivals:

  • RÉMI – En 2003, le chiffre d’affaires des membres du RÉMI atteignait 120,3 millions $.
  • MAMM – Bilan 1999-2002 du Fonds de développement de la Métropole, soutien aux festivals et aux autres manifestations touristiques, Ministère des Affaires municipales et Métropole, décembre 2002.
  • OCCQ – Rapport d’enquête sur 32 festivals et événements culturels du Québec, Observatoire de la culture et des communications du Québec, 2000-2001.

Le graphique 2 détaille les différents paliers de l’aide publique présentée au graphique 1. Dans les trois rapports, on observe que le gouvernement provincial (y compris les trois grandes sociétés d’État, Loto-Québec, Société des alcools du Québec et Hydro-Québec), demeure le principal bailleur de fonds.

L’étude du MAMM révélait que les festivals et les événements liés aux arts de la scène et au sport récréatif généraient les niveaux de revenus de commandites les plus élevés. La perte de la commandite du tabac et du programme fédéral de commandites (estimée à 30 millions $ en 2003-2004, soit une diminution de plus de 50% du budget dédié au secteur par rapport à 2001-2002), la fermeture de la Société des événements majeurs internationaux du Québec (SÉMIQ) et plusieurs autres facteurs ont eu un effet déterminant sur le financement de ce secteur d’activités.

Les deux principaux constats sont:

  • le financement est rarement récurrent;
  • l’engagement des partenaires est souvent de courte durée.

Aussi, la recherche de financement devient-elle la principale source d’occupation et de préoccupation des organisateurs.

Certains événements réussissent à accomplir des prouesses en matière de financement

Certains festivals, comme le «Rodéo du Camion» et le «Festival de Saint-Tite», retournent à la communauté les surplus dégagés par la tenue de leur événement. Le «Rodéo du Camion» a réussi un tel tour de force en basant une partie de son financement sur un système de loterie.

Le «Paléo Festival Nyon» (musique et arts du cirque), en Suisse, évolue sans financement public grâce à des milliers de collaborateurs bénévoles ainsi qu’à quelque 40 clubs (sportifs, entre autres). La vente de billets, les revenus de commandites et les ventes sur le site permettent de boucler le budget (évalué à 16,2 millions de francs suisses en 2004).

Le «Birkenbeiner» aux États-Unis, prestigieux marathon de ski de fond en Amérique du Nord, réussit lui aussi à survivre sans fonds publics grâce à la collaboration de quelque 2000 bénévoles. Attirant plus de 8000 participants en provenance du monde entier, les frais d’inscription (variant de 5$ à 120$US) contribuent à financer 67% du budget total auquel s’ajoutent 25% de financement privé et 8% de frais d’adhésion à la fondation et de donations.

Autres destinations, mêmes problèmes

Avec plus de 3000 festivals, la situation du financement public en Ontario semble plus difficile qu’au Québec. (Lire aussi: Financement des festivals, la quête de la stabilité.) Les administrations municipales subventionnent davantage les événements de grande envergure et le palier fédéral se concentre sur les plus petits.

Au Canada, le gouvernement fédéral accordait près de 65 millions $ de subventions aux organisateurs canadiens en 2000-2001 et le Québec récoltait plus de la moitié (56,7%) de ces sommes.

Le modèle américain est plutôt limité en matière d’intervention publique (moins de 10% des revenus) et privilégie souvent les activités de nature culturelle. Le secteur privé (commandites, mécénat et fondations) s’avère le principal bailleur de fonds des festivals et des événements. Le palier municipal s’implique souvent en soutenant la promotion et va même jusqu’à produire des événements.

Le modèle français bénéficie d’une aide publique relativement structurante (quelque 50% du budget des festivals). Dans le mouvement de décentralisation qu’a connu la France, le financement et les responsabilités se sont déplacés vers les instances régionales et locales. Les organisations responsables du tourisme s’impliquent plus dans les activités de promotion que de financement. Afin de stimuler les partenariats et de diversifier les sources de revenus, la France a instauré des taxes dédiées et encourage le mécénat par le biais de mesures fiscales.

Quant au modèle anglo-saxon (Royaume-Uni, Australie et Canada), l’aide publique y reste très présente (30% à 50%). Elle provient principalement du niveau intermédiaire (provinces) et on relève plusieurs sources de financement possibles. Au Royaume-Uni, le palier local assume aussi une grande part. Les instances touristiques et culturelles interviennent tant sur le plan promotionnel que financier par l’octroi de subventions. Par ailleurs, on observe une tendance à la mise en place de structures ou de programmes consacrés au secteur des festivals et des événements. C’est le cas en Australie avec le Tourism Events Australia (au niveau de l’État central) et en Ontario où le ministère du Tourisme a mis en place des programmes dédiés au secteur. Les fonds de dotation – forme de fonds d’investissement à long terme de sommes données par des bienfaiteurs -, encore inexistants au Québec, prennent une importance grandissante.

Les États-Unis et la Suisse utilisent la taxe sur l’hébergement pour financer les festivals et les événements.

Une concurrence accrue

La croissance du nombre d’événements accentue la concurrence non seulement entre les festivals d’une même zone géographique, mais entre les différentes destinations, comme c’est le cas entre Montréal et Toronto avec leur festival sur le cinéma. Ces rivalités obligent les organisateurs à se démarquer, à assurer une programmation originale, voire exclusive, où dimensions artistique et commerciale doivent cohabiter, de même qu’à augmenter le financement auprès de partenaires déjà «sursollicités».

Le besoin constant de hausser les recettes oblige les responsables à développer de nouvelles activités et produits dérivés. C’est le cas notamment pour de grandes manifestations sportives telles que le «Grand Prix de Montréal» et les «Internationaux de tennis» où l’on a opté pour un volet culturel afin d’ajouter à l’attrait et d’accroître les retombées.

Tendances et conclusions

Voici les principaux éléments qui ressortent de l’étude produite par la Chaire de Tourisme sur le benchmarking des expériences étrangères dans le domaine des festivals et des événements:

  • des structures de financement variées;
  • une aide publique représentant généralement une part importante du budget;
  • une décentralisation de l’intervention publique;
  • de nombreuses sources possibles de financement public;
  • une volonté de certaines instances de structurer leur intervention dans le secteur;
  • une part de financement public en diminution pour les festivals et les événements de grande envergure;
  • peu d’exigences contraignantes au financement public;
  • de nouvelles formes de financement en développement;
  • des éléments attractifs de premier plan pour de nombreuses destinations.

Sources:
– Archambault, Michel. «L’impact de la trame événementielle comme élément de notoriété: le cas du Québec», discours prononcé à Juan les Pins en France lors du colloque international L’évaluation de l’événementiel touristique, 8 décembre 2005.
– Chaire de Tourisme. «Analyse de l’environnement externe (benchmarking) des expériences étrangères dans le domaine des festivals et événements», étude non publique, décembre 2004, 112 p.
– Festival Gigue en Fête. [www.gigueenfete.com].
– Morin, Christian. «Étude sur les retombées économiques de l’Industrie des attractions touristiques du Québec», Woods Stratégies Inc. pour la Société des Attractions touristiques du Québec, 2004, 55 p.
– Regroupement des Événements Majeurs Internationaux (RÉMI). [www.remi.qc.ca].
– Rodéo du camion. [www.elrodeo.com].

  • Myriam

    Merci pour le partage de votre analyse!
    Elle est joliment approfondie et les exemples sont très intéressants. La question des financements publics dans le cas des évènements culturels mérite sûrement une grande attention, mais elle est complexe. Votre article contribue à l’éclaircir, merci encore!

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