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Analyses - 15 janvier 2006

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janvier 2006

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Quand le tourisme spirituel prêche pour sa paroisse

Au Québec comme ailleurs, le «tourisme spirituel» fait de plus en plus d’adeptes. Jeunes ou vieux, croyants ou non, hommes et femmes, seuls ou en couple, ils sont de plus en plus nombreux en quête de silence et de beaux paysages où se ressourcer. Et, pour les accueillir, bon nombre de communautés et de monastères proposent aujourd’hui des séjours de quelques jours, avec ou sans prières. Ce phénomène représente cependant une manne financière qui pourrait sauver abbayes et régions.

Au Québec, en novembre dernier, une nouvelle circulait à l’effet qu’un consortium d’organismes des milieux de l’éducation, du tourisme, de la culture et de l’industrie agroalimentaire désirait acheter l’abbaye cistercienne Notre-Dame du Lac à Oka, pour y poursuivre l’oeuvre des pères trappistes, et ce, dans le plus grand respect de l’intégrité architecturale et paysagère du domaine.

La proposition envisageait la cohabitation de plusieurs activités souvent complémentaires, comme:

  • les arts et la culture: création d’un centre d’interprétation et de préservation du patrimoine par l’organisation d’événements artistiques (concerts, etc.);
  • la formation: mise en place d’entreprises-écoles (sur le modèle du compagnonnage) ou de programmes d’insertion en milieu de travail;
  • l’agriculture et la transformation alimentaire: implantation d’un centre de recherche en agriculture et développement d’une vitrine de produits régionaux (comme ceux de la pomme, le fromage Oka, etc.);
  • et, bien sûr, le tourisme: accueil de groupes pour des réunions d’affaires et des congrès, hébergement pour des retraites spirituelles et aussi organisation et hébergement lors de randonnées de ski de fond (avec souper et nuitée au monastère).

Un tourisme en quête de spiritualité

Alors que les églises se vident à l’heure de la messe, celles-ci font le plein de touristes quand vient le temps d’admirer patrimoine et art du sacré. Paradoxalement, l’oratoire Saint-Joseph se classe au troisième rang des sites les plus visités à Montréal (derrière le Casino et le Vieux-Port), avec deux millions de visiteurs par an. Quant à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré, elle attire annuellement 1,5 million de pèlerins.

Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, l’ermitage Saint-Antoine de Lac-Bouchette célébrera son centenaire en 2007. Ce site religieux est le quatrième sanctuaire en importance au Québec. Chaque année, il reçoit des milliers de visiteurs et de touristes.

À l’abbaye bénédictine de Saint-Benoît-du-Lac, près d’Austin dans les Cantons-de-l’Est, l’hôtellerie affiche très souvent complet. Située aux pieds du lac Memphrémagog, cette abbaye accueille des personnes, hommes et femmes, de toutes les religions, ainsi que des non-pratiquants. L’abbaye constitue un site touristique majeur puisqu’elle attire de 100 000 à 200 000 visiteurs par an (soit 1000 à 2000 personnes par semaine, en saison estivale). Certains viennent pour la messe, d’autres pour le repos, d’autres encore pour goûter au fromage et au cidre de pomme fabriqué par les moines à l’abbaye même.

Alors, que ce soit par simple curiosité, pour apprécier la richesse patrimoniale, pour des motifs spirituels, pour assister à un événement particulier, ou pour trouver calme et repos, le nombre de visiteurs ne cesse de croître.

Maredsous, Orval, et les autres

La Belgique compte de très nombreuses abbayes. Celles-ci, de par leurs missions touristique et agroalimentaire, participent activement au développement économique de leur région.

Dans la région de Namur, l’abbaye de Maredsous, un monastère fondé au XIXe siècle, est non seulement un haut lieu du tourisme belge, mais aussi la principale attraction touristique de la région. Ces lieux sont très courtisés par de nombreux touristes à la recherche de quiétude et de ressourcement naturel. En 2004, on y évalue d’ailleurs le nombre de visiteurs à plus de 400 000.

La survie de l’abbaye est assurée tant par les redevances perçues sur la commercialisation des produits qu’ils fabriquent (comme la bière et le fromage) que par les visites touristiques organisées. Mais, la vente des produits du terroir ne suffisant pas à assurer l’indépendance financière, les responsables du centre d’accueil de l’abbaye ont décidé, depuis quelques années, d’y ajouter un programme d’animations payantes (expositions temporaires, pièces de théâtre, festivals, etc.).

Le centre d’accueil attenant (Centre Saint-Joseph) permet la dégustation de leurs spécialités traditionnelles, comme le pain, le fromage, la bière et les produits du terroir. Des visites guidées de l’abbaye et de son atelier de céramique sont organisées pour des groupes de vingt personnes. On y organise également des expositions temporaires (sur la fabrication du fromage et de la bière, par exemple) ainsi que des projections cinématographiques qui présentent la vie des moines et l’histoire de l’abbaye.

Dans le sud-est du pays, l’abbaye Notre-Dame d’Orval se présente comme un ensemble d’un type particulier qui regroupe, tel un village, des zones bien distinctes, comme:

  • l’église et le cloître, ainsi que les anciennes ruines;
  • l’hôtellerie: à la recherche de ressourcement et de repos spirituel, les visiteurs, hommes et femmes, peuvent y loger pour une durée de 2 à 7 jours, seuls ou en groupe. Les hôtes sont alors invités à participer à la prière, ainsi qu’à des périodes, animées par un frère de la communauté, où ils peuvent littéralement «faire le plein»;
  • les ateliers: de nombreuses activités économiques assurent la pérennité financière de l’abbaye, et ce, dans bon nombre de secteurs de travail, par exemple un atelier de manutention, l’exploitation des produits de la forêt, l’entretien du site et des bâtiments, sans oublier les multiples services et tâches que nécessite la communauté (cuisine, buanderie, infirmerie, bibliothèque, etc.);
  • la fromagerie;
  • la brasserie: pour des personnes associées au secteur brassicole, qui ne se visite que de manière limitée et sur rendez-vous;
  • le musée pharmaceutique: qui organise des visites de groupe guidées, en quatre langues.

Les nombreux travaux de reconstruction et de préservation sont financés par les produits locaux. La brasserie est d’ailleurs le principal employeur de la région. Selon la coutume cistercienne, la communauté d’Orval vit de ses activités, dont le tourisme prend une grande part.

Citons également, entre autres, l’abbaye de Villers-la-Ville, le monastère Saint-André de Clerlande, l’abbaye de Scourmont, l’abbaye de Stavelot, l’abbaye de Floreffe, l’abbaye Notre-Dame de Leffe

.

Bref, alors que partout en Occident les traditions religieuses historiques luttent contre une désaffection notoire du culte et un déficit de ressources humaines et matérielles, on constate un intérêt particulier pour le tourisme spirituel.

Cette nouvelle forme de tourisme génère des retombées économiques non négligeables, tant pour la survie du monument historique même et de ses résidants que pour le développement local. En zone rurale, le rôle économique du patrimoine est d’ailleurs souvent important, car il permet aux prestataires touristiques régionaux d’offrir un produit global (hôtels, gîtes, chambre d’hôtes, restaurants, caves de dégustation, économusées, vitrine agroalimentaire, etc.), et ce, en toutes saisons.

Et qui dit développement économique dit création d’autres activités aux abords du site et, bien sûr, création d’emplois.

Sources:

– Baillargeon, Stéphane. «Un projet pour Oka», Le Devoir, 22 novembre 2005.
– Berger, François. «Le “tourisme spirituel” en hausse», La Presse, 12 juin 2002.
– Désiront, André. «Sur le chemin des sanctuaires», Le Soleil, 23 avril 2005.
– La Presse Canadienne. «L’Ermitage Saint-Antoine accueille chaque année des milliers de pèlerins», 18 juillet 2005.
– Les Cahiers Espaces. «Tourisme religieux», mars 1993.
– Mussot, Raphaëlle. «Monastères et tourisme: enjeux d’une mise en tourisme d’un patrimoine spécifique», Faculté d’anthropologie et de sociologie, Université Lumière Lyon 2, mémoire de DESS, 1998, 97 pages.
– Nouaille, Martine. «De pèlerinages en pardons, le tourisme spirituel en plein essor», Agence France Presse (AFP), 13 août 2003.
– Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal. «Étude sur le potentiel touristique du patrimoine religieux montréalais», Rapport final, août 1995.
– Perreault, Mathieu. «Le tourisme religieux a le vent dans les voiles», La Presse, 13 juillet 2005.
– Pirlot, Ronald. «Maredsous – L’abbaye, halte verte prisée par 400 000 visiteurs chaque année», Le Soir, 18 mai 2005.
– Téoros. «Tourisme, religion et patrimoine», vol. 24, no 2, été 2005.

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