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Analyses - 8 février 2006

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février 2006

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Le tourisme dans le sillon du commerce équitable

Dans la suite de notre analyse portant sur le tourisme équitable, nous tenterons d’évaluer les ressemblances et les distinctions entre commerce et tourisme équitable. Le «tourisme équitable» peut-il miser sur les mêmes critères qui contribuent au succès du «commerce équitable»?

Certification des produits – destinations touristiques équitables ou choix avisés de la part de voyageurs responsables

Que peut-on ou devrait-on certifier comme étant équitable dans un séjour touristique? Contrairement au commerce de biens, le tourisme suppose que le consommateur (touriste) se déplace vers le lieu de production (destination), lequel inclut une multitude de services (transport, attraits, hébergement, restauration, souvenirs, etc.), et qu’il participe à la «production» de son séjour. Devant cette réalité, doit-on considérer la certification de l’ensemble des composantes du séjour, ce qui toucherait les entreprises de plusieurs secteurs? Ou, au contraire, dans un contexte où il est essentiellement question de voyages internationaux, serait-il plus simple de certifier les produits des tour-opérateurs, (par ex.: le réseau Agir pour un tourisme responsable – ATR)? Les produits d’écotourisme pourraient-ils être utilisés comme «symbole» du tourisme équitable? Finalement, malgré l’existence de certains processus de certification en tourisme durable et en écotourisme, ces secteurs ne sont pas encore organisés en réseau comme c’est le cas dans celui du commerce équitable. Plusieurs questions demeurent et il apparaît évident qu’une certaine forme de certification servirait à référer aux voyageurs de réels produits – destinations touristiques équitables et à les conforter dans leurs choix.

Au-delà de la destination, les voyageurs indépendants peuvent également contribuer à un tourisme plus équitable, par leurs comportements et leurs options de consommation à destination des pays du Sud. À cette enseigne, plusieurs associations invitent les voyageurs à, par exemple, utiliser les produits et services offerts par les résidants de la destination (gîte, hébergement chez l’habitant, cuisine locale, etc.). Bien que de tels comportements soient à encourager, force aussi est d’admettre que le tourisme ne peut bénéficier aux pays du Sud que dans la mesure où il y a des accès aériens à prix concurrentiel, condition qui implique nécessairement les grandes entreprises transnationales (voyagistes internationaux, grandes chaînes hôtelières), capables de générer un volume suffisant de clients.

Soutien institutionnel et alliances stratégiques

À cet égard, le tourisme équitable peut compter sur plusieurs acquis. Des organisations internationales, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) en tête, identifient le «tourisme durable» comme facteur de lutte contre la pauvreté et proposent de nouvelles façons de voir le développement touristique dans les pays du Sud. Dans son document «Tourism and Poverty Alleviation», l’OMT propose une série de principes directeurs pour faire en sorte que les dépenses touristiques puissent contribuer à l’élimination de la pauvreté dans les pays en développement. Elle fait aussi la promotion du Code mondial d’éthique du tourisme, qui préconise, notamment, la compréhension et le respect mutuels entre hommes et sociétés, ainsi qu’un tourisme au bénéfice des pays et des communautés d’accueil. Plusieurs autres organisations interviennent dans les domaines de l’expertise, de la diffusion d’information, de la référence d’entreprises touristiques qui préconisent des pratiques responsables et, finalement, dans des campagnes qui encouragent les voyageurs à adopter des comportements responsables, éthiques et solidaires.

Sur le plan des alliances, on trouve l’International Network on Fair Trade in Tourism qui a été mis en place par «Tourism Concern» et qui rassemble 150 organisations préoccupées par le tourisme équitable. Un autre bel exemple d’alliance est celui de l’Agence italienne de tourisme responsable (AITR) qui regroupe, autour d’une «Charte du tourisme responsable», divers acteurs dont les rôles sont complémentaires.

Rôle stratégique du réseau de distribution

Toujours en se basant sur l’expérience du commerce équitable, il apparaît évident que le réseau de distribution joue un rôle stratégique afin de rendre facilement accessibles les produits touristiques équitables là où les gens ont l’habitude de faire leurs achats de voyage. C’est un constat d’autant plus vrai dans un contexte où les formules «tout compris» demeurent populaires pour les voyages à destination des pays du Sud, qu’il s’agisse de voyages spécialisés (aventure, écotourisme) ou traditionnels. À cet égard, plusieurs initiatives en faveur d’un tourisme équitable et solidaire ont été lancées au cours des dernières années. Toutes ces initiatives, intéressantes, demeurent volontaires et n’impliquent actuellement qu’un nombre limité d’acteurs, trop limité d’ailleurs, si l’on considère la forte dépendance des pays du Sud à l’égard des tours-opérateurs (TO) du Nord. Considérant que les formules «tout compris» sont de moins en moins chères et demeurent très populaires pour les voyages à destination des pays du Sud, il devient incontournable d’aborder la notion de juste prix, un des principes du commerce équitable. Peut-on parler de juste prix dans le cas de forfaits tout inclus à 1000$ la semaine? Est-ce que les prix demandés tiennent compte des répercussions du tourisme sur l’environnement et la qualité de vie des populations locales? Le débat reste ouvert.

Internet, qui révolutionne les façons d’organiser et de réserver des voyages, pourrait aussi faciliter les liens entre les petits opérateurs touristiques de certains pays du Sud et les consommateurs du Nord. C’est justement ce que visent des sites comme Green Travel Market. Plus globalement, Internet peut aussi contribuer à aider les voyageurs à mieux se préparer et à se renseigner avant un voyage et, ultimement, à mieux comprendre que leurs choix ont des répercussions sur les populations du Sud qu’ils se proposent de visiter.

Des produits touristiques équitables de qualité

Pour trouver preneur, les produits touristiques équitables doivent nécessairement répondre aux aspirations des voyageurs – pas n’importe lesquelles et pas à n’importe quel prix -, que ce soit en termes de paysages, de nature, de culture ou de services. À cet égard, on en trouve plusieurs dans le segment du tourisme de nature et de l’écotourisme. Se pose aussi la question de produits touristiques équitables qui répondent à un éventail de goûts, tant auprès de clients qui sont à la recherche de formules de voyage alternatives qu’auprès de voyageurs plus traditionnels (ex.: tourisme de plage). Relever le défi de la qualité requiert aussi la mise en place de mécanismes qui soutiennent le développement des ressources humaines des pays du Sud et qui habilitent celles-ci à occuper des postes variés dans les entreprises et les organisations touristiques des destinations. Finalement, les produits touristiques équitables de qualité doivent être mis en marché de manière à ce qu’ils puissent être distingués parmi l’ensemble des produits, possiblement par l’entremise d’une certification ou d’un label.

Une grande visibilité médiatique

Graduellement, les articles et les reportages traitant de tourisme équitable commencent à être diffusés avec plus d’insistance. Certains magazines de voyages majeurs s’intéressent aussi à ce phénomène dans la foulée de l’importance qui est accordée au développement durable du tourisme (ex.: National Geographic Traveller, National Geographic Adventure et Conde Nast). Ces sources indépendantes peuvent avoir un impact non négligeable sur l’éducation des voyageurs et leur prise de conscience face aux répercussions de leurs choix de destinations et de leurs comportements de voyage. Force est de reconnaître qu’il reste beaucoup à faire en ce domaine.

Sources:

– Blangy, Sylvie. «Les initiatives de tourisme autochtone se multiplient», La Revue Durable, no 11, Dossier: Quel tourisme pour une planète fragile, juin-juillet-août 2004.
– Chelin, Véronique. «Les consomm’acteurs équitables», Le Devoir, 13 mars 2005.
– Désiront, André. «Le tourisme comme moyen de partager», La Presse, 10 janvier 2004.
– Gervais, Lisa-Marie. «L’équitable se met à table», La Presse, 16 mai 2005.
– El Alaoui, Françoise. «Le tourisme équitable», mémoire de recherche de maîtrise de management du tourisme, École supérieure de gestion de Paris, soutenue le 25 septembre 1999 et mis à jour en 2002, [http://elalaoui.free.fr/table.html].
– Forum international tourisme solidaire et développement durable, [www.tourisme-solidaire.org].
– «Le tourisme n’aide pas toujours le développement, La Revue Durable, no 11, Dossier: Quel tourisme pour une planète fragile, juin-juillet-août 2004.
– Tour Operators Initiative (TOI) for Sustainable Development on Tourism. «Activity Report 2004», [www.toinitiative.org/about/documents/activityreport2004.pdf].
– Waridel, Laure et Sara Teitelbaum. «Rapport de recherche/commerce équitable: une poussée pour des échanges plus justes aux Pays-Bas, en Suisse et en France, 1999.

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