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Analyses - 16 mai 2006

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mai 2006

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Nombre de touristes ou recettes touristiques?

Doit-on comptabiliser la croissance de l’industrie touristique en nombre d’arrivées internationales ou en retombées économiques? Dans quel classement préfère-t-on performer le mieux? Où le Canada se positionne-t-il? Dans le processus de comparaison entre les pays, nous nous sommes aperçus que nous faisions fausse route en essayant d’analyser les taux de croissance des recettes touristiques internationales de 2004 par rapport à 2003.

Des chiffres déroutants

L’Organisation mondiale du tourisme (OMT) soulignait que, après avoir diminué pendant trois années consécutives, les recettes du tourisme international ont augmenté de 9% en 2004, tout en précisant que cette augmentation était exprimée en devises locales et en prix constants, c’est-à-dire en faisant abstraction des effets des variations des taux de change et de l’inflation.

Quand on examine les taux de croissance de 2004 par rapport à 2003 des recettes du tourisme international en dollars américains (statistiques de l’OMT), il y a de quoi être ébahi!

  • À l’échelle mondiale, l’augmentation se chiffre à 18,8%.
  • L’Asie-Pacifique affiche une croissance de 31,8% et le Moyen-Orient de 24,8%.
  • En Europe, un seul pays (Hongrie) se situe sous la barre des 10%.
  • En Asie-Pacifique, la majorité des destinations (12 pays sur 15) présentent des taux de croissance supérieurs à 20%.
  • Le Canada peut se réjouir d’une hausse de 21,8% de ses recettes.

Or, quand on examine les taux de croissance de 2004 par rapport à 2003 des recettes du tourisme international en euros (statistiques de l’OMT), il y a de quoi être déconcerté!

  • À l’échelle mondiale, l’augmentation se chiffre à 8%.
  • L’Asie-Pacifique affiche une croissance de 19,8% et le Moyen-Orient de 13,5%.
  • En Europe, deux pays seulement (Ukraine et Pologne) se situent au-dessus de la barre des 10%.
  • En Asie-Pacifique, un peu moins de la moitié des destinations (6 pays sur 15) présentent des taux de croissance supérieurs à 20%.
  • Le Canada fait bonne figure avec une hausse de 10,7% de ses recettes.

À la lumière de ces statistiques, il devient difficile de comparer les taux de croissance des recettes entre les pays. En effet, si le yen a gagné plus de terrain par rapport à l’euro que le dollar canadien durant l’année, le taux de croissance reflète tant l’évolution du taux de change que l’évolution des recettes. Si les statistiques des recettes étaient produites en devises locales et en prix constants, l’exercice serait plus juste et plus révélateur.

Dans quel classement préfère-t-on faire meilleure figure?

La France constitue la destination mondiale numéro un en termes d’arrivées internationales, mais se classe au 3e rang en ce qui concerne les recettes touristiques. Et non seulement c’est elle qui affiche la plus mauvaise performance en ce qui a trait à la dépense moyenne par arrivée internationale parmi le Top 12 des recettes, mais elle est aussi surpassée par de nombreuses autres destinations. À l’inverse, les États-Unis figurent en 3e place en termes d’arrivées, en 1re position pour les recettes, et font très bonne figure sur le plan des dépenses moyennes (tableau 1).

Malheureusement, certaines données manquantes, comme la durée du séjour, nous empêchent de brosser un portrait plus précis de la situation. Mais, en jonglant avec les chiffres (tableaux 1 et 2), on peut tout de même relever d’autres points intéressants:

  • Avec 38% moins d’arrivées, les États-Unis engrangent 45% plus de recettes que la France. Le touriste qui visite les États-Unis dépense trois fois plus qu’en France, soit 1616 USD contre 544.
  • Les États-Unis et l’Allemagne se positionnent avantageusement dans les trois classements (recettes, arrivées et dépenses moyennes).
  • L’Australie est le pays le plus performant quant aux dépenses moyennes selon les données de 2003 (arrivées 4,4 millions, recettes 10,3 milliards USD, dépenses moyennes 2370 USD). Il réussit à occuper le 10e rang pour les recettes en 2004, même s’il n’apparaît pas dans le Top 20 des arrivées (en 20e position, les Pays-Bas avec 9,6 millions). Il enregistre sensiblement les mêmes recettes que le Canada pour quatre fois moins d’arrivées.
  • Le Japon et la Belgique (données de 2003 pour les arrivées) font partie du club sélect des 20 pour les recettes (20e position, la Malaisie avec 8,2 milliards USD), mais ne figurent pas à celui des arrivées. Leur ratio de dépenses moyennes est évidemment très élevé.
  • Même s’ils ne sont pas répertoriés dans les 20 premières positions du classement des recettes, plusieurs pays (tableau 2) réussissent tout de même une meilleure performance sur le plan des dépenses moyennes que d’autres qui y sont présents.
  • Hong Kong, la Pologne, la Hongrie et l’Ukraine, tous situés dans le Top 20 des arrivées, font piètre figure au chapitre des dépenses moyennes avec des montants inférieurs à 500 USD.
  • Malgré ses 6 millions d’arrivées, la Tunisie ne réussit pas à générer des retombées économiques substantielles, avec une dépense moyenne de 318 USD par arrivée internationale.
  • Avec un ratio de dépenses moyennes de 702 CAD en 2004 (3,3 millions de touristes étrangers et 2,3 milliards CAD en recettes), le Québec surpasse la moyenne canadienne.

Que doit-on en conclure?

Quand on voit des chiffres, où la France se targue d’avoir 75 millions d’arrivées internationales et qu’elle ne réussit à obtenir qu’un ratio de dépenses moyennes de 544 USD, on se demande si les statistiques parlent d’elles-mêmes, si l’on doit les remettre en question, s’il manque des renseignements essentiels pour les interpréter efficacement, si les méthodologies sont homogènes ou…

L’analyse des données permet de constater que plus d’arrivées n’égalent pas nécessairement des recettes accrues. Dans cet esprit, plusieurs pays souhaitent que les visiteurs dépensent davantage.

Au Royaume-Uni, l’Office national des statistiques comptabilisait des hausses de 11% des touristes en 2004 (27,3 millions) par rapport à 2003 et de 8% des recettes (12,8 milliards de livres). Malgré ce bilan positif, VisitBritain vise évidemment à augmenter le nombre de touristes, mais surtout à augmenter leurs dépenses.

Parmi les destinations de tête, l’Italie avoue avoir connu une année 2004 plutôt mauvaise par rapport à 2003. La chute de 2,2% du nombre de nuitées (336,8 millions) et le recul de la durée moyenne des séjours (4,06) de 2,4% viennent jeter une ombre au tableau des recettes.

Même discours chez les professionnels espagnols chez qui «moins de touristes et plus de rentabilité» est devenu le nouveau credo des grands groupes hôteliers et des touristiques espagnols. Les autorités gouvernementales aussi estiment qu’il serait préférable de recevoir moins de touristes, mais avec une durée de séjour plus longue. Le nombre de visiteurs a progressé de 3,4% en 2004 (53,6 millions), mais le volume des recettes n’a pas suivi, ce qui constitue un recul au chapitre des dépenses moyennes.

Au Québec, l’Association touristique régionale (ATR) de la Gaspésie a fait le même constat: malgré l’augmentation du nombre de touristes, ces derniers demeurent moins longtemps et dépensent moins qu’auparavant. Pour contrer ce problème, l’ATR a accru sa présence sur les marchés promotionnels, a investi dans les programmes de formation axés sur l’approche client et a entrepris une démarche «Qualité».

Évidemment, la méthodologie et la comptabilisation des données peuvent différer d’un pays à l’autre et rendre difficile les comparaisons (lire aussi: Saviez-vous que… les statistiques nous réservent des surprises?). Mais, au-delà des chiffres, la question posée reste d’intérêt. Est-ce que l’objectif est d’attirer plus de touristes avec toutes les conséquences qui s’ensuivent ou de voir progresser les retombées économiques dans une perspective de développement durable?

Sources:
– Alves, Jose. «L’Espagne remet en cause son modèle touristique», Les Échos, no 19338, 27 janvier 2005, p. 26.
– McGrath, Ginny. «Britain Needs Big Spenders», Travelmole, 9 février 2005.
– Organisation mondiale du tourisme. «Tourism Highlights», Édition 2005.
– Voilà.fr. «L’Italie a connu une mauvaise année touristiques en 2004», [www.voila.fr], 11 février 2005.

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