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Analyses - 15 juin 2006

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juin 2006

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Redéfinir le tourisme culturel, c’est aussi redéfinir la culture!

[15 juin 2006] Tenter de définir le «touriste culturel» est un exercice périlleux! Comment aller plus loin que la traditionnelle approche qui veut qu’un touriste culturel soit un touriste qui pratique une activité culturelle ou qui visite une attraction culturelle? En considérant également l’importance de la culture dans le choix d’une destination touristique, de nouvelles approches émergent pour tenter de redéfinir les concepts de «culture» et de «tourisme culturel».

Qu’est-ce qu’un touriste culturel?

La tâche de définir ce qu’est un «touriste culturel» exige que nous puissions déterminer les motivations, les attentes et les besoins de ces touristes dits «culturels» et que nous soyons en mesure de savoir comment la consommation de produits récréotouristiques à caractère culturel y répond.

Dans une étude portant sur le tourisme culturel en milieu urbain, la Commission Européenne du Tourisme (CET) présente une classification des touristes culturels selon deux axes distincts: d’abord, celui de l’importance que la culture revêt dans leur choix de visiter une destination; mais aussi, et peut-être surtout, celui relatif à l’intensité de l’expérience culturelle réellement vécue ou recherchée par les touristes au cours de leur séjour.

Cette typologie, développée par McKercher et Du Cros, propose cinq catégories de touristes culturels [traduction libre]:

  • Le passionné (purposeful cultural tourist): la culture est son motif premier de visite et il vit une expérience culturelle très profonde.
  • Le consciencieux (sightseeing cultural tourist): la culture occupe une place importante dans son choix de visiter une destination, mais l’expérience culturelle vécue est moins profonde.
  • L’instinctif (serendipitous cultural tourist): il ne voyage pas pour des raisons culturelles mais, du fait de sa participation, il se trouve à vivre une expérience culturelle très profonde.
  • Le désinvolte (casual cultural tourist): la culture n’est pas sa motivation première pour voyager et l’expérience culturelle qui en résulte est superficielle.
  • L’accidentel (incidental cultural tourist): il ne voyage pas pour des raisons culturelles, mais participe cependant à des activités qui lui procurent une expérience culturelle superficielle.

Cette nouvelle typologie révèle que chaque touriste, à un degré ou à un autre, délibérément ou «par mégarde», est en fait un touriste culturel. De plus, elle suggère que l’expérience culturelle peut être plus ou moins intense, cette intensité étant fonction de la participation du touriste et pas seulement de ses motifs.

Enfin, bien qu’elle entraîne une nouvelle problématique sur le plan de l’évaluation de l’expérience recherchée et vécue, cette taxinomie va tout de même plus loin que la traditionnelle approche qui veut qu’un touriste culturel en soit un qui pratique une activité culturelle ou qui visite une attraction culturelle.

L’intention vs la pratique

Deux approches s’affrontent donc quant à la compréhension de ce qu’est un touriste culturel:

1) L’approche fonctionnelle. Centrée sur l’offre, cette approche est plus institutionnelle et est aussi plus élitiste, car elle reconnaît la valeur culturelle du touriste selon sa participation à une activité culturelle de nature plus traditionnelle ou «institutionnalisée».

2) L’approche conceptuelle. Centrée sur la demande, cette approche tient compte des intentions et des motivations des touristes en analysant le rôle de la culture comme motif de voyage. Par contre, sans une définition reconnue de la culture, il devient difficile de circonscrire le phénomène du tourisme culturel.

Malgré l’émergence d’une deuxième approche basée sur la demande, la réalité du tourisme culturel et de ses adeptes demeure difficile à cerner et à délimiter sans sacrifier à un certain parti pris.

Un tourisme culturel redéfini

Jane Lutz de l’université Birmingham propose une typologie intéressante afin de surmonter cette impasse et de réconcilier les perspectives de l’offre et de la demande. Cette typologie se déploie le long de deux axes: celui de la production de la culture (l’offre) et celui de sa consommation (la demande). Elle intègre les notions de «culture noble» et de «culture populaire», mais les cantonne à l’axe de production. Qui plus est, elle leur adjoint la notion de «culture du quotidien» ou «culture ancrée», notion faisant référence aux caractéristiques culturelles «immatérielles» ou à ce que l’on appelle communément les us et coutumes. Pour ce qui est de la consommation, elle peut être définie selon le degré de participation, de passif à actif.

Le tourisme culturel peut ainsi être divisé en quatre formes de tourisme distinctes mais entrecroisées: les tourismes patrimonial, culturel, artistique et créatif. Cette typologie permet de sortir de l’impasse en rappelant une évidence que les autres approches oublient de mentionner, à savoir que si le concept de culture réfère à une réalité complexe, multiple et variée, le phénomène de tourisme culturel doit nécessairement référer à une réalité tout aussi complexe, multiple et variée.

Ainsi, s’il y a différentes formes de culture (artefacts/produits, processus, expériences), si sa production peut être catégorisée selon différents niveaux et selon différentes époques et si sa consommation prend des formes diverses, le touriste culturel devient lui-même un personnage changeant et disparate, affublé d’une personnalité multiple variant selon les lieux où il se trouve (musée, bâtiment historique, théâtre, opéra, festival de rue, restaurant gastronomique, etc.), ses modes de consommation (participatif, contemplatif, éducatif, festif, etc.), mais aussi l’espace temporel (passé, présent et futur) et les objets (artefacts/produits, processus, expériences) sur lesquels son attention se fixe.

Ce qui peut faire qu’un touriste quelconque devienne ou soit considéré comme un touriste culturel, c’est alors tout stimulus culturel à même d’éveiller sa curiosité, son attention ou sa participation, et ce, quelle que soit la nature de ce stimulus.

Conclusion

Un touriste culturel est avant tout en interaction avec son environnement, c’est-à-dire que, non content de recevoir, il est également en mesure de donner et de partager avec la culture hôte. Le touriste culturel est donc un agent culturel au sein d’une culture qui lui est étrangère ou peu connue; il sera de ce fait appelé à devenir un élément de la culture hôte – élément perturbateur ou façonneur -, mais un élément à part entière…

François-G. Chevrier, en collaboration avec Mattieu Clair-Saillant

Sources :

  • Commission Européenne du Tourisme (2005). «City Tourism & Culture – The European Experience». ISBN 92-990034-1-6, p. 4.
  • Arnaud, Gilles (2005). «Envie de France – Rapport de prospective sur l’attractivité culturelle de la France». Commissariat général du Plan, Centre d’Analyse stratégique, p. 39.
  • Lutz, Jane. «Cultural Tourism: Trends and Prospects». University of Birmingham, 10 novembre 2005. http://www.artswales.org/publications/Keynote%20Cultural%20Tourism.ppt.

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