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Analyses - 15 juillet 2007

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juillet 2007

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Le tourisme autochtone, plus qu’un simple produit

Il est indéniable que le tourisme autochtone représente un produit porteur pour le Québec, mais le développement du tourisme ethnoculturel comporte des dimensions qui vont au-delà du simple produit touristique. Le voyageur y voit de l’exotisme, les communautés autochtones y cherchent une planche de salut et le produit touristique se doit d’être authentique. Comment arrimer tout cela dans l’harmonie? Malgré les difficultés, la rencontre des mondes touristique et autochtone ne peut qu’être constructive.

La place du tourisme dans le développement socioéconomique des autochtones

Le tourisme agit comme moteur de développement socioéconomique des communautés autochtones. Il contribue à favoriser la créativité, à renforcer l’identité et la cohésion sociale, à approfondir la compréhension interculturelle, à consolider des intérêts financiers et à assurer une revitalisation culturelle. Plus qu’un simple apport économique, les communautés autochtones le considèrent comme:

  • Un moyen de réconciliation – L’image médiatique des revendications des autochtones, des problèmes sociaux, de la dépendance à l’aide gouvernementale et à l’aide sociale renforce les préjugés de la population envers eux. Or, la rencontre de ces deux milieux culturels par le biais d’expériences touristiques permet de mieux comprendre la réalité autochtone, d’échanger, d’atténuer les objets de dissension et de renforcer les liens interculturels.
  • Un moyen de préserver leurs traditions et de se rapprocher – Plusieurs communautés autochtones commencent à voir le tourisme comme un moyen de garder leur culture vivante. Elles ressentent le besoin de se réapproprier les pratiques d’activités traditionnelles de même que leur langue, de conserver leur patrimoine et de transmettre tout ce bagage aux jeunes, ce qui donne lieu à un rapprochement entre les générations.
  • Un moyen de promouvoir leur culture – Le tourisme permet de faire connaître leur histoire, de mettre en valeur toute la richesse culturelle autochtone et de lui donner une vitrine à (arts, cuisine, valeurs, mythes et légendes, etc.).
  • Un moyen d’émancipation – Promouvoir son identité culturelle à l’échelle nationale et internationale engendre un sentiment de fierté et d’estime de soi. En outre, la prise en charge de ses responsabilités assure une certaine stabilité au sein de la communauté.

De la réalité à la mise en tourisme, un long parcours annoncé

Comment traduire la réalité d’un peuple, c’est-à-dire ses dimensions sociales, politiques, culturelles, économiques et environnementales en tourisme ethnoculturel? Un long parcours s’annonce car communauté, tourisme et voyageur ont chacun leurs attentes et leurs contraintes.

Tout débute par la volonté et l’engagement

La volonté et l’engagement de la communauté autochtone de même que son implication directe dans le processus de développement du projet touristique sont des conditions sine qua none au succès de l’entreprise. Respect, compréhension et adaptation deviennent des impératifs afin de mettre au même diapason communauté autochtone et intervenants de l’industrie touristique. Chacun tablant sur son expertise, le partenariat devient nécessaire.

La stabilité politique constitue un autre facteur de réussite, car elle permet d’assurer la continuité des projets. Le changement à la tête du conseil de bande peut venir brouiller les cartes et même inhiber l’entreprenariat au sein de la communauté si les nouveaux dirigeants n’ont pas la volonté de poursuivre les actions engagées.

Quand mode de vie autochtone et impératifs touristiques tentent de s’arrimer…

Le tourisme autochtone prend diverses formes allant du tourisme ethnoculturel à l’écotourisme, en passant par le tourisme d’aventure et il se traduit de multiples façons: boutique et galerie d’art, musée, tour guidé, danse et musique traditionnelle, séjour au sein d’une communauté, découverte des mythes et des légendes, dégustation de la cuisine, initiation au mode de vie (chasse, pêche, savoir-faire traditionnel), expérience en forêt, connaissance des plantes médicinales, assistance à un événement, hébergement, transport, etc.

Plusieurs collectivités souhaitent que l’appellation «tourisme autochtone» soit utilisée uniquement pour désigner des activités touristiques prises en charge et contrôlées par des autochtones. Certains dénoncent le manque d’authenticité ou la dénaturation du produit (ex.: un tipi situé à l’arrière d’un hôtel). Il arrive aussi que l’attrait de l’argent et du profit mettre en péril l’intégrité culturelle. En Australie, un programme national d’accréditation intitulé Respecting Our Culture a été développé par Aboriginal Tourism Australia pour assurer l’authenticité, contrôler la surexploitation et maintenir l’intégrité de la culture aborigène.

Le tourisme autochtone est lui aussi soumis aux aléas de l’industrie touristique: saisonnalité, manque de main-d’œuvre qualifiée, difficulté de mise en marché du produit, etc.

Établir un équilibre entre traditions, modernité et commercialisation de la culture demeure un défi de taille. Jusqu’où doit aller l’adaptation de l’offre pour répondre à la demande? Jusqu’où doit aller la modification du style de vie pour plaire au visiteur? Il y a tout un débat autour de la qualité de l’expérience, les critiques venant autant des communautés autochtones que des intervenants de l’industrie touristique.

Le tourisme contrevient à certaines valeurs des communautés autochtones et ne cadre pas toujours avec leur mode de vie:

  • lieux sacrés devant être gardés secrets;
  • sentiment d’être observé;
  • obligation d’assiduité lors des prestations touristiques;
  • notion de sécurité, niveau de confort et d’hygiène exigé par le touriste;
  • etc.

Pour minimiser les incidences négatives sur la collectivité et la culture, il importe de délimiter des frontières, c’est-à-dire de déterminer ce que la communauté veut montrer aux visiteurs et la façon dont elle veut interagir avec eux. Un guide autochtone est l’interlocuteur tout indiqué pour rendre l’expérience touristique harmonieuse entre le visiteur et le visité, pour bien interpréter la culture autochtone et en améliorer la compréhension.

La modernité dans laquelle vivent les communautés (habitation, ameublement, tenue vestimentaire, municipalité, services disponibles, etc.) soulève une note discordante avec l’authenticité à laquelle le touriste s’attend. Le défi est donc de faire ressortir l’exotisme des activités traditionnelles au travers du quotidien qui se déroule dans un habitat moderne semblable à ce que le visiteur a chez lui.

Autre élément important, le temps et les coûts que peut engendrer l’éloignement exigent que l’expérience soit unique, exotique et mémorable, à la hauteur des attentes du touriste. Attentes d’autant plus grandes que le voyageur, prêt à investir une telle somme, est en général un voyageur aguerri et il n’est pas question qu’il se laisse berner par un produit ou par une mise en scène qui sonne faux.

Bonne nouvelle pour le tourisme autochtone

Le 3 juillet 2007, le gouvernement du Québec annonçait la signature d’une entente de trois ans reconnaissant officiellement à l’Association crie de pourvoirie et de tourisme (ACPT) le statut d’association touristique régionale (ATR), laquelle desservira les communautés cries d’Eeyou Istchee. Le Québec se dote ainsi d’une 22e association touristique régionale et d’une troisième dans la région administrative du Nord-du-Québec, avec Tourisme Baie James et l’Association touristique du Nunavik.

Comme on peut le constater, la suppression des obstacles entre les autochtones et les non-autochtones vit son lot de difficultés, mais le jeu en vaut la chandelle.

Sources:
– Colloque «La recherche, un apport pour le tourisme en milieu autochtone», Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG-UQAM, Centre international de formation et de recherche en tourisme de l’UQAM, Réseau québécois d’échange sur les questions autochtones (DIALOG), 29 novembre 2006, UQAM, Montréal.
– Delisle, Marie-Andrée et Louis Jolin. «Un autre tourisme est-il possible?», Presses de l’Université du Québec, 2007, 144 pages.
– Fortin, Claudia. «Australie – Étude de trois secteurs de l’industrie touristique: tourisme aborigène, parcs animaliers et croisières-excursions», rapport de stage, Chaire de Tourisme UQAM, juillet 2003.
– Industrie Canada. «Bâtir une Stratégie nationale en matière de tourisme».
– Patrimoine Canada. Initiative FPT (fédérale-provinciale-territoriale) sur le rapport culture/patrimoine et tourisme, Groupe de travail sur les cultures autochtones et le tourisme. www.pch.gc.ca/pc-ch/pubs/tourism/index_f.cfm#1.

Sites Internet:
Aboriginal Tourism Canada.
Société touristique des Autochtones du Québec.

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