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Analyses - 23 février 2010

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Nouvelle réglementation sur la pollution de l’air par les compagnies de croisières : un désastre financier ?

Est-ce que de nouvelles réglementations environnementales, plus contraignantes et onéreuses pour les promoteurs ou fournisseurs de services touristiques, auront des effets négatifs sur la demande ou la fréquentation de notre destination? Voyons l’exemple plus précis de l’industrie des croisières, qui verra prochainement son coût de carburant augmenter considérablement en raison de l’adoption d’une proposition conjointe du Canada et des États-Unis de réduction des émissions polluantes.

Les territoires se positionnent à propos des nouvelles réglementations

L’International Maritime Organization (IMO), a approuvé la proposition conjointe du Canada et des États-Unis visant à délimiter une zone de contrôle des émissions polluantes (ECA) à 200 milles nautiques des côtes. Les bateaux devront alors utiliser un carburant de meilleure qualité, diminuant considérablement les particules polluantes rejetées dans l’air. Actuellement, le protocole prévoit des réductions d’oxydes de soufre allant de 4,5 % à 3,5 % au premier janvier 2012 et jusqu’à 0,50 % en 2020 pour tous les autres territoires. Les zones ECA dont celle du Canada et des États-Unis vont plus loin et exigent la réduction des émissions de soufre de 1,5 % à 1 % au 1er août 2012 et à 0,10 % en 2015. L’ECA nord-américaine comprendra également l’archipel d’Hawaï et Anchorage.

Selon l’Environmental Protection Agency (EPA), lorsqu’elle sera complètement implantée, cette nouvelle politique amènerait une réduction de 80 % des émissions d’oxydes d’azote et 96 % des émissions de soufre. Parmi les bénéfices projetés, mentionnons la diminution des frais de santé de l’ordre de 110 à 280 milliards USD d’ici 2030.

Les compagnies de croisières ont accueilli plutôt froidement cette nouvelle. Il faut comprendre que le coût du carburant propre est de deux fois celui utilisé présentement. La Cruise Lines International Association (CLIA) émet également de sérieuses réserves quant à la disponibilité en Amérique du Nord de ce type de carburant ainsi que face à l’établissement de la zone de 200 miles, jugée trop grande

Des répercussions plutôt inégales

L’Amérique du Nord n’est pas le seul territoire visé par ce type de réglementation. L’Antarctique, la mer Baltique, la mer du Nord ainsi que la Californie disposent déjà de réglementations similaires. Les effets sur la destination varient considérablement. En Antarctique par exemple, la modification adoptée en juillet 2009 et qui entrera en vigueur en 2011, interdit aux bateaux de transporter un fioul lourd. Cette décision nécessitera l’utilisation d’un carburant écologique pendant toute la durée de la croisière, généralement au départ de Buenos Aires. Plusieurs compagnies telles que Swan Hellenic et Voyages of Discovery ont dû retirer cet itinéraire de leur brochure. Le coût d’un tel type de voyage est déjà fixé à environ 5 000 euros par personne.

Les régions de la mer Baltique et de la mer du Nord se sont aussi dotées d’une ECA, et ce, depuis 2006. De son côté, la Californie exige depuis juillet 2009 l’utilisation d’un carburant plus écologique à moins de 24 milles des côtes. La côte Ouest américaine ne semble avoir subit aucun redéploiement suite à cette mesure, même que de nouvelles escales se sont ajoutées. Notons entre autres, le Disney Wonder qui sera positionné au port de Los Angeles en 2011.

Le Air Ressources Board estime que cette nouvelle loi coûtera de 140 à 360 millions aux compagnies de transport maritime par année. Certains experts mentionnent que les deux projets d’ECA adoptés cette année pourraient inciter d’autres régions à déposer des demandes en ce sens.

L’exemple de l’Alaska

En 2006, l’Alaska a voté l’entrée en vigueur d’une taxe de 50$ par passager afin d’obtenir des fonds pour protéger ses ressources. Cette initiative est fréquemment citée comme étant la cause du redéploiement de plusieurs bateaux vers l’Europe pour 2010 de la plupart des compagnies desservant la destination. Les consommateurs étant particulièrement sensibles aux tarifs lors d’une période de crise, les compagnies se sont lancées en 2009, dans une vague de rabais et de promotions hors du commun. La taxe par passager exerce ainsi une pression supplémentaire sur le prix total du forfait.

D’autres facteurs influencent peut-être cette diminution? D’une part, la demande pour les croisières en Europe augmente rapidement et d’autre part, la proportion de la clientèle européenne est en forte croissance par rapport à celle des Américains. Selon la CLIA, la proportion des passagers étrangers ayant pris part à une croisière en 2008 est passée de 18 % à 22 % par rapport à 2007. On peut supposer que le redéploiement des bateaux de croisières vers l’Europe soit attribuable à une combinaison de facteurs et non seulement à une hausse du tarif pour le consommateur.

Les tendances actuelles

Plusieurs gestionnaires de l’industrie touristique s’interrogent sur la façon dont cette loi affectera la demande pour l’itinéraire Canada/Nouvelle-Angleterre.

Les augmentations importantes du coût du carburant en 2008 ont amené les compagnies à modifier leurs itinéraires et à offrir plus de croisières 4 à 5 jours. Cette tendance répond également avec les demandes des voyageurs qui cherchent des façons de diminuer le coût de leur voyage. Raccourcir la durée en est une, limiter – voire éliminer – les déplacements aériens en est une autre. Ceci explique la multiplication des ports d’embarquement afin qu’une plus grande proportion des croisiéristes puissent se rendent au port d’embarquement par voie terrestre. Les États-Unis comptent maintenant une trentaine de ports d’embarquement desservant la moitié de la population.

Dans son analyse de l’impact des croisières pour l’économie américaine, la Business Research and Economic Advisors (BREA) a déterminé que 19 % des passagers résident dans un État de la côte Est ou au Québec. Les croisières qui naviguent sur le Saint-Laurent viennent pour la plupart de New York, Boston, Montréal et Québec. Ce bassin de clientèle très important pour les armateurs le demeurera au cours des prochaines années. La tendance visant à éliminer le plus possible les déplacements en avion se maintiendra. Il est cependant difficile de prévoir comment réagiront les croisières transatlantiques avec l’adoption de cette nouvelle loi.

Une adaptation inévitable

Il est évident que la direction donnée par l’IMO ne changera pas. Ce n’est qu’une question de temps avant que toutes les régions ne se dotent de zones contrôlées et rejoignent l’Antarctique, la mer Baltique, la mer du Nord et bientôt le Canada et les États-Unis. Comme une hausse des coûts d’exploitation est à prévoir, il faut s’attendre à une hausse du prix forfaitaire. Les croisières Canada/Nouvelle-Angleterre seront désavantagées par rapport à celles au départ de la Floride vers les Caraïbes qui jouissent d’un tracé plus court en zones contrôlées.

Peut-on réellement comparer ces deux produits? La destination « Saint-Laurent » ressemble beaucoup plus dans l’esprit du voyageur à celle de l’Europe du Nord ou de l’Alaska, territoires déjà ciblés par la nouvelle réglementation. L’exemple de l’Alaska indique qu’il existe un important risque associé à l’établissement d’une nouvelle taxe par passager pour une destination souhaitant agir de façon isolée. Dans un contexte où deux pays s’unissent à d’autres pour établir les mêmes règles, la donne est complètement différente. Toutefois, il y aura sans doute à court terme certaines modifications au niveau des itinéraires. Il faudra donner le temps aux consommateurs de s’ajuster aux nouveaux tarifs. Selon une récente étude de PhoCusWright (Going Green : The Business Impacts of Environmental Awareness on Travel), les Américains sont enclins à défrayer un supplément pour une croisière environnementale dans diverses proportions :

Tableau 1 : Disposition des Américains à débourser un montant supplémentaire
pour une croisière environnementale

Reglementation_pollution_croisiere_tabl1

L’EPA estime que les coûts associés à cette nouvelle réglementation représenteront 7 $ de plus par passager par jour mais l’industrie les évalue plutôt entre 15 et 20 $. La durée moyenne d’une croisière sur le Saint-Laurent est d’environ 10 jours et le coût de 1 993 $ (prix obtenu sur le site de Princess Cruises pour une croisière de 10 jours en octobre 2009). Il s’agirait d’une hausse entre 3,5 % à 10 % du prix. Néanmoins, cette hausse du tarif du forfait représentera pour le consommateur une plus petite proportion que celle appliquée à la destination des Caraïbes. Les croisières sur le Saint-Laurent sont considérées plus haut de gamme, le coût additionnel est donc moins significatif.

Une autre solution possible ?

La firme de consultation DNV vient d’émettre une certification pour le premier cargo équipé d’un système de filtration de l’échappement, qui est en mesure de répondre aux critères des zones de contrôle d’émission tout un utilisant un carburant traditionnel. Pour l’instant l’EPA ne considère pas ce type de technologie comme étant acceptable afin de réduire les émissions. La CLIA quant à elle, recommande fortement la poursuite des recherches dans ce secteur et dénonce les limites émises par l’EPA dans ce dossier.

Comme dans de multiples autres secteurs, les politiques s’orientent vers une meilleure protection de l’environnement, l’industrie des croisières n’y échappera pas. Si cette politique suscite aujourd’hui des inquiétudes pour l’ensemble des acteurs de l’industrie, elle rassure les populations.

Analyse rédigée dans le cadre de la veille thématique réalisée pour le ministère du Tourisme du Québec.

Sources:

Antarctic and Southern Ocean Coalition, IMO to consider Ban on Heavy Fuel Oil in Antarctic Waters

Business Research and Econic Advisors, 2008 U.S Economic Impact AnalysisCruise Lines International Association, Market Overview 2008

DNV Managing risk, http://www.dnv.com/press_area/press_releases/2009/dnvcertifiesthefirstmaritimesoxexhaustgasscrubber.asp

Environmental Protection Agency

HIS, EPA Proposes Clean Air Rule to Reduce Emissions from large ships, juillet 2009

International Maritime organization, International Convention for the Prevention of Pollution from Ships, 1973, as modified by the Protocol of 1978 relating thereto (MARPOL)

McClatchy News Papers, U.S. Canada near agreement to control pollutants form ships, Renee Schoof, 2 septembre 2009

PhoCusWright, Going green the business impacts of environmental awareness on travel

Princess Cruises, http://www.princess.com/

Professional Travel Guide, Cruise lines weight costs of a new Emission Control Area, Johanne Jainchill, 22 juillet 2009

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