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Analyse - 1 avril 2014

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avril 2014

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Le pouvoir de satisfaire le client

C’est à l’employé de première ligne qu’incombe la responsabilité de satisfaire les attentes du visiteur, mais cette mission ne peut se réaliser pleinement que si on lui donne une certaine marge de manœuvre.

 

Afin d’améliorer la prestation du service, une majorité d’établissements touristiques se sont dotés de normes de qualité. Cette idée de standardisation provient du secteur de la production en série, où l’on cherche à éliminer les défauts de fabrication. Or, le touriste ne veut pas se sentir dans une chaîne de montage. Puisqu’il recherche plutôt un échange personnalisé et empreint d’authenticité, cette rencontre ne peut être totalement standardisée.

La scène, les acteurs et le script

Les parallèles entre le service client et le métier d’acteur abondent: on met son costume, on entre en scène, on joue son rôle… De nombreux établissements ont même développé des scripts afin de mieux baliser la performance. On y retrouve les répliques et gestes à employer, et les émotions à transmettre. Récemment, les chercheurs Victorino et Bolinger se sont intéressés aux effets de ces scripts sur la perception des visiteurs. Il ressort de cette recherche trois points d’intérêt: les clients perçoivent la présence d’un script, sont conscients que l’objectif est d’assurer un certain niveau de qualité, mais apprécient peu ce type d’échange «robotisé». Bref, même s’ils décèlent la bonne intention, ils n’y perçoivent pas de valeur ajoutée. Le service personnalisé et sincère séduit davantage qu’une performance d’acteur irréprochable.

 Les scripts ne doivent toutefois pas prendre la direction du bac de recyclage, on peut simplement les transformer en exemples de bonnes pratiques. Ces modèles de comportement adéquat sont essentiels pour former et guider les nouveaux collaborateurs. Il faut donc s’y référer, mais de manière non dogmatique. On doit permettre à l’employé d’improviser selon le client et le contexte, comme chez Disney, où le jugement est fortement encouragé au détriment du respect d’un standard, lorsque la situation l’impose.

Le metteur en scène trop contrôlant

La norme donne au gestionnaire une balise et lui permet de vérifier si la prestation est bien assurée. Certains sont passés maîtres dans l’art du contrôle de qualité. Ils mesurent rigoureusement différents indicateurs, délais de réponse, le temps utilisé pour conclure la transaction, etc.

Le contrôle rigoureux des normes a des effets secondaires sur les employés. Selon une enquête effectuée récemment dans les centres d’appels, 57% des employés montrent des signes de détresse psychologique importants. La surveillance trop étroite du personnel serait un des principaux facteurs de stress. Les employés sondés vivent beaucoup de tension, entre la nécessité de répondre aux besoins du client et celle de respecter les normes établies.

Selon les recherches de Robert Karasek, c’est l’association d’exigences élevées et de latitude décisionnelle faible qui génère un haut niveau de stress au travail. Afin de réduire la pression ressentie par les salariés, il est donc primordial de leur redonner un certain contrôle sur leur travail et sur les moyens à utiliser. L’autonomie et la compétence sont des besoins fondamentaux qui contribuent à la réussite du personnel, et ils font d’ailleurs partie des exigences incontournables des membres de la génération Y.

Des responsabilités et un pouvoir d’agir

Delta traduit très bien cette nouvelle tendance «vous avez le pouvoir d’exceller». On nomme «empowerment» ou «autonomisation» le fait de donner aux personnes le pouvoir d’agir et de créer un impact sur leur travail. Dans les hôtels Ritz-Carlton, les employés ont une marge discrétionnaire très élevée; ils doivent utiliser leur jugement et leur intuition pour anticiper les besoins de la clientèle. Cette attente figure parmi les 12 règles d’or de la chaîne: «Je suis habilité à créer une expérience unique, mémorable et personnelle pour chaque invité.» Dans celui de Dubaï, un employé a réalisé qu’une dame ne pouvait aller voir le coucher de soleil sur la plage à cause de son fauteuil roulant. Il a aussitôt demandé au menuisier de l’hôtel de construire une passerelle en bois.

Dans le tourisme d’accueil, cette latitude décisionnelle s’exerce surtout lors du traitement des plaintes. Par exemple, tous les employés des établissements Novotel doivent être capables de prendre des initiatives rapides afin d’aider les clients mécontents, et ce, sans l’intermédiaire d’une autre personne. Cette approche fait écho aux recherches qui démontrent que les clients n’aiment pas attendre et expliquer plusieurs fois leur problème à un supérieur hiérarchique. La manière dont les plaintes sont gérées permet aux professionnels de l’industrie d’innover et de se démarquer de la concurrence.

Un changement de culture

Plus complexe qu’il peut paraître, l’empowerment des employés implique un changement sur le plan du leadership. Le Casino de Montréal raconte cette transformation: «À nos débuts, pour que nos employés soient plus blancs que blancs, nous les encadrions beaucoup. Nous avions donc des procédures rigides, qui étaient d’ailleurs dirigées par d’anciens policiers. Nous avons changé de cap […], nous utilisons le programme Services de rêve, inspiré des pratiques du Casino du Lac-Leamy. Nous voulons que nos clients se disent “wow!” Pour y arriver, il nous a fallu éliminer nos structures et nos procédures rigides, où l’autonomie de nos employés était limitée», raconte le directeur des ressources humaines, Richard Émond.

Pour habiliter le personnel, les gestionnaires devront adopter une attitude de coaching, miser sur la communication et la formation continue. Il faut aussi multiplier les occasions de reconnaître les initiatives. Par exemple, les employés du groupe Ritz-Carlton sont encouragés à partager les histoires qui ont permis de livrer une expérience incomparable (voici quelques-unes de ces «Wow Stories»).

Finalement, on ne peut demander aux salariés d’innover sans leur accorder le droit à l’erreur. Une personne qui sort des sentiers battus et prend des risques pour fidéliser le client doit se sentir soutenue. C’est bien là l’un des paradoxes du monde de la gestion, qui prêche à la fois les vertus de la confiance et celles du contrôle serré.

Alors, la question «qui tue»: vos employés ont-ils vraiment le pouvoir de surpasser les attentes du client?

Pour en savoir davantage sur les tendances en matière de service client, consultez «Accueil et service à la clientèle en tourisme: exemples de bonnes pratiques», un rapport réalisé par le Réseau de veille pour le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme.

Collaboration

Stéphanie Fissette

Enseignante et Conseillère en ressources humaines, spécialisée dans le domaine touristique

Stéphanie Fissette obtient un baccalauréat en gestion du tourisme en 2001. Son premier contact avec la Chaire de tourisme Transat remonte d’ailleurs à cette période où elle y travaille à titre [...]Lire plusd’assistante de recherche. Elle se dirige ensuite vers la gestion du service à la clientèle, d’abord comme coordonnatrice au Palais des Congrès de Montréal, puis comme responsable du service au Parc national du Bic. C’est en supervisant des employés de première ligne dans le domaine touristique qu’elle développe un vif intérêt pour la gestion des ressources humaines. Cette soif d’apprendre et de comprendre la dynamique des équipes de travail l’incite à compléter une maîtrise en gestion des personnes en milieu de travail (UQAR) et à devenir conseillère en ressources humaines agrées (CRHA). Depuis 2010, elle enseigne à titre de chargée de cours à l’UQAR et donne des conférences afin de préparer la relève. Son expérience pratique du terrain en tant que gestionnaire et sa connaissance étendue des meilleures pratiques de gestion des ressources humaines apportent un éclairage nouveau sur la réalité des entreprises touristiques.

Source(s)

- Duchaine, Gabrielle. «L’enfer des centres d’appels», lapresse.ca, 13 janvier 2014.

- Lesaffaires.com. «Encourager l’autonomie, récolter la créativité», 18 décembre 2008.

- Raub, Steffen. «Does bureaucracy kill individual initiative? The impact of structure on organizational citizenship behavior in the hospitality industry[TB1] », International Journal of Hospitality Management, vol. 27, no 2, juin 2008, p. 179-186.

- Raub, Steffen et Christopher Robert. «Empowerment, Organizational Commitment, and Voice Behavior in the Hospitality Industry: Evidence from a Multinational Sample», Cornell Hospitality Quarterly, vol. 54, no 2, p.136-148.

- Réseau de veille de la Chaire de tourisme Transat ESG UQAM. «Accueil et service à la clientèle en tourisme: exemples de bonnes pratiques», pour le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme, rapport final, 9 janvier 2012.

- Victorino, Liana et Alexander R. Bolinger. «Scripting Employees: An Exploratory Analysis of Customer Perceptions», Cornell Hospitality Quarterly, vol. 53, no 3, août 2012, p.196-206.

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