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Analyse - 10 avril 2014

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avril 2014

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Sur les traces du tourisme de mémoire

Les commémorations prévues pour l’année 2014 (centenaire de la Grande Guerre, 70e anniversaire du débarquement de Normandie) mettent le tourisme de mémoire sous les projecteurs et donnent à ses intervenants l’occasion de redéfinir leur offre.

Le tourisme de mémoire prend forme autour de différentes attractions et attire une vaste gamme de publics. En donnant une signification aux événements du passé, il marque le paysage, l’identité et l’économie des destinations. Sa mise en valeur nécessite une entente entre les ennemis d’hier et véhicule un message unique en son genre.

Un tourisme de niche?

Sites témoins (Plaines d’Abraham, Chemin des Dames), commémoratifs (Nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette), informatifs (Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais) ou pédagogiques (Centre commémoratif de l’Holocauste à Montréal), l’intérêt principal de ces lieux emblématiques ne réside pas seulement dans leur esthétisme, mais dans les valeurs culturelles, civiques et même éthiques que l’histoire leur a conférées. Le tourisme de mémoire se caractérise par sa finalité explicative de périodes de conflits, ainsi que par sa clientèle à la recherche d’un enrichissement culturel, historique et personnel.

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Source: Ouvrage du Galgenberg

Christian Mantei, directeur général d’Atout France, attribue quatre objectifs au tourisme de mémoire:

  • Témoigner et préserver les traces historiques;
  • Expliquer en favorisant une compréhension globale des événements;
  • Permettre la réflexion des générations présentes et futures;
  • Faciliter le développement économique de régions parfois peu pourvues en attraits touristiques.

En France, les lieux de mémoire accueillent vingt millions de visiteurs, dont plus de six millions pour les sites payants

En France, les lieux de mémoire accueillent vingt millions de visiteurs, dont plus de six millions pour les sites payants. La clientèle internationale (45%) provient surtout du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas et des États-Unis. Alors que les Français cherchent plutôt des informations sur un événement constituant de leur identité collective, la motivation des touristes internationaux s’oriente davantage autour du recueillement.

D’après Atout France, le chiffre d’affaires direct issu des attraits payants représente 45 millions d’euros, mais en ce qui concerne les retombées indirectes, le bilan s’élève à quelques centaines de millions d’euros. À titre d’exemple, la visite des champs de bataille de la Somme génère près de dix millions d’euros pour l’économie locale.

Pas de mémoire sans partenariat

L’idée est de retranscrire les faits historiques tels qu’ils se sont déroulés, en privilégiant la participation de tous les anciens acteurs impliqués dans le conflit. Il est important de veiller à ne pas encenser une cause et en accabler une autre. À Québec, l’inscription sur le monument Wolfe-Montcalm du jardin des Gouverneurs illustre bien cet objectif de réconciliation véhiculé par le tourisme de mémoire: «Leur courage leur a donné le même sort; l’histoire, la même renommée; la postérité, le même monument.»

Le centenaire de la Grande Guerre constitue un exemple sans précédent de partenariat international, où les anciens belligérants s’associent afin de proposer une offre cohérente. Le site Internet de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, qui est responsable de la programmation des célébrations, témoigne bien de cette réalité. La plateforme présente un calendrier international des commémorations, les divers partenaires impliqués, de la documentation scientifique, des outils pédagogiques et un label fédérant les différents projets mis sur pied autour de la thématique. CD_Tourisme_memoire_image2

Source: Mission centenaire 14-18

Les principales régions touchées par la Première Guerre mondiale ont signé un contrat de Destination «Centenaire de la Grande Guerre» avec différents ministères, Atout France ainsi que des associations vouées à la valorisation du patrimoine de mémoire. Cette entente de 48 millions d’euros permettra la création de nouveaux sites et le renouvellement de l’offre existante (rénovation du Musée de la bataille de Fromelles, création de chemins et tranchées de mémoire, etc.).

Dans ce même esprit de partenariat, le Programme de coopération renforcée Canada-France de juin 2013 inclut un volet «Commémoration de la participation aux conflits du XXe siècle» qui réaffirme la collaboration entre la France et le Canada au regard de la mise en valeur de leur histoire commune. Autre exemple, l’Australie a développé une entente avec la France et investi près de 10 millions de dollars pour l’élaboration, sur le territoire français, d’un chemin de mémoire australien.

Favoriser l’immersion

Dès leur arrivée au Musée de l’Apartheid, à Johannesburg, les visiteurs sont plongés dans cette structure sociétale particulière: leur billet d’entrée les définit aléatoirement comme «blanc» ou «non-blanc» et leur permet d’utiliser la porte d’entrée au musée qui correspond à leur identité fictive.

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Source: TripAdvisor, marcela z

Les reconstitutions historiques permettent également l’immersion des visiteurs. À St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le spectacle Signal Hill Tattoo rejoue les affrontements entre les forces françaises et britanniques. Au fort Chambly, des acteurs aident les visiteurs à plonger dans l’univers des soldats du XVIIe au XIXe siècle, en leur permettant de revêtir un vêtement de militaire, de s’initier à l’archéologie ou de tirer au mousquet.

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Source: Lieu historique national du Fort-Chambly

Lorsque les destinations organisent leur offre autour de circuits explicatifs, les touristes peuvent mesurer l’étendue géographique des zones de conflits 

Lorsque les destinations organisent leur offre autour de circuits explicatifs, les touristes peuvent mesurer l’étendue géographique des zones de conflits. Par exemple, les Chemins de mémoire de la Grande Guerre en Nord-Pas de Calais leur permettent de parcourir le territoire à pied ou en voiture, autour de quatre grandes thématiques structurantes.

Mémoire et nouvelles technologies

Les réseaux sociaux constituent un moyen intéressant de créer des liens avec les générations qui n’ont pas vécu les conflits. Après avoir investi Facebook avec Léon le combattant, les organismes voués à la valorisation de la mémoire collective se sont également installés sur Twitter, YouTube et Pinterest.

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Source: Pinterest

Le Musée du débarquement d’Arromanches et le Centre Juno Beach de Courseulles-sur-mer ont développé l’application Arromanches 1944. Grâce à la réalité augmentée, les visiteurs sont transportés au milieu des soldats canadiens au moment du débarquement de Normandie.

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Crédits photos: BIPLAN/CDC Bessin, Seulles et Mer

Le futur musée Battle of the Atlantic Place, qui doit ouvrir ses portes à Halifax en 2017, mise également sur les nouvelles technologies (codes QR, réalité augmentée, immersion multisensorielle, vidéo, etc.) pour faire découvrir aux visiteurs la plus longue bataille de l’histoire de façon interactive.

Les anniversaires d’événements historiques créent une effervescence autour des sites témoins, mais les renouvellements engagés et les partenariats développés assurent une pérennisation de l’offre. Dans sa globalité, le tourisme de mémoire tisse des liens entre les générations, valorise l’identité collective d’une destination et favorise une meilleure répartition des revenus sur le territoire.

 

Image à la une: © stock.xchng

Source(s)

- Atout France. «Contrat de Destination "Centenaire de la Grande Guerre"», Destination France, no 31, hiver 2013/2014, p. 10.

- Atout France. «Histoire et tourisme. Nouveaux regards, nouveaux projets», Éditions Atout France, juin 2013.

- Canoe.ca. «2014 sera l’année du tourisme de mémoire en France», 18 décembre 2013.

- Coronas, Pierre. «Tourisme de Mémoire: "puiser l’enrichissement civique et culturel" de la référence au passé», tourmag.com, 12 novembre 2013.

- Mallet, Pascal. «Le "tourisme de mémoire" dopé par le centenaire de la Première guerre mondiale», lapresse.ca, 26 février 2014.

- Marcotte, Pascale. «Un chemin de mémoire canadien pour le centenaire de la Grande Guerre?», Revue militaire canadienne, vol. 14, no 1, hiver 2013. 

- McNulty, Lori. «Dix choses à savoir sur les attractions culturelles canadiennes qui vous attendent en 2014», fr-corporate.canada.travel, 22 janvier 2014. 

- Observatoire Régional du Tourisme d’Alsace. «Lieux de mémoire en Alsace en 2012», clicalsace.com, novembre 2013. 

- Premier ministre du Canada, communiqué de presse. «Programme de coopération renforcée Canada-France», pm.gc.ca, 14 juin 2013.

- Taber, Jane. «How Halifax’s waterfront will honour a historic sea battle on land», The Globe and Mail, 27 janvier 2014.

  • Gery de Pierpont

    Merci pour ce très bon article, pour sa mise en perspective d’un phénomène touristique en plein développement et les exemples explicites qu’il fournit.
    Tous les sites chargés d’histoire méritent qu’on se renseigne sur leur contexte, qu’on s’imprègne de leur témoignage sans paroles, qu’on se pose des questions. Parmi eux, les lieux de mémoire sont sans doute ceux qui touchent le plus, en profondeur. Leur mise en valeur est bien plus qu’une démarche touristique ou pédagogique : elle devient génératrice de sens.
    Je me réjouis que les commémorations du centenaire de la Grande Guerre et les 70 ans du Débarquement de Normandie suscitent une telle floraison d’initiatives de grande qualité, innovantes par les technologies révolutionnaires qu’elles proposent. Recueillement, compréhension, respect… Plus jamais ça !
    Je plaide juste pour une certaine retenue dans la prolifération des produits commerciaux opportunistes qui voient le jour depuis quelques mois. On commémore le sacrifice de millions d’hommes et de femmes, pas les 60 ans de Disneyland…

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