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Analyses - 14 juin 2005

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juin 2005

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La veille stratégique territoriale peut-elle sauver les régions?

Lors du salon de l’information numérique professionnelle, l’IExpo 2005, tenu à Paris (CNIT La Défense) les 1er et 2 juin 2005, on a longuement traité des enjeux de la veille stratégique et de la gestion de l’information en général. On a également présenté le nouveau plan adopté par la France pour développer la veille stratégique territoriale. Analysons ici la portée d’un tel plan au Québec, dans une optique de sauvegarde des régions.

En France, depuis quelques mois, le gouvernement effectue de grands efforts de sensibilisation et de conscientisation afin que les PME, les PMI (petites et moyennes industries) et les TPE (très petites entreprises) entament la mise en place de processus de veille stratégique et concurrentielle.

Principalement ingénieurs ou gens de commerce, les chefs d’entreprise ne sont habituellement pas très férus de gestion de l’information. Dès lors, on doit les convaincre que, dans le contexte actuel de mondialisation intense, il ne suffit plus de regarder agir notre voisin de gauche ou de droite (ni comment il s’y prend). La menace concurrentielle peut venir de loin et surtout d’où on ne l’attend pas!

La veille ne permet pas seulement de surveiller la concurrence, elle favorise également la découverte de nouvelles idées, façons de faire, méthodes de travail, etc., qui pourraient être appliquées facilement sur son propre territoire.

Dans cette optique de prise de conscience, et sous l’impulsion des chambres de commerce régionales, des fédérations et associations professionnelles, des ambassades, des syndicats, etc., le gouvernement français a décidé d’instaurer une architecture de veille (que les Français nomment «intelligence économique») décentralisée et territoriale.

L’important dans cette veille territoriale consiste à désigner un «pilote d’intelligence économique» par région, responsable d’identifier les PME et de les accompagner tout au long de leurs recherches d’information, quelles qu’elles soient. Celui-ci surveille, par exemple, les fusions et les acquisitions dans sa région. Il peut également conseiller les chefs d’entreprise dans le processus d’implantation de veille, soit:

  • comment rechercher l’information?
  • quelle information acquérir (en mode payant)?
  • quelles tendances faire ressortir?

D’où l’importance cruciale de développer un réseau de contacts, sans lequel il serait très difficile de réunir toutes les données nécessaires. Car cette opération colossale s’avère nettement facilitée si elle peut être réalisée en collaboration, en faisant fi des barrières de concurrence locale, qui bien souvent bloquent de nombreux développements de projets.

Alors, imaginons qu’une fédération professionnelle récolte des statistiques et des données factuelles pour son domaine industriel et mette toute cette masse d’information sur son portail Web. Les entreprises du secteur concerné pourraient les consulter et, pourquoi pas, y participer anonymement. Les entreprises individuelles ont tout à gagner de cette collaboration, de même que la région dans son ensemble.

En France, cette approche régionale se nomme «veille territoriale».

Une expérience exportable au Québec?

Comme partout ailleurs, les PME du Québec hésitent à mettre en place un système de veille élaboré fondé sur des outils technologiques, et ce, pour deux raisons: le budget et le temps. La veille ne nécessite pas forcément des outils très sophistiqués, mais elle exige cependant beaucoup de temps. Pour les PME, qui dans la majorité des cas ne possèdent pas les moyens financiers, techniques, et encore moins humains, la veille peut paraître hors de portée. C’est pourquoi on doit penser à créer des structures externes qui aideraient ces entreprises à se frayer un chemin dans la jungle de l’information.

Serait-il envisageable que les centres locaux de développement (CLD) ou les sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC) – véritables experts en développement local et régional -, en collaboration avec les corporations de développement économique et communautaire (CDEC) et les ATR, délèguent, systématiquement et concrètement, au moins une personne chargée de servir d’émulateur de veille territoriale dans chacune des régions du Québec?

Cette personne réunirait les principaux pôles d’entreprises de sa région afin que celle-ci soit mieux armée pour faire face aux faillites et fermetures.

L’information rassemblée (tendances macro et microéconomiques) devrait alors être analysée et diffusée à grande échelle pour ensuite être retournée à un noyau central, par exemple, un site Web, qui proposerait de nombreux services complémentaires, comme:

  • une lettre de diffusion;
  • le téléchargement de procédures ou de formulaires administratifs;
  • des forums de discussion;
  • la possibilité d’envoyer un message électronique aux élus ou aux municipalités;
  • une boîte à outils contenant différentes méthodes utiles au cycle de l’information (logiciels, formations, publications, etc.);
  • des questionnaires d’autoévaluation permettant de tester les pratiques de veille;
  • des indicateurs et baromètres (financiers, économiques, etc.);
  • un agenda des colloques, séminaires et rencontres;
  • etc.

En France, citons l’exemple du portail ARIST Rhône-Alpes, un service des chambres de commerce et d’industrie Rhône-Alpes. Cette équipe d’une quinzaine de personnes, assistantes, documentalistes, chargés d’études et autres, fournit depuis plus de vingt ans des prestations de services aux PME/PMI de la région dans les domaines de l’innovation et de l’information stratégique.

Par l’instauration d’un réseau physique ou virtuel de compétences locales, un système de veille territoriale ne peut qu’amener les acteurs locaux à une meilleure compréhension réciproque, par l’apprentissage.

Au Québec et au Canada, certains centres régionaux ou grands centres de fabrication (comme le Centre des technologies de l’aluminium du Centre national de recherches Canada, situé sur le campus de l’Université du Québec à Chicoutimi au Saguenay-Lac-Saint-Jean) exercent déjà de la veille.

Cependant, il faut insister sur quelques conditions sine qua non à la bonne réussite de l’opération:

  • la ou les personnes doivent être affectées à ce travail à temps plein: pas question de faire de la veille en plus d’une autre tâche complète, comme on le voit trop souvent;
  • la fonction de veille doit s’intégrer dans le budget (à la fois en termes de personnel, d’outils informatiques et technologiques et d’achat de documents);
  • le veilleur doit avoir suivi une formation adéquate;
  • le veilleur doit bénéficier de l’encadrement d’un réseau (équipe pluridisciplinaire: juristes, analystes, ingénieurs, chefs d’entreprise, etc.), afin de faciliter la collecte, l’analyse et la diffusion de l’information.

En ce qui concerne les deux derniers points, il s’avérerait intéressant d’impliquer davantage les universités dans le processus. D’abord en formant leurs étudiants, tous cursus confondus, à la recherche documentaire et aux technologies de gestion de l’information. Ensuite, en mettant leur réseau de chercheurs à la disposition des veilleurs.

En conclusion, pour évoluer et innover, les entreprises doivent créer des canaux de communication entre elles et les associations et fédérations professionnelles. Ces lieux de dialogue contribueront peut-être au maintien des emplois en région, sinon à leur création.

Le développement territorial repose essentiellement sur une «démarche fédérative de mobilisation des acteurs d’une zone géographique, autour d’un projet d’ensemble, économique, social et culturel, visant à créer une dynamique durable sur un territoire» (Vernet, 1999).

La veille territoriale représente une dimension essentielle des pôles de compétitivité. Il est donc grand temps de commencer le travail de sensibilisation des élus et des autres décideurs.

Voir aussi
Le Réseau de veille en tourisme fait boule de neige>Le Réseau de veille en tourisme fait boule de neige
IExpo
Réseau des SADC du Québec
Centre des technologies de l’aluminium

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