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Analyses - 11 janvier 2006

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janvier 2006

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En quoi l’arrivée du A380 changera-t-elle la donne?

Quand Boeing a inauguré son révolutionnaire 747 dans les années 1970, c’est tout le paysage aérien qui entrait dans une nouvelle ère. Plus de 35 ans plus tard, le 747 aura enfin un rival de taille, alors qu’Airbus pourra dès 2006 faire voler sa nouvelle merveille, le A380. Ce dernier arrivera-t-il à redonner au transport aérien ses lettres de noblesse? La lutte pour la conquête du ciel dans le segment des long-courriers s’annonce certes ardue.

Qu’a-t-il de révolutionnaire?

D’abord, les coûts de fonctionnement de l’appareil permettront aux transporteurs de réaliser des économies variant de 15% à 20% du siège par kilomètre. En termes de capacité, le A380 procurera environ 30% plus de sièges que le Boeing 747, soit approximativement 550 sièges, bien que ses configurations particulières lui permettront de transporter plus de 650 passagers. De plus, comme il sera équipé de la toute dernière technologie, il offrira une meilleure qualité de service et, par conséquent, rehaussera l’ensemble des standards sur le plan des attentes de la clientèle quant à leur expérience de vol. Par exemple, les vidéos à la carte, l’accès Internet et les écrans plus larges pourraient devenir la norme.

Le modèle d’affaires du A380 favorisera la concentration des vols autour des grandes plaques tournantes. Toutefois, les compagnies aériennes devront s’assurer de générer le trafic additionnel nécessaire pour les alimenter. Selon Kawin Asawachatroj, vice-président de Thai Airways, en raison de ses coûts d’exploitation significativement inférieurs, le A380 permettra aux gestionnaires d’offrir des tarifs réduits susceptibles d’attirer davantage de voyageurs, sans pour autant compromettre les marges bénéficiaires des transporteurs. Selon Blair Pomeroy de Mercer Management, cette avenue apparaît inévitable, sans quoi, avec l’équation actuelle de l’offre et de la demande, les transporteurs n’arriveront pas à remplir leurs A380.

Retrouver le goût de voler

Le A380 disposera d’une surface intérieure 50% plus grande que le Boeing 747, grâce notamment à ses deux étages de sièges. Tout cet espace procurera aux compagnies aériennes de nouvelles possibilités d’aménagement intérieur. Les avis sont toutefois partagés, à savoir si la pression économique aura le dessus sur les idées de grandeur. Pour Jean-Cyril Spinetta, président d’Air France, le choix est clair: on ne doit pas s’attendre à y trouver des éléments extravagants comme une piscine, une table de jeu ou des douches.

Pour d’autres observateurs, le A380 représente la planche de salut qui pourrait changer l’avenir du transport aérien. C’est à ce moment-là que l’on verra si les vols commerciaux ne signifieront rien de plus qu’un service de commodité très opérationnel ou si l’on saura y ramener un peu de la magie d’autrefois.

Du côté de Lufthansa, l’A380 deviendrait un emblème pour l’entreprise. Leur objectif ne se limite pas à améliorer l’efficacité, mais aussi à se positionner comme un transporteur qui offre une nouvelle dimension à l’expérience de ses passagers. Comment? D’abord, les passagers en classe économique gagneront de 2,5 à 5 centimètres en largeur par rapport au Boeing 747. Ensuite, le A380 permettant d’importants espaces communs en périphérie des escaliers, on pourra y trouver des services tels que des espaces de rencontre, un bar, une boutique hors taxe, etc. À défaut de révolutionner le transport aérien, le A380 permettra à tout le moins de créer un environnement où les gens pourront socialiser et se divertir davantage.

Virgin Atlantic a déjà annoncé qu’elle aménagera des casinos à bord de ses appareils. Qantas a prévu de son côté des salons de détente, tant pour la classe affaires que la classe économique. Le transporteur réservera également des espaces pour des réunions d’affaires et des présentations. 

Vers des routes à forte demande

Selon Airbus, le A380 jouera un rôle crucial pour contrer le problème de congestion dans plusieurs aéroports. En effet, certains transporteurs privilégieront cet appareil pour desservir des routes qui présentent une demande si forte que seule l’impossibilité d’y ajouter de nouveaux créneaux horaires les empêche d’utiliser des appareils supplémentaires. Le A380 fera son entrée à l’automne prochain du côté de Singapore Airlines, qui l’utilisera pour relier les villes de Londres et de Sydney, ainsi qu’à Dubaï, qui desservira Londres, Sydney et Melbourne.

On constate d’ailleurs que la compagnie aérienne Emirates mise beaucoup sur le A380 avec une commande de 43 appareils pour faire de Dubaï une plaque tournante majeure au Moyen-Orient (tableau 1). Du côté européen, le gros-porteur déploiera d’abord ses ailes sous les bannières d’Air France, de Lufthansa et de Virgin Atlantic. Enfin, l’aéroport de Montréal accueillera le A380 en provenance de Paris à partir de la saison estivale 2007.

Sommes-nous prêts?

L’arrivée d’un énorme porteur comme le A380 représente des défis de taille pour les aéroports d’accueil, particulièrement en termes de gestion de capacité. À l’été 2005, Airbus a dévoilé une liste préliminaire des aéroports aptes à recevoir le nouvel appareil. Pour le moment, seulement sept villes répondent à toutes les conditions techniques pour se qualifier, soit Séoul, Hong-Kong, Kuala Lumpur, Guangzhou (Chine), Tokyo, Montréal et Munich. Par ailleurs, afin d’accommoder le A380, deux nouveaux aéroports sont en construction (Bangkok et Doha au Qatar) et treize autres ont entrepris des rénovations. Certains aérogares accusent toutefois du retard, notamment celui de Los Angeles dont les travaux requis sont évalués à 11 milliards $US. 

Même si Airbus juge suffisante l’utilisation de deux portes d’embarquement, les aéroports s’interrogent sur l’éventuelle nécessité de recourir à une troisième porte pour améliorer la fluidité du transfert des passagers et fournir un accès direct au pont supérieur, localisation probable de la classe affaires. D’autres infrastructures comme les aires d’attentes, les points d’enregistrement, les lieux de contrôle de sécurité et de récupération des bagages peuvent aussi devoir être révisées.

Une option attrayante pour les transporteurs low cost

La plupart des compagnies aériennes qui utiliseront le A380 offriront trois classes distinctes. Certains analystes croient toutefois qu’en raison des coûts d’opération inférieurs, ce type d’appareil est susceptible d’intéresser des transporteurs low cost qui souhaiteraient exploiter des vols longues distances.

Selon Ronald Kuhlman, vice-président de la firme Unisys R2A, il serait fort plausible de voir apparaître une navette à coûts réduits dédiée à des routes à très fort volume telles que Londres-New York. Même hypothèse du côté des marchés chinois et indiens, qui pourraient bien répondre aux configurations plus denses du A380.

Des nuages à l’horizon

Le ciel n’est toutefois pas tout bleu pour Airbus et son A380. D’une part, la production accuse des retards pouvant aller jusqu’à six mois dans la livraison des premiers appareils, ce qui entraînera de lourdes pénalités. D’autre part, le nouveau 787 Dreamliner de Boeing (qui pourra transporter entre 210 et 330 passagers) lui souffle sérieusement dans le dos sur le marché des long-courriers alors que, au 31 décembre 2005, l’avionneur affichait déjà un carnet de commandes de 235 avions, en comparaison de 154 pour Airbus. (Lire aussi: Les «ultra long-courriers» prennent leur envol). D’ailleurs, on vante également les vertus exceptionnelles du 787 en termes d’efficience, grâce à ses matériaux ultralégers et une nouvelle génération de moteurs. Afin de stimuler ses ventes, Airbus offre son A380 à 35% en dessous du prix coûtant.

Bref, les jeux sont loin d’être faits, mais on peut certainement s’attendre à voir d’importantes modifications dans le paysage aérien au cours des prochaines années.

Sources:
– Baker, Colin. «Prepare for Arrival», The Flight Group, juin 2005.
– Buyck, Cathy. «The Sky is the Limit», Air Transport World, novembre 2005.
– Doyle, Andrew, Emma Kelly, Nicholas Lonides et Mark Pilling. «Space race», The Flight Group, juin 2005.
– Holmes, Stanley et Carol Matlack. «Why Airbus Is Losing Altitude», Business Week, 20 juin 2005.
– Kingsley-Jones, Max et Mark Pilling. «Size Shift», The Flight Group, juin 2005.
– Pilling, Mark. «Cruise Speed», The Flight Group, juin 2005.
– Pilling, Mark. «Feeding Time», The Flight Group, juin 2005.
– Taylor, Alex. «Boeing Finally Has a Flight Plan», Fortune, 13 juin 2005.

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