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Analyses - 14 novembre 2006

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novembre 2006

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Dites-moi quel type de clientèle vous visite et je vous dirai si votre destination est sur le déclin!

C’est le pari que Stanley Plog a pris en déterminant un modèle qui apparie profil du voyageur et cycle de vie de la destination. Alors que les touristes débarquent en abondance, la surfréquentation annonce une phase critique de ce cycle. Pour éviter de se retrouver sur la pente descendante, il faut comprendre que la croissance touristique doit être planifiée et contrôlée.

Le cycle de vie d’une destination: de la découverte au déclin

Dans un texte précédent «Destination: quand la réalité l’emporte sur l’intention!», nous expliquions les cinq différents segments de voyageurs définis dans le modèle de Plog: de l’aventurier au conservateur. Les différents profils de clientèle sont associés aux phases d’évolution d’une destination car selon Plog, le type de touriste qui visite une région indique son niveau de développement et détermine en quelque sorte son cycle de vie. Le graphique 1 présente les différentes phases d’évolution d’une destination touristique (TALC) développées par R.W. Butler, Ph.D. en tourisme, en 1980.

Graphique 1


Source : Stanley Plog

  • Découverte
    Alors méconnue, une destination voit son sol foulé par les premiers aventuriers qui ont soif de nouvelles découvertes et de coins inexplorés. Le bouche à oreille fait son bonhomme de chemin et inscrit l’endroit dans le grand livre touristique.
  • Découverte – Développement
    Une fois l’aventurier débarqué, le quasi-aventurier lui emboîte le pas. Il constitue la première vague significative de visiteurs qui, plus exigeante que son prédécesseur en termes de services, initie un réel développement.
  • Développement
    La notoriété de la destination croît, et les médias, toujours à la recherche d’une nouveauté, rappliquent dans la nouvelle région et parlent avec enthousiasme du cachet et du charme de l’endroit. Ce qui «condamne» la destination à une croissance rapide et la clientèle dite du centre fait son arrivée. La croissance se poursuit et c’est le bonheur: la construction et la valeur des hôtels augmentent; les emplois se multiplient; les taxes gonflent les coffres de l’État; plusieurs secteurs s’embellissent; les acteurs locaux se pètent les bretelles; tous pensent qu’ils ont trouvé la mine d’or et que l’industrie touristique se révèle être parfaite pour assurer leur longévité… et l’on croit à une croissance indéfinie. Les aventuriers et les quasi-aventuriers ont déserté l’endroit, le tourisme de masse fait son entrée.Cette phase se révèle cruciale car lorsque la destination vit l’effervescence de la croissance, personne ne se soucie de la planification et du contrôle. C’est pourtant à ce stade qu’il importe d’agir afin que le développement ne parte dans toutes les directions et qu’une vision à long terme se définisse.
  • Maturité – Déclin
    Surfant sur cette vague, la réglementation se fait (trop souvent) permissive: le parc hôtelier continue de s’agrandir; les chaînes de restauration rapide débarquent en force; les magasins, cinémas et autres divertissements se multiplient; les voyagistes développent des forfaits. L’endroit revêt un «look touristique» et l’anarchie s’installe. Difficile de résister à la manne touristique et à un développement non durable de la destination. Subissant une telle pression, la destination perd son caractère distinctif et ressemble à toutes les autres destinations. Au tour des centres de commencer à déserter et des quasi-conservateurs d’envahir la région. Selon Plog, si 30% ou plus des réservations pour une destination proviennent d’un forfait à prix réduit, la destination s’engage sur la pente descendante pour les prochaines décennies.
  • Déclin
    Malgré toute cette effervescence, le déclin s’annoncent. La destination intéresse désormais les conservateurs qui eux préfèrent les valeurs sûres, bien établies et les voyages répétitifs. Cette clientèle, souvent plus fidèle, dépense moins, reste moins longtemps et est plus inactive. La destination devient moins lucrative. Désertée par les autres segments de clientèle, le marché rétrécit. Les gestionnaires n’y comprennent rien car les choses n’avaient cessé d’évoluer. La destination se cherche un caractère distinctif et elle essaie de se repositionner.

Combien de fois cette histoire s’est-elle répétée? Des destinations en émergence qui deviennent soudainement populaires et sont ensuite délaissées au profit d’une autre destination qui vient de poindre. Surfréquentation, dégradation, modification des goûts et du profil de la clientèle… et le vent tourne!

Évidemment, le modèle de Plog ne s’applique pas à toutes les destinations mais il peut servir à alimenter la réflexion. En outre, une destination peut se retrouver à différentes positions sur la courbe selon si on analyse ses marchés local, régional, national ou international.

Peut-on contrer le déclin?

Michael Leven (45 ans de carrière dans l’industrie hôtelière) souligne que, seul un tremblement de terre peut faire revivre un produit rendu en fin de parcours. Pour contrer le déclin, une destination peut, entre autres, développer un nouveau produit qui lui redonne un nouvel élan ou se repositionner et changer sa stratégie marketing. Leven cite en exemple l’industrie des croisières qui a longtemps vogué en eau calme et qui a réussi à renverser la vapeur en développant des produits répondant aux goûts de différents segments de clientèle, allant de la croisière en Antarctique à la classique croisière de luxe en passant par les croisières thématiques. (Lire aussi: La croisière: un produit réinventé pour de nouveaux passagers)

Le cas du Costa Rica

Un groupe de chercheurs de Cornell University School of Hotel Administration ont appliqué le modèle de Plog en étudiant le profil du voyageur américain (comportement et préférences) qui visite le Costa Rica.

De 1999 à 2003, le Costa Rica a vu sa clientèle touristique augmenter de 20% alors que les Américains affichent la croissance la plus marquée, soit 30%. Actuellement, la beauté de sa nature en fait une destination des plus populaires en Amérique centrale et elle attire sans conteste plus de voyageurs internationaux que ses voisins (Bélize, Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama).

Avec l’augmentation des arrivées touristiques, on constate que la destination est en plein développement. Les résultats de l’étude le confirment aussi car ils indiquent que ce pays tend à devenir une destination appréciée par les centres et que les quasi-aventuriers se font moins nombreux. Si le Costa Rica veut poursuivre sur cette lancée, il faudra qu’il orchestre son évolution afin de ne pas se développer de manière excessive ou inappropriée car ce pays jouit d’une importante notoriété en tant que destination écotouristique.

Le modèle de Plog, le Canada et la clientèle américaine

Alors que les statistiques nous apprennent que les Américains n’ont jamais autant voyagé à l’étranger (Lire aussi: Touristes américains: où sont-ils passés?), la baisse drastique de cette clientèle au Canada peut-elle annoncer le déclin du Canada en tant que destination ou si le taux de change, le prix de l’essence et l’annonce du resserrement des mesures de sécurité peuvent à elles seules expliquer cette chute? Peut-on penser que les quasi-conservateurs et conservateurs (plus petite portion de la population) continuent de fréquenter le Canada alors que les centres (partie importante de la population) le désertent pour d’autres cieux plus évocateurs ou attirants? Est-il temps pour le Canada de courtiser d’autres états américains, de revamper et de repositionner son produit auprès de nos voisins ou même de cibler d’autres clientèles?

Maintenir son attractivité, la gloire ou les orties…

Si la recette magique existait, il y a longtemps qu’elle serait appliquée par bon nombre de destinations. Cependant, lorsque le cheminement est compris, il devient possible de contrôler le développement et de maintenir la destination dans une position idéale. Voici quelques pistes pour y arriver:

  • Comprendre ce qui fait l’attraction de la destination et capitaliser sur ses caractéristiques et ses avantages distinctifs.
  • Développer de nouveaux produits qui prennent en compte les changements sociodémographiques et les valeurs des voyageurs.
  • Connaître le profil des visiteurs.
  • Planifier et contrôler son développement.
  • Ne pas dénaturer les lieux.
  • Ne pas accepter que des entreprises fassent leur loi.
  • Orchestrer le marketing en fonction de la clientèle cible.
  • Amener les citoyens à participer à la réussite de l’expérience (les résidents ne veulent pas perdre leur qualité de vie et ce qui caractérise leur lieu de résidence).

Stanley Plog soutient que les destinations qui ne planifient pas leur développement se tirent dans le pied et perdent le charme qui y a attiré les aventuriers.

Sources:
– Enz, Cathy A. et autres. «Competitive Destination Planning: The Case of Costa Rica», Cornell University, Center for Hospitality Reports, vol. 6, no 12, octobre 2006.
– Plog, Stanley. «Why Destination Areas Rise and Fall in Popularity», Cornell Hotel and Restaurant Administration Quarterly, vol. 42, no 3, juin 2001.
– Weiermair, Klaus. «Le vieillissement – Une réalité qui s’impose aux destinations touristiques», Espaces 235, mars 2006, p. 18-20.

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