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Analyses - 2 juillet 2007

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juillet 2007

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Est-ce un péché de voler en avion? (Compte rendu de conférence)

L’industrie touristique a déjà une multitude de problèmes environnementaux à résoudre, mais voler en avion est désormais considéré comme le plus grand des péchés. Les voyageurs se préoccupent de plus en plus de l’éthique environnementale et sociale de leurs habitudes de consommation. Plusieurs recherches démontrent d’ailleurs que plus de gens choisissent de ne pas voyager pour tenter de freiner les effets des activités humaines sur le réchauffement climatique. Ainsi, selon un rapport émis par la Commission canadienne du tourisme, 29% des voyageurs britanniques affirment avoir déjà réduit leurs déplacements en avion par souci environnemental. Les secteurs du transport et du tourisme doivent donc montrer qu’ils assument leur part de responsabilité au chapitre du développement durable. Sans cela, de plus en plus de consommateurs pourraient continuer à éviter de voyager en avion. C’est l’ensemble de l’industrie touristique qui en souffrirait.

La pollution atmosphérique causée par les avions représente de 2% à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, un pourcentage moins élevé que celui d’autres secteurs tels que les transports routiers, la foresterie ou l’agriculture. D’après les scénarios actuels, le volume d’émissions de dioxyde de carbone produit par l’aviation civile se multiplierait par 3,3 à 5 fois d’ici 2050. Si les émissions gazeuses résultant de l’aviation continuent de croître, alors que les autres secteurs réduisent les leurs, la contribution relative du tourisme aux émissions de gaz à effet de serre augmentera. Par conséquent, la contribution du transport aérien à l’ensemble des problèmes environnementaux s’accroîtra.

Le fond du problème

Au moins, l’industrie aérienne se penche sur la question. Elle a été la première à commander un rapport spécial pour évaluer sa performance auprès du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en 1999. Plus récemment, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)1 a organisé, pour la première fois, un colloque sur les émissions de l’industrie où les grandes lignes de la nature et de l’ampleur du problème actuel ont été discutées. Les discussions ont également porté sur les mesures de mitigation, où le secteur touristique doit jouer un rôle important. La quasi-absence de représentants de l’industrie touristique à la conférence démontre toutefois clairement qu’il reste à explorer de nombreuses occasions de collaboration pour trouver des solutions aux problèmes actuels.

Selon les scientifiques, les nouveaux avions sont aujourd’hui plus efficaces que la moyenne des automobiles sur la route. La consommation de carburants s’est améliorée de 70% par siège d’avion, depuis 1960. Néanmoins, les avions utilisent des ressources naturelles non renouvelables et la consommation de carburants par le secteur aérien a augmenté de 2% à 3% annuellement de 1990 à 2004. Malgré le développement de technologies alternatives en ce domaine, le kérosène reste principalement utilisé à court et à moyen terme. Bien que les progrès sur ce plan soient importants, la source et la production des nouveaux produits causent d’autres soucis environnementaux. De plus, contrairement aux carburants habituels, les combustibles tels que le biocarburant ne sont pas réglementés ni normalisés.

Les émissions produites par les avions sont complexes et beaucoup d’incertitude scientifique les entourent. La pollution issue des combustibles fossiles est présente aussi bien sur le sol qu’en haute altitude. Par ailleurs, en plus des émissions de dioxyde de carbone, les avions émettent de la vapeur d’eau, des oxydes nitreux, des hydrocarbures, du monoxyde de carbone, des gaz sulfureux ainsi que des particules de suie et de métal. À de hautes altitudes, ces gaz se comportent différemment et contribuent au déséquilibre de la radiation dans la troposphère. Qui plus est, en vol, les avions produisent des traînées de condensation et forment des cirrus. Cette contribution aux changements climatiques est propre à l’aviation.

Le secteur de l’aviation s’est donné comme objectif de réduire sa consommation de carburants et ses émissions de dioxyde de carbone de 50% d’ici 2020. Uniquement grâce aux développements technologiques, la performance environnementale peut s’améliorer de plus de 1% par année. Pour réaliser des innovations mécaniques poussées, des compromis devront être faits entre le niveau des émissions de gaz (notamment les oxydes nitreux) et le bruit, tout en tenant compte des coûts d’exploitation. Il est essentiel de pousser les recherches et la technologie tout en mettant en place des programmes et une collaboration entre les divers intervenants tels que les compagnies aériennes, les aéroports, les contrôleurs aériens, les régulateurs ainsi que les gouvernements.

La conférence de l’OACI s’est également penchée sur la question de la qualité de l’air local et sur les normes d’émission de l’aviation. Bien qu’il existe des normes pour plusieurs gaz2, il n’en existe actuellement aucune concernant les matières particulaires et le dioxyde de carbone. L’instauration de telles règles découle d’un processus complexe. Des efforts de recherche se concentrent sur l’élaboration d’un système approprié de surveillance et de normes concernant les émissions du secteur de l’aviation.

Dans les aéroports, les avions sont responsables en moyenne de 50% des émissions de gaz. Les autres émissions proviennent des transports routiers et de l’utilisation d’équipements de soutien. L’efficacité des aéroports varie grandement selon les destinations et plusieurs améliorations peuvent être apportées sur le plan des opérations. Les émissions associées aux déplacements des passagers au sol, aux décollages et aux atterrissages sont très variables. En moyenne (sur l’ensemble des vols), il est estimé que 6,5 kilogrammes de carbone sont émis par passager durant les décollages et les atterrissages, comparativement à 0,02 kilogramme durant les vols. L’optimisation de l’altitude de certains avions pourrait réduire de façon importante les émissions ainsi que la consommation de carburants. Les calculs montrent également que le trafic aérien actuel est inefficace. Un réacheminement pourrait aider à réduire les émissions ainsi qu’à prévenir d’éventuels accidents (collision avec d’autres avions, au sol ou en vol). Une simple réduction de 2 kilomètres de vol par avion pourrait retrancher au total 200 millions de kilomètres de trajet et donc plus de 2 millions de tonnes de dioxyde carbone.

Les principaux enjeux demeurent

Bien que les mesures de mitigation grâce à la technologie et à la gestion du trafic promettent des améliorations continues, les solutions basées sur le marché doivent également être considérées. Toutefois, des questions demeurent, à savoir qui est réellement responsable des émissions produites par les avions. Est-ce que ce sont les fournisseurs de carburants, les opérateurs d’avions, les aéroports et les fournisseurs de services de navigation ou les manufacturiers? Ou peut-être s’agit-il des utilisateurs (les voyageurs)? Ou encore de l’industrie du tourisme, responsable du marketing des destinations?

Les solutions actuelles basées sur le marché regroupent la taxation, la bourse du carbone et les mécanismes de réduction volontaire tels que des systèmes de compensation des émissions de carbone. Les taxes environnementales ont déjà été intégrées sous différentes formes dans plusieurs domaines du secteur touristique, mais ne sont pas appréciées par tous. Depuis le début des années 1990, plusieurs aéroports européens, comme en Suisse, en France, en Suède, en Grande-Bretagne et en Allemagne, appliquent des tarifs sur la qualité de l’air local afin de réagir aux problèmes de pollution.

Actuellement, le carburant utilisé en aviation est exempt de taxes. Plusieurs recherches sur les transports3estiment que l’application de taxes sur les émissions de carbone dans l’industrie du tourisme international n’aurait que peu d’impacts. Même si l’on appliquait en 2010 une taxe globale de 1000$ pour chaque tonne de dioxyde de carbone émise, les comportements des voyageurs ne changeraient pas et le taux de dioxyde de carbone produit par l’industrie de l’aviation ne diminuerait que de 0,8%. Avec un tel scénario, les vols de courte durée pourraient perdre un nombre significatif de touristes internationaux, les destinations vers les îles étant les plus grandes perdantes. L’Europe centrale, l’Europe de l’Est ainsi que les pays comme la Chine et l’Inde y gagneraient, alors que l’Europe de l’Ouest, les Amériques et l’Afrique y perdraient. La modélisation suggère aussi que l’application d’une taxe sur le carburant destiné à l’aviation affecterait moins les vols de durée moyenne.

La conférence de l’OACI a également porté sur les systèmes de réduction volontaire. Les voyages neutres en carbone ont déjà considérablement augmenté et le marché du carbone se développe de façon exponentielle. Cependant, ces résultats soulèvent un nouveau problème concernant la crédibilité et l’efficacité des systèmes de compensation des émissions de carbone (à lire dans le prochain Globe-Veilleur).

Et ensuite?

La conférence de l’OACI suggère la participation de l’industrie de l’aviation aux initiatives post-Kyoto (2012) pour appuyer le développement d’un système de bourse du carbone au sein de l’industrie internationale de l’aviation civile. Les transports aériens ont été et demeurent des incitateurs et des catalyseurs de la croissance économique. L’OACI croit que les problèmes globaux nécessitent des solutions globales et qu’une approche de co-coordination est essentielle pour résoudre ces problèmes. L’industrie de l’aviation sait aussi que les solutions apportées devront être prométhéennes pour améliorer la performance environnementale du secteur.

Comme le suggèrent les prévisions, les arrivées internationales par voie aérienne devraient croître en moyenne jusqu’à 5% d’ici 2015. L’industrie du tourisme ne peut donc plus continuer à se cacher derrière cette image propre qui est celle du secteur de services. Elle ne peut pas non plus se concentrer uniquement sur les destinations sans prendre en compte les déplacements qui sont les grands responsables (jusqu’à 90%) des problèmes environnementaux tels que les émissions de gaz à effet de serre.

La bonne nouvelle est que plusieurs segments du marché du tourisme montrent des signes de motivation pour payer, malgré les diverses réactions (figure 1). En mai dernier, la Commission canadienne du tourisme a rapporté que près de 70% des Canadiens seraient prêts à payer 10$ supplémentaires ou plus sur chaque 1000$ dépensé en transport aérien, à condition que cet argent serve à développer les ressources d’énergie durable (graphique 1).

Graphique 1 : Montant que les Canadiens sont prêts à payer pour compenser les émissions de carbone produites lors de leurs déplacements par avion.
JP_2007-07_vol_avion_conf_grphq1

Notes:

1. L’organisation de l’aviation civile internationale (OACI) est une agence spécialisée des Nations Unies qui a été créée lors de l’adoption de la Convention de Chicago en 1944. Elle compte 190 États membres et un de ses principaux objectifs consiste à minimiser les effets négatifs de l’industrie de l’aviation civile sur l’environnement. L’OACI comprend un Comité de la protection de l’environnement en aviation (CAEP), composé de membres et d’observateurs des secteurs publics et privés et de représentants de l’industrie de l’aviation.

2. Il existe actuellement des normes pour le monoxyde de carbone, les oxydes nitreux, les hydrocarbures non brûlés et la fumée.

3. La recherche a porté seulement sur le tourisme international et a exclu les voyages d’affaires, pour des raisons de fiabilité des données en ce qui concerne les arrivées internationales par voie aérienne.

Sources:
– Canadian Tourism Commission. «Travelers Keen on Going Green», Tourism Intelligence Bulletin, no 39, mai 2007. Canadian Tourism Research Institute, The Conference Board of Canada, Vancouver, 2007, 5 p.
– International Civil Aviation Organization 2007. Presentations and Statements from the ICAO Colloquium on Aviation Emissions with Exhibition, tenu à Montréal, Canada, 14-16 mai 2007, [www.icao.int/EnvClq/CLQ07/Documentation.htm].
– Intergovernmental Panel on Climate Change. Special Report: Aviation and the Global Atmosphere. Summary for Policy Makers, Geneva, 1999, 23 p.
– Tol, R.S.J. «The Impact of a Carbon Tax on International Tourism», Transportation Research, Part D 12, 2007, p. 129-142.
– United States Environmental Protection Agency. Aircraft Contrails Factsheet, EPA430-F-00-005, Washington DC, 2000, 6 p.
– Weissman, A. Binge Flying, Sinful Travel and Paranoia, [www.travelweekly.com].

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