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Analyses - 10 septembre 2008

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septembre 2008

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Les enjeux de l’eau douce dans l’industrie du tourisme au Québec

L’eau est devenue une des ressources les plus rares et son niveau de consommation a plus que sextuplé au cours du siècle dernier. Plus de 40% de la population mondiale vit aujourd’hui dans la pauvreté de l’eau (1 à 4). Les questions les plus préoccupantes au Québec concernent plus la qualité de l’eau et la propriété de la ressource que sa disponibilité, notamment depuis l’éclosion des algues bleues qui est concomitante du phénomène de l’eutrophisation (5). Celle-ci est le résultat d’un enchaînement de processus se répercutant sur la qualité de l’eau, qui se traduit par des plans d’eau riches en substances nutritives (5, 6). Les processus naturels liés au vieillissement des lacs peuvent aussi entraîner l’eutrophisation en raison de la consommation croissante de l’oxygène qui est due à la décomposition des organismes présents dans l’eau. La pollution générée par des activités peut également contribuer à l’enrichissement des eaux en matières nutritives (7).

Peu importe les conditions dans lesquelles se trouve un lac, l’eutrophisation peut être accélérée par les caractéristiques naturelles et les différents types d’occupation du sol dans son bassin hydrographique (8, 9). Les effets liés à l’eutrophisation comprennent la croissance effrénée de phytoplanctons et des algues ainsi que la modification dans le foisonnement et la composition des espèces, la production de biomasse et la teneur en oxygène dissous. L’eutrophisation d’un lac peut se manifester notamment par la croissance rapide de certains types d’algues nocives, comme les algues bleues ou cyanobactéries (10, 11). Celles-ci sont les algues nocives les plus répandues dans les étendues d’eau douce. En Europe et en Amérique du Nord, les pollutions d’origine agricole sont les principaux facteurs à l’origine de l’eutrophisation, suivi des eaux usées et des effluents industriels (10, 12). De plus, le secteur du tourisme et des activités de loisir peut contribuer à l’eutrophisation du seul fait qu’il consomme de l’eau et génère des déchets dont certains sont toxiques (13).

Le tourisme et l’eau

Chaque touriste à l’échelle mondiale consomme de 100 à 2000 litres d’eau par jour (7), c’est-à-dire une quantité plusieurs fois supérieure à la consommation moyenne par ménage. Cela s’explique par l’exploitation des installations touristiques et l’utilisation de l’eau par les visiteurs au quotidien entre autres pour prendre une douche ou aller à la piscine. Le volume d’eau utilisé par certaines activités comme la production de neige artificielle dans les stations de sports de glisse est très élevé.

Il existe un lien direct entre la consommation de l’eau par l’industrie touristique et l’emploi de produits chimiques, tels que des fertilisants de synthèse pour entretenir la pelouse et des détergents et savons qui, dans l’ensemble, représentent des sources importantes de pollution. Par ailleurs, les activités nautiques motorisées contribuent non seulement à la dégradation physique du milieu, mais aussi à l’augmentation des composés d’hydrocarbure émis par la combustion de l’essence et par la peinture antisalissure (14). À titre d’exemple, les 307 terrains de golf du Québec déversent environ 40 000 kilogrammes d’ingrédients actifs dans l’environnement sous forme de fongicides, d’herbicides et d’insecticides (15). Les eaux usées rejetées par les activités de tourisme et de loisir à petite échelle et dispersées sur le territoire peuvent être à l’origine de la prolifération de bactéries et d’algues dans les écosystèmes d’eau douce des régions éloignées (16). Toutefois, les impacts de ces activités au Québec, en particulier dans les pourvoiries et les camps de vacances, ne sont pas encore connus. Les résidences secondaires équipées de fosses septiques polluent le sol et la nappe phréatique, car jusqu’à 25% des boues n’y sont pas traitées, et peuvent même, selon leur localisation, éventuellement se déverser dans un lac (5).

D’après les objectifs de développement durable, le secteur du tourisme est appelé à gérer son usage des ressources en eau plus efficacement et à éviter de déverser des substances qui nuisent à sa qualité (17). Quant aux répercussions de la disponibilité et de la qualité des ressources en eau sur le tourisme, peu d’études ont abordé cette question jusqu’à présent. En Floride, une étude a montré que les efflorescences d’algues en surface ont entraîné une baisse des revenus nets de 29% dans le secteur de la restauration et de 35% dans celui de l’hébergement (18). Il n’existe aucune estimation de l’impact économique net de la réduction de la qualité de l’eau des lacs au Québec.

Les démarches de résolution

Des solutions de rechange peuvent être envisagées pour réduire les coûts et la complexité des travaux de restauration environnementale de sites aquatiques. Au Québec, de nombreux projets de restauration ont été réalisés avec succès grâce à un partenariat entre l’industrie du tourisme, les agences gouvernementales et les organismes non gouvernementaux (19). Certains d’entre eux ont permis la plantation d’espèces végétales dans les bandes riveraines, l’organisation d’activités récréatives et de loisirs et le développement d’infrastructures sur le pourtour des lacs. D’autres actions de gestion, comme celle de semer des espèces aquatiques en vue d’améliorer le système de filtration naturelle, peuvent également être bénéfiques pour certains lacs, dans la mesure où les plantes accroissent la capacité d’absorption des éléments nutritifs (2).

Un des moyens les plus efficaces est de prévenir la pollution par une démarche d’éducation relative à l’environnement, dont le but est d’accroître le niveau de sensibilisation. Différentes organisations proposent des recommandations sur la consommation de l’eau et l’évacuation des substances toxiques. Les programmes de sensibilisation québécois comme la Charte des lacs (20) constituent des outils appréciables. Les pesticides, herbicides et insecticides sont des substances dont l’emploi est maintenant réglementé, bien que les répercussions de la réglementation varient selon les différentes utilisations du territoire. Depuis 2006, la loi ne permet plus l’utilisation de pesticides sur les pelouses et les espaces verts publics, y compris les aires semi-publiques et les terrains municipaux (6). Par conséquent, certains acteurs du secteur du tourisme comme les clubs de golf ont l’obligation de déposer d’ici 2009 un plan de réduction de 12,9% de l’usage de pesticides en moyenne, de 9,4% de fongicides, de 8,2% d’herbicides et de 7,4% d’insecticides. Les autres secteurs du tourisme ne semblent pas être soumis à de telles restrictions.

C’est le temps d’agir

La compétition pour les ressources en eau douce deviendra de plus en plus rude et les changements climatiques auront des incidences sur les lacs du Canada (21). Quelques exploitants d’entreprises touristiques ont déjà réduit leur niveau de consommation d’eau ou ont cessé d’utiliser des substances toxiques pour effectuer leurs opérations et ont trouvé des produits biodégradables pour remplacer les produits polluants généralement utilisés. Cependant, la portée des changements apportés dans le secteur n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation. Au Québec, il est impossible de distinguer pour le moment la part de responsabilité du tourisme et des activités de loisir de celle des autres utilisations du territoire en ce qui a trait aux problèmes liés à la qualité de l’eau. Également, les impacts économiques des lacs sur l’industrie du tourisme dans les diverses régions ne sont pas connus. Il serait important de mieux comprendre les liens entre les ressources en eau et le tourisme et ainsi atténuer les problèmes auxquels se heurtent les principaux acteurs de l’industrie.

Sources

1. Klessing, L.L. (2001). « Lakes and Society: the Contribution of Lakes to Sustainable Societies », Lakes and Reservoirs: Research and Management, vol. 6, p. 95-101.
2. Jöbgen, A.M., A. Palm, et M. Melkonian (2004). « Phosphorus Removal from Eutrophic Lakes Using Periphyton on Submerged Artificial Substratal », Hydrobiologia, vol. 528, p. 123-142.
3. Babou, I., et P. Callot (2007). Les dilemmes du tourisme, Vuibert, Paris.
4. World Resources Institute (2008). Water Resources and Freshwater Ecosystems, [en ligne], 2007, [http://earthtrends.wri.org/features/index.php?theme=2] (page consultée le 2 mai 2008).
5. Hade, A. (2002). Nos lacs : les connaître pour mieux les protéger, Fides, Québec.
6. Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) (2008a). Actions ministérielles en matière de pesticides, [en ligne], s. d., [www.mddepp.gouv.qc.ca/pesticides/actions.htm] (page consultée le 28 avril 2008).
7. Gössling, S. (2006). « Tourism and Water », dans S. Gössling et C.M. Hall (dir.), Tourism and Global Environmental Change: Ecological, Social, Economic, and Political Interrelationships, Routledge, Londres, p. 180-194.
8. Salmaso, N. (2000). « Factors Affecting the Seasonality and Distribution of Cyanobacteria and Chlorophytes: A Case Study from Large Lakes South of the Alps, with Special Reference to Lake Garda », Hydrobiologia, vol. 438, p. 43-63.
9. Davis, C. (2007). The Multiple Dimensions of Water Scarcity. EarthTrends. World Resources Institute.
10. Cronberg, G. (1999). « Qualitative and Quantitative Investigations of Phytoplankton in Lake Ringsjön, Scania, Sweden », Hyrobiologia, vol. 404, p. 27-40.
11. Larkin, S.L., et C.M. Adams (2007). « Harmful Algal Blooms and Coastal Business: Economic Consequences in Florida », Society and Natural Resources, vol. 20, p. 849-859.
12. McGarrigle, M.L., et W.S.T. Champ (1999). « Keeping Pristine Lakes Clean: Loughs Conn and Mask, Western Ireland », Hydrobiologia, vol. 395-396, p. 455-469.
13. Bramwell, B., et G. Pomfret (2007). « Planning for Lake and Lake Shore Tourism: Complexity, Coordination and Adaptation », International Journal of Tourism and Hospitality Research, vol. 18, no 1, p. 43-66.
14. Mosisch, T.D., et A.H. Arthington (2004). « Impacts of Recreational Power-boating on Freshwater Ecosystems », dans R. Buckley (dir.), Environmental Impacts of Ecotourism, Wallingford, CABI Publishing, p. 125-154.
15. Lavardière, C, S. Dion, et S. Gauthier (2007). Bilan des plans des réductions des pesticides sur les terrains de golf au Québec, Rapport réalisé pour le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Gouvernement du Québec.
16. Lukavsky, J., A. Moravcova, L. Nedbalova, et O. Rauch (2006). « Phytobenthos and Water Quality in Mountain Streams in the Bohemian Forest Under the Influence of Recreational Activity », Biologia, vol. 61 (suppl. 20), p. S533-S542.
17. United Nations Environment Programme Division of Technology, Industry, and Economics Sustainable Consumption & Production Branch. Resource Efficiency, [en ligne], s.d., [http://www.unep.fr/scp/tourism/topics/resource/use.htm] (page consultée le 2 mai 2008).
18. Hoagland, P., D.M. Anderson, Y. Kaoru, et A.W. White (2002). « The Economic Effects of Harmful Algal Blooms in the United States: Estimates, Assessment Issues and Information Needs », Estuaries, vol. 25, no 4, p. 819-837.
19. Tourisme Québec (2000). Guide de mise en valeur des plans d’eau du Québec à des fins récréotouristiques et de conservation du patrimoine, Groupe DBSF pour Tourisme Québec.
20. Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) (2008b). Charte des lacs,[en ligne], s.d.,  [www.menv.gouv.qc.ca/eau/algues-bv/engagement/engagement.asp] (page consultée le 2 mai, 2008).
21. Jones, B.E., D. Scott, et S. Gössling (2006). « Lakes and Streams », dans S. Gössling et C.M. Hall (dir.), Tourism and Global Environmental Change: Ecological, Social, Economic, and Political Interrelationships, Routledge, Londres, p. 67-94.

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