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Analyses - 16 juin 2010

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juin 2010

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Consécration des saints et popularité des sanctuaires

Peut-on dire que la canonisation du Frère André, prévue le 17 octobre 2010, aura un impact important sur l’oratoire Saint-Joseph, lieu de repos du Bienheureux? Cela aura-t-il une incidence sur le tourisme religieux montréalais? Peut-on avancer que la renommée d’un sanctuaire dépend de la consécration des saints qui le représentent?

Examinons comment la médiatisation et le marketing religieux entourant le Padre Pio ont été déterminants dans le développement de la basilique de San Giovanni Rotondo. Recueillons par le fait même quelques idées d’articles commémoratifs liés à la canonisation du père Damien, qui a eu lieu en octobre 2009.

La médiatisation de Padre Pio a favorisé la propagation du culte et la popularité du sanctuaire


La basilique de Padre Pio (Pio da Pietrelcina), moine capucin canonisé en 2002, mystique connu pour sa dévotion à Dieu, pour les soins qu’il prodiguait aux malades et pour ses dons surnaturels, est le deuxième sanctuaire catholique le plus visité au monde. Dans un rapport paru en 1999, l’évêque Francesco Giogia, à titre de secrétaire du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement, estimait que le sanctuaire de San Giovanni Rotondo accueillait entre six et sept millions de visiteurs par an. Depuis l’exhumation du corps de Padre Pio, huit à neuf millions de visiteurs s’y rendraient annuellement.

Grâce à la popularité du culte de Padre Pio, le village de San Giovanni Rotondo, peuplé d’environ 27 000 âmes, a connu une phase de développement touristique importante. Plus de 50 nouveaux hôtels ont été construits pour recevoir la foule croissante de visiteurs qui s’y pressent depuis l’an 2000. La basilique peut accueillir 6 500 personnes dans son enceinte et 30 000 personnes debout sur la place en face de l’édifice.

La force médiatique et le rassemblement des fidèles autour du Padre Pio de son vivant ont beaucoup contribué à la propagation de son culte et à la popularité du sanctuaire. Voici quelques facteurs attribués au succès de la médiatisation du culte de Padre Pio:

  • Les diverses publications de la basilique de San Giovanni, des Capucins et des groupes de prière ont aussi grandement contribué à la propagation du culte Pio. Plus de 2 000 groupes de prière constitués en Italie ont pour règle de visiter le sanctuaire deux ou trois fois par an.
  • Les expressions physiques de la foi de Padre Pio telles que les stigmates, la bilocation, la clairvoyance, la prescience et la lévitation ont été largement médiatisées, encourageant ainsi ses dévots à vouloir établir le plus de contacts physiques possible avec lui.
  • En 2000, les Capucins ont dédié une station de radio exclusivement au Padre Pio: La Voce di Padre Pio.
  • Deux grands films portant sur le Padre Pio ont été diffusés sur les réseaux de télévision les plus importants en Italie. L’un des films a enregistré des cotes d’écoute de 42% la première soirée et de 50% la deuxième.
  • L’association à d’autres cultes. Depuis sa béatification en 1999, l’image de Padre Pio a été renforcée à travers des objets de dévotion placés dans d’autres lieux de culte populaires tels que ceux d’Assise ou de Maria Goretti ou même en France, à la chapelle Notre-Dame-de-la-médaille-miraculeuse.
  • Un contexte favorable. L’expansion du culte Pio a également été assistée par le pape Jean-Paul II lors d’une manœuvre stratégique visant à marginaliser les mouvements fondamentalistes de l’Église, afin d’offrir au culte Pio une existence plus «normale» et officielle.

Un bon marketing religieux, mais aussi un contexte propice

En plus de la grande visibilité accordée au Padre Pio, l’une des plus grandes forces du développement de son culte a été son interaction directe avec ses fidèles. Ce n’était pas un personnage surgissant d’un passé lointain, mais un contemporain dont le public avait entendu parler à la radio, à la télévision et dans la presse écrite.

Le phénomène du Padre Pio a également été amplifié grâce à la position particulière de la religion en Italie et aux différentes façons de considérer le «sacré» dans cette société. Bien que la participation aux célébrations de l’église institutionnelle ait diminué, la religiosité traditionnelle et les dévotions populaires ont survécu.

La canonisation, moment de vérité et de visibilité

La canonisation permet l’évocation historique et la mise en valeur de l’œuvre religieuse et humaine léguée par les nouveaux saints. C’est aussi l’occasion de voir émerger plusieurs initiatives de célébrations autour de ces Bienheureux.

Ainsi, lors de la canonisation du père Damien, le saint patron des lépreux, en octobre 2009, la Monnaie royale de Belgique a frappé une médaille commémorative de 20 euros, dont le tirage était limité à 15 000 exemplaires. La pièce, présentée dans un bel emballage illustré, se vendait 49 euros. Rappelons qu’une pièce avait déjà été frappée lors de sa béatification et une autre pour son plébiscite en 2005, en tant que plus grand Belge.

Plusieurs cérémonies ont eu lieu pour marquer l’événement, à commencer par des veillées de prière. Le jour même de la canonisation, une célébration eucharistique en plein air a été retransmise en direct sur grand écran dans le village de naissance du père Damien. L’inauguration d’une statue au musée Damien, un spectacle son et lumière, une marche silencieuse, une fête populaire et un feu d’artifice ont clos les festivités.

Une série limitée de timbres-poste représentant le père Damien a également été produite pour célébrer la canonisation du Bienheureux. Des forfaits de voyage ont été mis en marché pour permettre aux intéressés d’assister à la canonisation du père Damien à Rome.

Le couple royal, le premier ministre et plusieurs membres du gouvernement ont également participé à la cérémonie.

Bien que l’impact de la canonisation d’un nouveau saint sur la popularité du lieu religieux qui le représente soit statistiquement difficile à établir, il n’en demeure pas moins qu’on peut en tirer certaines leçons:

  • Le marketing religieux joue un rôle fondamental dans la médiatisation des saints et de leurs cultes. Outre San Giovanni de Rotondo, le site de Notre-Dame de Lourdes en a également bénéficié lorsque les Augustins de l’Assomption, un ordre religieux basé à Paris, ont fait du site leur lieu de pèlerinage national. Grâce au chemin de fer et à la presse catholique populaire, les Assomptionnistes ont transformé Lourdes en un site de pèlerinage de masse.
  • Notons que la popularité d’un site religieux dépend également de la qualité de ses infrastructures (entretien du bâtiment, espaces verts, salles de prière, etc.) ainsi que de l’expérience de visite qu’il offre (accueil, cafétéria, boutique, hébergement, transport, etc.).
  • Il y a tout à gagner à ce que les résidents locaux s’approprient leur saint et sa personnalité religieuse. C’est le cas du Padre Pio, très populaire auprès des Italiens eux-mêmes. C’est aussi le cas de Nuestra Señora de Guadalupe, à Mexico City, le sanctuaire catholique le plus visité au monde, endroit d’une grande importance pour les Mexicains.

Pour faciliter cette appropriation, l’Oratoire Saint-Joseph a lancé de nouveaux articles promotionnels à l’effigie du frère André et organise un voyage en destination de Rome auquel pourront participer les fidèles pour assister à la cérémonie de canonisation.

La ferveur religieuse est plus faible au Québec que dans d’autres pays et pour toucher la population d’ici, il est peut-être plus judicieux de rappeler l’humanité, la grandeur d’âme et l’identité francophone du Bienheureux André.

Sources:

– Baedeker, Rob. «World’s Most Visited Religious Destinations. Religious Travel Is One of the Biggest Forms of Tourism in the World», Forbes traveler, 12 avril 2009.

– Eternal Word Television Network. «Shrine of Guadalupe Most Popular in World», 13 juin 1999.

– Forment, D. «Sur les ailes d’Air André», Les Affaires, du 29 mai au 4 juin 2010. p.5.

– Le Journal de Montréal. «Canonisation du Frère André une affaire payante», 22 mars 2010.

– Louise, Leduc. «Le frère André sera canonisé le 17 octobre», Cyberpresse, 19 février 2010.

– Margry, Jan. «Merchandising and Sancticity: The Invasive Cult of Padre Pio», Journal of Modern Italian Studies, 11 mars 2010.

– Pastoralia, Archidiocèse de Malines-Bruxelles, «Canonisation du Père Damien», 11 octobre 2009.

– Razaq, Raj. Nigel et D. Morphet. «Religious Tourism and Pilgrimage Management: An International Perspective», août 2007.

– RTBF. «Le Père Damien a été proclamé saint par le pape Benoît XVI», 11 octobre 2009.

– Sacred destinations, «Shrine of Padre Pio, San Giovanni Rotondo», consulté le 30 avril 2010.

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