Les randonneurs improbables ou les Unlikely Hikers bousculent l’image typiquement associée à l’adepte du plein air.
L’industrie du plein air véhicule encore trop souvent une image très restrictive du type d’adeptes : des personnes jeunes, de race blanche, hétérosexuelles et souvent très expérimentées. Des influenceurs réussissent à briser ce moule et sensibilisent de grandes entreprises à mieux représenter la diversité dans leurs actions marketing. Au-delà de l’origine ethnique, la diversité concerne aussi le genre, l’orientation sexuelle ou encore le type de silhouette. Le tourisme d’aventure et de plein air a tout à gagner à élargir ses horizons vers une clientèle diversifiée.
Promouvoir la diversité
C’est le syndrome de l’imposteur qui a poussé une femme dans la vingtaine, Jenny Bruso, à créer le blogue Unlikely Hiker (Randonneuse improbable). Nouvellement pratiquante de plein air, se qualifiant elle-même de femme allosexuelle (queer) souffrant d’embonpoint, elle ressentait le besoin de partager ses expériences alors qu’elle ne s’identifiait pas du tout à l’image type de l’adepte de la randonnée.
Son blogue et ses publications sur les médias sociaux ont fait boule de neige et ont permis à de nombreuses personnes de s’identifier à un profil de pratiquants qui se rapproche davantage de leur réalité. Qu’il s’agisse de personnes de couleur, d’individus en surpoids ou de néophytes enthousiastes, ils sont de plus en plus nombreux à partager les photos de leurs sorties de plein air sur le compte Instagram Unlikely Hikers. Celui-ci rassemble, à ce jour, plus de 54 000 abonnés.
Ce mouvement a l’appui de marques reconnues comme REI Co-op et Columbia. En ligne depuis un peu plus de deux ans, Unlikely Hikers a fait des petits. Ces petites communautés se sont regroupées afin de créer une coalition d’influenceurs pour promouvoir la diversité dans le plein air : Diversify Outdoors. Les entreprises sont d’ailleurs invitées à prendre part à ce mouvement en prêtant serment à l’Outdoor Industry CEO Diversity Pledge. Les organisations signataires doivent adhérer aux principes suivants :
- Embaucher et soutenir des employés et des dirigeants provenant de communautés diversifiées ;
- Publier des publicités et des éléments de marketing représentatifs dans les médias ;
- Soutenir des athlètes-ambassadeurs largement représentatifs ;
- Partager des expériences avec d’autres grandes marques.
Se remettre en question
En octobre 2018, le chef de la direction de la coopérative de plein air Mountain Equipment Co-op (MEC), David Labistour, envoyait à tous les membres un courriel faisant le mea culpa de l’organisation face au manque de diversité dans ses publicités. De ce fait, MEC s’engage à faire la promotion de la diversité dans les sports de plein air en étant l’un des signataires du Diversity Pledge. La vidéo suivante, publiée sur le site de MEC, présente l’un des éléments déclencheurs de cette remise en question :
Briser les mythes
Au Canada, les personnes de couleur affichent un taux de participation global aux activités de plein air 8 % plus élevé que chez les Blancs.
Afin d’obtenir une vision plus éclairée du profil ethnique des pratiquants de plein air, MEC a commandé une étude sur la population canadienne. Cette enquête, réalisée de l’automne 2017 au printemps 2018 auprès de 2640 adultes afin de connaître leur taux de participation à 17 activités de plein air, révèle des résultats très intéressants.
Au Canada, les personnes de couleur :
- affichent un taux de participation global aux activités de plein air 8 % plus élevé que chez les Blancs ;
- passent en moyenne trois heures de plus par semaine que les Blancs à faire du plein air ;
- sont plus enclines que les Blancs à pratiquer le jogging, l’escalade ainsi que les sports d’hiver ;
- présentent des taux de participation similaires à ceux des Blancs, ou presque, pour les autres activités comme la randonnée, le vélo de route et le camping.
Aux États-Unis
La situation de la population américaine est un peu différente. Selon l’organisme de recherche sur le plein air Outdoor Foundation, le taux de participation de la communauté noire aux activités de plein air (34 %) est inférieur à celui des autres (Blancs : 51 % ; Asiatiques : 51 % ; Hispaniques : 49 %). Mais ce sont les Hispaniques et les Noirs s’adonnant au plein air qui cumulent le plus grand nombre de sorties annuellement (voir le tableau 1).
Afin de s’adresser à ces segments de clientèle, les conférenciers Rue Mapp et Evita Robinson ont proposé quelques astuces lors de l’événement AdventureELEVATE, de l’Adventure Travel Trade Association :
- Cibler les groupes affinitaires directement impliqués dans les communautés. L’organisation Outdoor Afro, qui favorise la connexion entre les Afro-Américains et les activités en nature, constitue un excellent premier point de contact pour une entreprise en tourisme d’aventure qui souhaite créer des liens avec ce segment de clientèle ;
- Faire appel à des influenceurs crédibles. Le produit à vendre est le même, peu importe la couleur de la peau ; c’est plutôt la façon dont le message est véhiculé qui compte. Les gens doivent pouvoir se projeter dans l’aventure. Ils pourront le faire si des voyageurs auxquels ils s’identifient recommandent le produit, partagent des témoignages, font du storytelling à propos de la destination, de l’entreprise ;
- Demander l’avis des résidents de la communauté noire (ou autochtone ou asiatique ou autre) à propos de la destination, de l’entreprise. Leur perspective sur ce qu’une personne de la même origine ethnique pourrait rechercher spécifiquement lors d’un séjour peut s’avérer très constructive.
Ces suggestions peuvent s’appliquer à la communauté LGBTQ, aux Autochtones ou à tout autre segment de clientèle. Une réelle volonté de tendre vers une plus grande diversité se reflète aussi chez le personnel d’une entreprise. Une mixité dans l’équipe de travail donnera certainement l’impulsion à une plus grande diversité de la clientèle et à une image de marque illustrant l’ouverture et l’inclusion.
Cette prise de conscience de l’industrie du plein air gagnera-t-elle d’autres secteurs touristiques ?
Image à la une : Unsplash