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Analyse - 21 septembre 2021

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septembre 2021

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Le démarketing pour une meilleure gestion des flux touristiques

Arrêter la promotion marketing et la géolocalisation, restreindre l’accès aux lieux de villégiature et taxer les visiteurs sont des stratégies de démarketing en vogue.

En 2019, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) estimait que d’ici 2030, quatre millions de touristes s’ajouteraient aux 1,4 milliard de voyageurs déjà existants, soit près d’un humain sur cinq. Cette croissance soutenue a mené à une surfréquentation de certains lieux, provoquant des conséquences sur la faune et la flore et sur la vie quotidienne des résidents. Avant la pandémie, la forte présence des visiteurs dans certaines villes comme Amsterdam, Barcelone et Venise, avait suscité de vives critiques de la part des citadins qui désiraient se réapproprier leurs quartiers.

Plusieurs gestionnaires ont profité de la pause forcée des derniers mois pour repenser le tourisme de demain. Parmi les solutions envisagées : le démarketing.

Qu’est-ce que le démarketing ?

Ce concept déjà proposé en 1971 par les Américains Philip Kotler et Sidney Levy, tous deux spécialistes du marketing, repose sur l’idée que les surplus peuvent être aussi problématiques que les pénuries. Le démarketing vise à décourager la clientèle (ou un segment en particulier) sur une base temporaire ou permanente. Kotler fait entre autres référence à la nécessité de réduire la consommation de certaines ressources naturelles dans le but de les préserver. La demande ne peut pas être illimitée dans un monde où les ressources sont limitées.

Dans le contexte touristique, l’idée consiste à restreindre l’augmentation de l’achalandage, puisque la croissance peut avoir des répercussions négatives sur la société et l’environnement. Dès lors, les stratégies de promotion d’un attrait sont remplacées par une approche visant à mieux gérer les flux de clientèles. Il ne s’agit donc pas ici de décourager les visiteurs, mais de les encadrer plus adéquatement.

Comment développer une approche de démarketing ?

Les méthodes à adopter se basent sur les mêmes principes que ceux du marketing traditionnel, c’est-à-dire les 4 P (promotion, place, produit, prix). À l’aide de quelques exemples, voyons comment elles s’articulent dans un contexte de démarketing touristique.

Allier promotion et gestion de la destination

Lorsque la concentration de visiteurs à un même endroit est trop dense, l’une des solutions envisageables consiste à cesser toute forme de promotion. C’est ce qu’a fait l’Organisation de gestion de la destination (OGD) des Pays-Bas dans son plan de développement touristique sorti en 2019. Ainsi, elle consacrerait son énergie à gérer la destination plutôt qu’à la promouvoir. Ce plan a été réalisé en collaboration avec les résidents afin qu’ils retrouvent un milieu de vie agréable.

Quelque 3,5 millions de vacanciers ont fréquenté les plages et les sites de la ville de Marseille entre le 15 juin et le 1er septembre 2020. Il s’agit d’une hausse de 60 % par rapport à 2019. Le maire et son équipe ont demandé à l’Office métropolitain du tourisme et des congrès de la ville d’arrêter toute forme de promotion. Le budget sert maintenant à former une centaine d’agents d’accueil et de conseil dans l’optique de rediriger les visiteurs vers des endroits moins connus.

Géolocaliser de façon responsable

La géolocalisation des attraits rend maintenant les trésors les mieux gardés accessibles à tous. Cependant, cette pratique a des impacts sur l’environnement. Certains endroits, autrement restés méconnus, deviennent rapidement très fréquentés. En réponse à ce phénomène, l’OGD de Jackson Hole, au Wyoming, a lancé une campagne invitant les visiteurs à géolocaliser leurs photos de façon responsable, en utilisant les coordonnées génériques d’un site plutôt que la position exacte où celle-ci a été prise.

Source de la vidéo : YouTube

En 2019, le Fonds mondial pour la nature France encourageait les gens à inscrire sur les réseaux sociaux « I Protect Nature », plutôt que d’indiquer la position géographique réelle. Cela permet d’éviter de partager les endroits où se trouvent certains attraits et, ainsi, sensibiliser les voyageurs à la protection des ressources naturelles.

Sur une note plus humoristique, l’OGD de la Nouvelle-Zélande a créé début 2021 une série de vidéos avec pour objectif d’influencer les touristes à explorer des lieux moins partagés sur les réseaux sociaux. Tom Sainsbury, humoriste néo-zélandais de renom, joue le rôle d’un policier dont le travail est d’empêcher les voyageurs de fréquenter des zones trop populaires. Pour ce faire, il les arrête et les amène dans des attraits plus originaux.

Réserver ses accès

Dans une perspective de démarketing, une des stratégies établies quant au produit est de le rendre moins attrayant, par exemple en en restreignant l’accès. Il peut s’agir d’acheter son billet en ligne. Bien que cette pratique soit courante depuis le début de la pandémie, certains gestionnaires y avaient eu recours bien avant. Depuis le 1er juillet 2017 au Pérou, les visiteurs avides de découvrir le site emblématique du Machu Picchu doivent réserver une plage horaire d’un maximum de 4 h.

Dans le but de protéger les berges du Parc national des Calanques, près de Marseille, des billets sans frais seront requis dès 2022 pour y accéder. Puisqu’un nombre restreint d’entrées est disponible, les gens devront planifier leur sortie.

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Source : Calanques, Pexel

Au Japon, depuis 2019, il est obligatoire de réserver son entrée pour explorer Shirakawa (le village de la rivière blanche). Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1995, sa popularité ne cesse de grandir. Avant la mise en place de cette mesure, la petite communauté de 1600 habitants devait conjuguer avec l’accueil de 2,15 millions de visiteurs chaque année. Les maisons uniques de style japonais, dotées de toits de chaume à forte pente, et la préservation du mode de vie traditionnel ont eu raison de ce calme d’antan. C’est d’ailleurs pour recouvrer cette tranquillité que la politique de réservation en ligne a vu le jour.

Tarifier pour mieux préserver

La mise en place de tarifs d’accès constitue une autre stratégie de démarketing. Avant la pandémie, la Nouvelle-Zélande connaissait une augmentation annuelle moyenne de touristes de 8 %. Si la tendance se maintenait, le nombre de visiteurs devait dépasser celui des cinq millions d’habitants en 2024. Depuis le 1er octobre 2019, les voyageurs étrangers doivent payer une taxe écologique d’environ 30 dollars canadiens qui servira au financement des infrastructures et à la protection des richesses naturelles. Plus récemment, en mars 2021, le conseiller en chef pour l’environnement de Air New Zealand a souligné qu’il était favorable à une augmentation des prix des vols internationaux pour compenser les émissions de gaz à effet de serre générés. Cette initiative n’est pas encore déployée.

Après avoir interdit l’accès aux paquebots dans sa lagune le 1er août 2021, les gestionnaires de Venise ont mis en place une taxe pour les voyageurs sans réservation minimale d’une nuitée. Elle entrera en vigueur dès le 1er janvier 2022. Le coût sera de six euros par jour lors de périodes creuses et pourra s’élever à 10 euros pendant la haute saison. Les passagers des bateaux de croisière bénéficieront d’un montant forfaitaire de sept euros.

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Source : Tyler Lastovich, Pexels

Durant la saison estivale en France, des milliers de vacanciers foulent le sol des îles bretonnes Sein et Bréhat. Le maire de Sein, Didier Fouquet, voit d’un bon œil la présence des touristes, car ils aident à remettre en état leur patrimoine. Sous le principe du pollueur payeur, 7 % du prix de chaque billet de traversée sont réinvestis dans des travaux d’aménagement.

Mieux vaut prévenir que guérir !

Le démarketing est souvent employé en réponse à un problème de surfréquentation. Ces stratégies peuvent aussi être utilisées de manière proactive pour gérer les flux de visiteurs avant qu’ils ne deviennent une nuisance pour les communautés locales et l’environnement. Les îles Féroé et la Thaïlande ont d’ailleurs décidé de fermer leurs sites durant une certaine période de l’année pour permettre à la nature de se régénérer et d’effectuer des travaux de restauration. Aux Îles de la Madeleine, au Québec, le nouveau plan de développement touristique 2020-2025 a été réalisé dans une optique inclusive, de concert avec les résidents, afin de répondre à leurs besoins et à ceux des visiteurs.

Et vous, quelles stratégies pensez-vous adopter pour la reprise des activités ?

 

Note : Cette analyse est la mise à jour de l’article : Le démarketing à la rescousse de la destination.

 

Image à la Une : Ricardo Gomez, Unsplash

 

Source(s)

-APST. « Quelles solutions face au tourisme de masse et à ses déviances ? », APST, consulté le 1er août 2021. 

-Batarin, Kirill. « Marseille prépare un plan de «démarketing» pour éviter une nouvelle surfréquentation touristique cet été », Sputnik, France, 26 avril 2021.  

-Boubetra, N. et Dorseuil, T. « Venise : les paquebots de croisière interdit dans le centre historique », 14 juillet 2021. 

-Bredewold, Shy. « What is Venice’s new tourism tax and what does it mean for 2020 European cruise? »,  Odyssean Travel, 14 octobre 2019.  

-CNN. « Venice to bring back entry fee for daytrippers to combat overtourism », CNN, 20 novembre 2020. 

-Dimitrova, Monica. « How much will the entrance fee to Venice cost? », The mayor.eu, 16 décembre 2019. 

-Green destinations et Sustainable development goals. « 2020 Top 100 practice story – Sustainable tourism management in Shirakawa-go Gassho-zukuri Village reservation system », Green destinations et Sustainable development goals, 2020.  

-Hunt, Elle. « Charge more flights to deter tourists and help the planet, says Air New Zealand adviser », The Guardian, 9 mars 2021.  

- Kotler, Philip. « Welcome to the Age of Demarketing », The Marketing Journal, 25 août 2017. 

-LCI. « Le casse-tête des îles bretonnes entre tourisme et préservation du patrimoine », LCI, 5 août 2021.  

-Luczak-Rougeaux, Julia. « En 2022, il faudra réserver pour se rendre dans les Calanques », tom travel, 19 juillet 2021 

- Luczak-Rougeaux, Julia. « Pour lutter contre le surtourisme, les territoires adoptent le démarketing », tom travel, 28 juillet 2021. 

-Metro. « La Thaïlande ferme certains de ses parcs naturels pour que la nature se régénère », Metro, 4 septembre 2020.  

-Muller, Agathe. « Menacée par le tourisme de masse, Venise interdit l’entrée des paquebots dans la lagune », 8 novembre 2017.  

-NBTC Holland Marketing. « Perspectives 2030 – Destination the Netherlands », NBTC Holland Marketing, janvier 2019.

-Privé, Marie. « Pour entrer en Nouvelle-Zélande, les touristes devront payer une taxe écologique dès le 1er octobre »   

-Radio-Canada. « La rivière aux Cerises de Magog, victime de son succès », Radio-Canada, 26 juillet 2021.  

 -Sustainable brands. « Why Shirakawa Village is Considered One of the World’s ‘Top 100 Sustainable destinations’ », Sustainable brands, august 2021.   

-Ulyces. « La Thaïlande va fermer ses parcs naturels plusieurs mois par an pour que la nature se régénère », Ulyces, consulté le 28 août 2021.  

- UNWTO. « World Tourism Barometer », mai 2019.  

- Zhang, Michael. « How Geotagged Photos are Harming Natural Landmarks », PetaPixel, 5 novembre 2018. 

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