Après plus de 15 mois de confinement en intermittence, de contraintes de déplacements, d’interdictions de toutes sortes — dont la visite des proches —, les populations vaccinées auront-elles vraiment envie d’être raisonnables et responsables ? Malgré toutes les bonnes intentions formulées, on peut se demander s’il n’y aura pas, d’abord, une période de rattrapage, et même d’euphorie. Assistera-t-on à la revanche du voyageur ?
En théorie, le moment est pourtant idéal pour améliorer nos comportements. La crise de la COVID-19 aura conscientisé les gens sur de nombreux aspects. En voici quelques exemples.
Notre rapport à la nature
C’est incontestable, les bienfaits du contact avec la nature sur la santé mentale et physique de même que sur la qualité de vie sont démontrés. D’ailleurs, une enquête menée auprès de 3000 adultes par la firme Wunderman Thompson dévoile que 82 % des répondants accordent désormais plus de valeur à la nature qu’avant la pandémie.
Des commerces locaux en santé
Un mouvement de solidarité envers les commerces locaux s’est organisé dans plusieurs régions du monde. Au Québec, des initiatives visant à favoriser les achats dans ce type d’établissements ont porté fruit. Un sondage de la firme Léger révèle que le tiers des répondants disent acheter davantage de produits alimentaires locaux qu’avant la crise. Les entreprises agrotouristiques ont aussi pu constater cet engouement à l’été 2020.
L’effort collectif
Toutes les populations ont dû mettre l’épaule à la roue pour réduire la transmission du virus. Alors que la probabilité de développer des complications associées à la COVID-19 n’est pas la même selon les groupes d’âge, tous, ou presque, se sont pliés aux mesures sanitaires. Les populations sont capables d’une grande solidarité.
Les proches et les voyages
Prendre du bon temps avec les amis et la famille et voyager occupent les premiers rangs dans les listes des choses à faire lorsque ce sera possible. L’interdiction (ou presque) de sortir du pays accentue le désir de découvrir de nouveaux lieux. Créer des moments uniques en vacances avec nos proches s’inscrit dans les souhaits post-COVID.
Faire des choix plus durables
Les excursions et les séjours locaux ont largement été embrassés, faute de pouvoir aller ailleurs. Mais l’opération séduction semble avoir créé un précédent. Au Québec, un sondage de la Chaire de tourisme Transat réalisé auprès de 1172 voyageurs québécois indique que 76 % de ceux ayant effectué un séjour dans la province au courant de l’été 2020 ont l’intention de répéter l’expérience.
Par ailleurs, cette même enquête dévoile qu’un voyageur québécois sur deux est prêt à modifier ses pratiques de voyage pour réduire son empreinte carbone. Quelque 46 % sont même enclins à débourser pour annuler l’impact d’un trajet en voiture aller-retour entre Montréal et Québec. Ils ont aussi dit qu’ils souhaitaient voyager davantage localement (42 %) et prendre plus de temps pour découvrir un seul lieu – slow travel (23 %).
Un fort désir de voyager
Mais entre l’intention et le geste, il existe un fossé difficile à évaluer. La reprise laisse présager une forte volonté de découvertes touristiques, malgré une baisse d’optimisme depuis l’été 2021. Un sondage réalisé par la firme Destination Analyst en septembre auprès des voyageurs américains dévoile que 71,4 % de ceux-ci sont excités à l’idée de partir à nouveau au cours des 12 prochains mois. Lors de cette même enquête menée en juin 2021, près du quart des répondants émettaient le souhait de changer leurs comportements de voyage. Ils envisageaient, entre autres, d’en faire davantage.
Selon l’enquête annuelle World Travel Monitor réalisée auprès de quelque 500 000 répondants dans plus de 60 pays, les vacances au soleil et à la plage sont les plus convoitées pour 2021. Les séjours urbains arrivent au 2e rang, suivis des vacances axées sur la nature et le plein air.
Des offres responsables et séduisantes
Le virage vers un tourisme plus durable devra s’opérer de concert avec l’ensemble des secteurs impliqués. La responsabilité ne repose pas que sur les épaules du voyageur. L’industrie doit proposer des choix durables attractifs qui déclencheront un véritable engouement auprès des différents marchés. L’industrie touristique agit déjà sur plusieurs plans au chapitre environnemental : protection de la biodiversité par les aires protégées, écotourisme, économie collaborative, adhésion à des certifications, compensation de carbone, implication des résidents, etc.
Des voyages lents
Le voyage post-pandémique sera considéré comme un outil thérapeutique, une façon de vivre des moments de bien-être, de bonheur, de divertissement, mais aussi de transformation. Cela peut se traduire, pour certains marchés, par des voyages d’aventure en petits groupes dans des destinations hors des sentiers battus où les guides locaux sont mis à contribution et où le transport actif est privilégié, comme l’offre l’entreprise québécoise Karavaniers. Tous les voyages vendus comprennent un montant compensatoire pour les émissions de gaz à effet de serre produits par les déplacements en transport aérien. L’agence britannique Byway propose quant à elle des séjours qui ne requièrent pas de déplacement en avion.
Des milieux urbains verts et dynamiques
Cette nouvelle façon de voyager peut aussi mener à la découverte d’une ville qui a tout mis en œuvre pour le bien-être de ses résidents, pour que son développement ne se fasse pas au détriment de l’environnement et que la mobilité active et le transport collectif innovant soient au cœur des projets. La capitale de la Slovénie, Ljubljana, peut compter sur de nombreux atouts comme ses bâtiments historiques, ses canaux, son patrimoine ou encore sa culture éclectique pour attirer les touristes. Toutefois elle ne mise pas sur une croissance du nombre de nuitées à tout prix. Au contraire, le développement de la ville a été méticuleusement planifié et il doit d’abord profiter aux résidents. La Ville a d’ailleurs reçu de nombreuses distinctions à cet effet.
Adopter les valeurs des résidents
Voyager de façon responsable signifie aussi de découvrir le mode de vie des populations locales. La Finlande propose ainsi d’adopter les habitudes de ses habitants pour mieux vivre la destination. En tête du palmarès du bonheur selon le World Hapiness Report pour une 4e année consécutive, la Finlande, par le biais de l’organisation de gestion de la destination Visit Finland, partage la recette de ce bonheur. Chaque année, une campagne souligne les principes qui seraient à l’origine de cet art de vivre. La culture du sauna, le contact privilégié avec la nature, la relation particulière avec le froid et l’hiver : ces valeurs font partie de l’ADN de la destination et sont continuellement communiquées, souvent de façon amusante, aux voyageurs potentiels.
Une mission collective
Les actions requises pour se tourner vers une économie verte sont multiples. La poursuite de cette transition reposera sur la connaissance, la créativité, les partenariats, des investissements conséquents et surtout, une démarche collective et concertée, afin de maximiser le potentiel et les bénéfices pour les voyageurs, les entreprises touristiques et les collectivités.
La société est capable de répondre très rapidement à une urgence directe. La crise nous démontre qu’il est possible d’avoir des cibles ambitieuses et de changer drastiquement certaines pratiques pour modifier des comportements. Chaque crise marque un nouveau départ. Faisons en sorte que celui du tourisme emprunte la voie de la responsabilité.
Image à la une : Unsplash