Favoriser des moyens de transport actifs et valoriser des circuits courts sont des incontournables vers une décarbonisation du tourisme.
L’été dernier, alors que la côte ouest américaine était paralysée par des feux de forêt, l’Europe et l’Inde subissaient de nombreuses inondations et glissements de terrain. Dans le rapport du GIEC, paru le 9 août dernier, les scientifiques affirment que les humains sont « indiscutablement responsables des dérèglements climatiques, et n’ont d’autre choix que de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre s’ils veulent en limiter les dégâts ». Ils ajoutent que la planète devrait atteindre vers 2030 le seuil de +1,5 degré Celsius par rapport à l’ère préindustrielle, dix ans plus tôt que ce qui était prédit en 2018.
Qu’en est-il de l’impact de l’industrie touristique ?
Selon une étude réalisée auprès de 160 pays et publiée en 2018 dans la revue scientifique Nature Climate Change, le tourisme représente 8 % du total des émissions de carbone produites dans le monde. En plus des déplacements, ce pourcentage comprend l’impact des choix d’hébergement et des activités effectuées à destination. L’achat de biens, la nourriture et le transport en sont les principaux contributeurs. Même si la pandémie a entrainé une baisse de 7 % des gaz à effet de serre générés en 2020, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoit une hausse de 25 % des émissions de carbone liées au transport en tourisme d’ici 2030, par rapport à 2016.
Des itinéraires de proximité et des circuits courts de la ferme à la table sont quelques-unes des solutions pouvant être implantées pour réduire les émissions de carbone.
Des voyageurs prêts à faire leur part
Une enquête en ligne menée par la Chaire de tourisme Transat à l’automne 2020 auprès de 1174 voyageurs québécois âgés de 18 à 74 ans nous informait que la moitié des répondants soulignaient être prêts à modifier leurs habitudes de voyage si cela pouvait contribuer à réduire leur empreinte. Le tiers disaient également porter plus d’attention aux pratiques durables des prestataires touristiques.
Selon une étude en ligne de Booking.com réalisée en avril dernier auprès de 29 000 touristes originaires de 30 pays, 61 % affirmaient que la pandémie les avait encouragés à vouloir voyager de façon plus durable. Près de la moitié (49 %) avaient même admis avoir modifié leur comportement et adopté des changements positifs dans leur vie quotidienne, tels que recycler ou réduire leurs déchets alimentaires.
« Les engagements durables pris par les voyageurs au quotidien sont cohérents avec leurs intentions pour de futurs voyages : (…) quelque 83 % souhaitent réduire leur consommation d’énergie et 79 % désirent utiliser des modes de transport plus respectueux de l’environnement, parmi lesquels la marche, le vélo ou les transports publics plutôt que les taxis ou les voitures de location. » – traduction libre de l’anglais, Booking.com
Afin de répondre à l’urgence d’agir, de même qu’aux nouvelles attentes des consommateurs, les acteurs de l’industrie doivent débuter une transition écologique dès maintenant.
Réduire son empreinte carbone
Avant d’être en mesure de la réduire, il faut la calculer. Carbone Boréal, un programme de recherche de l’UQAC, permet aux particuliers et aux organisations de connaître l’empreinte carbone de leurs clients et de la compenser.
L’évaluation ACT® (Assessing low Carbon Transition), développée par l’Agence de la transition écologique (Ademe) en France, offre aux entreprises d’évaluer leurs actions climatiques et d’identifier les stratégies à déployer dans une économie sobre en carbone. Une telle évaluation est désormais proposée au Québec grâce à l’équipe de PME sobre en carbone, co-initiée par Québec Net Positif et le cabinet-conseil CCG. Pour les entreprises de moins de 100 employés, 2500 $ sont requis pour le diagnostic.
Pour les organisateurs d’événements ou les hôteliers, seule la certification de la Clé verte est accréditée et reconnue par le Global Sustainable Tourism Council (GSTC). Des outils pratiques et des conseils personnels sont disponibles pour gérer et améliorer l’impact environnemental de son organisation ou de son congrès.
Voici quelques exemples pour réduire son empreinte carbone.
En milieu urbain
Optimiser le transport public et développer plus de voies piétonnes et cyclables sont le nerf de la guerre pour diminuer ses émissions de CO2. Copenhague, au Danemark, véritable leader en la matière, a remporté le titre de meilleure ville cyclable par les experts américains de Treehugger. Ce moyen de déplacement fait partie de l’ADN de la capitale danoise où le tiers de ses 700 000 citadins se côtoient chaque jour sur un réseau de 350 km en pistes cyclables. Le métro et le train viennent compléter cette offre de transport écologique.
En 2014, la ville de Barcelone faisait face à de sérieux problèmes de pollution de l’air et n’arrivait pas à satisfaire aux objectifs fixés par l’Union européenne. En 2017, le projet d’urbanisme des superblocks a été initié afin d’améliorer la qualité de l’air. Il s’agit de « miniquartiers » de 9 îlots urbains où l’accès aux véhicules est limité et où l’espace est dédié aux piétons et aux vélos.
Source : Vox, Youtube
À Paris, après avoir interdit les véhicules motorisés polluants et transformé les abords de la Seine en parc linéaire, un nouveau concept a vu le jour en 2020 : « La ville du quart d’heure ». L’idée est de répondre à tous les besoins essentiels des résidents dans un rayon de 15 minutes à pied et, ainsi, diminuer leurs déplacements et leurs émissions de CO2. Une autoroute pour vélos a même été développée pendant la pandémie afin de faciliter la circulation dans le Grand Paris. Ce projet sera pérennisé grâce à un investissement équivalent à 44 millions de dollars canadiens.
À l’échelle d’une entreprise, les hôteliers pourraient donner un abonnement Bixi journalier à leurs clients ou inclure un titre de transport en commun valide pour 24 heures. Ainsi, un mode de vie actif et misant sur la proximité peut venir enrichir l’expérience du visiteur et réduire son impact environnemental.
En transport
La compagnie aérienne KLM, pionnière en développement durable dans son industrie, a lancé en 2019 une campagne pour amener les gens à voyager de façon responsable. Elle est la première entreprise de ce secteur à suggérer à ses clients de privilégier d’autres moyens de transport comme le train pour de courtes distances, ou même de les encourager à ne pas se déplacer si les réunions d’affaires peuvent se faire en vidéo.
Source : KLM, Youtube
À destination
Une fois à destination, des agences de voyages peuvent favoriser le tourisme lent et des itinéraires de proximité. C’est le cas de l’entreprise québécoise Karavaniers qui propose à ses clients de passer plus de temps dans une même région pour s’imprégner des cultures locales.
Les organisations de gestion de la destination (OGD) ont aussi un rôle à jouer pour promouvoir les expériences de leur territoire aux citoyens. En France, l’Office de Tourisme Aunis Marais Poitevin a développé un site Web s’adaptant à deux publics : les visiteurs et les résidents. Sur la page d’accueil, un bouton permet de sélectionner « on arrive » ou « je suis d’ici ». Cette dernière option met de l’avant le tourisme local en faisant la promotion des restaurants, des producteurs locaux et des activités se trouvant à proximité pour réduire les déplacements.
Dans la restauration et l’hôtellerie
Un des principaux moyens utilisés pour réduire l’empreinte carbone dans ces deux secteurs clés est l’approvisionnement responsable. La jeune pousse Arrivage l’a bien démontré grâce à sa plateforme permettant de couper les intermédiaires dans la chaîne logistique et de favoriser les échanges directs entre les producteurs et les restaurateurs. Des produits frais font le bonheur des clients, en plus de valoriser l’achat local. Pour plus d’exemples, consultez cette analyse.
Être carboneutre vs carbonégatif
Réduire son empreinte carbone, c’est bien. Être carboneutre, c’est très bien, et être carbonégatif, c’est encore mieux !
« Être carboneutre est l’état d’une organisation ou d’un particulier ayant réussi à réduire ses émissions de gaz carbonique (CO2) à zéro ou à compenser celles qui n’ont pu être réduites. » – Carboneutre Québec
L’entreprise Natural Habitat Adventures, située au Colorado, devient en 2007 le premier voyagiste carboneutre au monde. La totalité du CO2 produit au cours des opérations internes et lors des voyages des employés est réduite ou compensée. Depuis 2019, tous les vols et les activités des clients à destination sont aussi carboneutres.
L’agence de voyages australienne Intrepid Travel va encore plus loin dans sa démarche. En 2019, elle annonçait son intention de devenir carbonégatif, c’est-à-dire d’absorber davantage de CO2 que le taux émis. Pour ce faire, Intrepid Foundation, The Climate Foundation et l’Université de Tasmanie travaillent à recueillir l’équivalent de 325 000 $ canadiens pour développer la première plateforme flottante d’algues au large de la Tasmanie. Cette dernière pourra ainsi protéger la faune marine pendant que les coraux et les algues absorberont une quantité importante de dioxyde de carbone. Leur implication dans le déploiement d’énergie éolienne en Inde ou la reforestation de l’île de Bornéo, située en Asie du Sud-Est, sont quelques-unes des autres initiatives mises de l’avant. L’entreprise a également reçu le titre de la plus grande agence certifiée BCorp au monde. Un minimum de 80 critères doit être atteint dans les trois sphères du développement durable pour obtenir cette certification.
La compensation carbone, la solution facile ?
La compensation carbone doit être utilisée en dernier recours. Les gestionnaires ont la responsabilité sociale et environnementale de travailler à diminuer les gaz à effet de serre produits à même leur entreprise et résultants de ses activités touristiques. Par la suite, ils peuvent penser à compenser les émissions ne pouvant être enrayées.
Et vous, quels moyens avez-vous mis en place pour réduire votre empreinte carbone ?
Image à la Une : Pexels