Les planètes s’alignent vers la carboneutralité, mais une grande part des voyageurs est encore en orbite. Voici quelques tendances qui inspireront vos prochaines orientations vers un tourisme durable.
Des entreprises exemplaires par centaines
Les Nations Unies (ONU) l’ont confirmé à Glasgow en 2021 : pour éviter un réchauffement climatique de 2 degrés, le monde entier doit atteindre le « net zero » (la carboneutralité) d’ici 2050.
Atteindre globalement la carboneutralité signifie que les forces vives de toutes industries devraient travailler à mesurer leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), à les réduire et à compenser celles qui n’ont pu l’être. L’ONU encourage aussi à mettre en œuvre des méthodes d’absorption du dioxyde de carbone (CO2) déjà présent dans l’atmosphère (carbopositif).
Selon un rapport de l’Université d’Oxford, les deux tiers des secteurs économiques mondiaux se sont engagés dans un objectif de carboneutralité d’ici 2050. Le tourisme en fait partie, comme le suggère le guide A Net Zero Roadmap for Travel and Tourism du World Travel and Tourism Council, publié en novembre 2021.
L’initiative Tourism Declares Climate Emergency représente un bon exemple de cette récente mobilisation de l’industrie touristique. Il s’agit d’une coalition d’organisations du secteur qui promettent de publier leurs cibles de réduction au plus tard 12 mois après avoir rejoint le groupe. Ce dernier a été créé le 14 janvier 2020 et compte deux ans plus tard quelque 230 membres à travers le monde.
En 2021, de grands joueurs comme Booking.com et Bidroom ont, entre autres, incorporé des icônes sur leurs plateformes respectives, indiquant quelles entreprises réduisent et compensent leurs émissions.
Au Québec, des entreprises comme l’agence de voyages Passion Terre, Contact Nature et le Palais des congrès de Montréal pavent la voie avec des objectifs de réduction d’envergure et des retombées locales mesurables. Ces organisations pionnières en pratiques durables vont mener le bal de la concurrence d’ici 2025, principalement en ce qui concerne l’obtention de financement.
Déjà, dans la province, la stratégie pour un tourisme responsable et durable 2020-2025 du ministère du Tourisme prévoit « des incitatifs afin que les forfaitistes et les agences de voyages proposent une offre touristique à faible empreinte carbone ».
Ces signaux indiquent qu’en 2022, le nombre d’entreprises touristiques qui calculeront et réduiront leurs émissions de GES devrait continuer de grimper.
Des clientèles aux intentions durables, mais réfractaires au changement
D’après une enquête en ligne réalisée par la Chaire de tourisme Transat en décembre 2021 auprès de 1 206 voyageurs québécois, 60 % des répondants disent souhaiter voyager de façon plus responsable et un répondant sur deux affirme être prêt à modifier ses habitudes de voyage, si cela peut aider à réduire son empreinte carbone. Par contre, seul le quart se sent prêt à payer des frais additionnels pour compenser ses émissions de GES, une proportion non négligeable, mais encore faible.
Les entreprises touristiques qui génèrent des retombées locales, ou qui ont des politiques d’approvisionnement local, se voient accorder par les voyageurs un certain avantage concurrentiel. Selon les données colligées par la Chaire, pour un même prix et pour une prestation de service touristique similaire, près d’un répondant sur deux privilégierait les entreprises qui s’affichent comme telles. Celles qui réduisent leurs déchets ou qui sont impliquées dans la protection et la préservation de la faune et de la flore se distinguent également positivement, les voyageurs accordant aussi à ces pratiques une importance certaine.
La sensibilisation influence les actions
La popularité limitée de la compensation carbone (voir infographie précédente) se justifie fort probablement par un manque de compréhension de cette notion. En effet, en réponse à une autre question du sondage qui présente une liste de cinq concepts reliés au tourisme durable, la compensation carbone demeure celui que les répondants connaissent le moins, avec seulement 25 % d’entre eux qui se disent assez à l’aise et 8 %, tout à fait à l’aise de l’expliquer. Cela dit, ces derniers sont significativement plus enclins à payer des frais additionnels pour compenser les émissions liées à leur voyage, comparativement à ceux qui n’y sont pas familiers (40 % c. 17 %). Sans surprise, ils sont aussi plus nombreux à avoir déjà compensé leurs émissions (17 % c. 7 %).
Malgré tout, plusieurs perceptions freinent l’adhésion à des pratiques de voyage durables et responsables. L’impression que les coûts sont plus élevés représente de loin la plus forte résistance aux choix écoresponsables, et ce, pour les deux tiers des répondants. La perception d’une offre lacunaire en matière d’options durables, ainsi qu’un manque de connaissance des principes de base, sont des préoccupations de second ordre, mais qui demeurent toutefois répandues (chez 41 % des répondants).
Fait intéressant, les répondants qui ne se considèrent pas freinés par des coûts plus élevés sont aussi d’avis qu’il y a un manque d’offre. Ainsi, même les voyageurs québécois qui seraient prêts à payer pour des options durables conservent pour certains l’impression que la sélection demeure limitée.
Transparence et informations claires
Les voyageurs québécois accordent de l’importance aux retombées locales, mais en connaissent peu sur la compensation carbone et sur l’offre réelle en tourisme durable. Ces obstacles rappellent l’importance de communiquer ses pratiques et leurs impacts potentiels dans un langage clair, voire pédagogique. Par exemple, Google Flights a commencé l’an dernier à informer sa clientèle sur les émissions de GES des vols en une seule étiquette, juxtaposée au prix du billet. Cliquer sur le libellé fait apparaître une comparaison toute simple avec les GES produits en moyenne pour un trajet semblable. Les estimations d’émissions tiennent compte de l’origine et de la destination du vol, du type d’appareil et du nombre de sièges dans chaque classe.
Compenser peut favoriser des retombées locales positives
Comme le premier domino d’une rangée, inclure le montant de la compensation des émissions directement dans le prix, tel que le fait l’agence québécoise Karavanier depuis 2008, peut générer des retombées locales positives. Par exemple, le Fonds Plein air 1 % pour la planète a redonné 45 000 $ à des organismes québécois de protection de la faune et des écosystèmes. Les entreprises membres d’Aventure Écotourisme Québec (dont Karavanier) y participent en reversant 1 % de leur chiffre d’affaires. Ce programme compte 19 inscrits depuis sa création en 2020. D’autres exemples de la sorte s’observaient à l’international en 2021, comme la nouvelle initiative de compensation de Key Travel et Expedia.
Ainsi, suivant les objectifs de développement durable des Nations Unies, les tendances des grands joueurs et les attentes des voyageurs québécois, les entreprises qui se démarqueront en 2022 seront celles qui calculeront et réduiront leurs émissions de GES, qui miseront sur les retombées locales et qui communiqueront leurs pratiques dans le but de faciliter la recherche d’options durables pour la clientèle.
Les informations clés comme la quantité de carbone émis par l’organisation et par les visiteurs, les retombées sociales et environnementales des activités et les actions priorisées pour les générer seront convoitées par les voyageurs québécois.
Saurez-vous leur montrer le chemin?
Image à la une : Unsplash
Cet article fait partie du cahier des perspectives touristiques 2022 réalisé par l’équipe de la Chaire de tourisme Transat.