« Du plaisir ! C’est bien tout ce que je veux ! Du plaisir ! », chantait Don Juan. Le plaisir que procurent les voyages ne s’explique pas, il se vit. La volonté de réaliser des déplacements touristiques est très forte.
Mais, au grand dam du célèbre séducteur, voyager exige plus d’efforts qu’avant ! C’est, du moins, l’avis de près des 2/3 des voyageurs québécois sondés par la Chaire de tourisme en novembre 2022. Les délais d’attente de plusieurs jours devant les bureaux de Passeport Canada à l’été 2022 ou encore la situation chaotique vécue à cette même période dans de nombreux aéroports à travers le monde en sont des exemples probants.
Une reprise bien sentie
À l’automne 2022, Destination Canada estimait que le pays était en bonne posture pour que le tourisme d’agrément renoue, en 2024, avec les résultats de 2019. Ceux du marché intérieur devraient être atteints en 2023. Si la tendance se maintient, les dépenses des voyageurs américains au pays dépasseront celles de 2019 en 2024. Les revenus provenant des autres marchés étrangers pourraient tarder jusqu’en 2026 pour se rétablir complètement. Parmi les causes de ce retard anticipé, mentionnons, entre autres, la récession économique en Europe, les mesures particulières imposées aux Chinois pour entrer au Canada et les réticences de certains marchés asiatiques à reprendre les voyages à l’international.
La firme en intelligence d’affaires Skift évalue aussi que la plupart des régions du monde sont en voie de retrouver les niveaux de performance de 2019, avec l’Amérique du Nord en tête et l’Asie-Pacifique en queue de peloton. Les secteurs d’activité qui s’en remettent le mieux sont ceux des locations de vacances et de l’hôtellerie. Le transport aérien peine toutefois à remonter la pente, notamment à cause de problèmes de logistique et de pénurie de main-d’œuvre.
Sur le plan des voyages d’affaires, ce sont les petites et moyennes entreprises (PME) qui contribuent le plus à la reprise du secteur. La plus grande société en gestion de voyages d’affaires, Amex GBT, évalue que les réservations effectuées au 3e trimestre de 2022 par les PME représentaient 80 % de celles enregistrées en 2019, soit 19 points de pourcentage au-dessus de celles réalisées par les multinationales.
Prix à la hausse
La majorité des voyageurs québécois sondés par la Chaire estiment que le contexte économique actuel représente un frein pour les voyages dans les années à venir.
Bien que les restrictions de voyage soient pratiquement toutes levées et que la pandémie se résorbe à peu près partout sur la planète, d’autres facteurs pourraient restreindre l’envie de voyager. L’invasion russe en Ukraine crée des tensions géopolitiques et suscite des craintes quant à la stabilité de nombreux pays. Ce conflit a généré une forte augmentation des coûts de l’énergie et ainsi contribué à une inflation galopante.
Au Canada, l’Indice des prix à la consommation a crû de 6,8 % durant l’année 2022. Il s’agit d’un sommet en 40 ans. À cela s’ajoutent les hausses successives des taux d’intérêt qui créent une forte pression sur les détenteurs de prêts hypothécaires. Cette augmentation du coût de la vie se reflète dans le budget discrétionnaire des ménages. Celui-ci s’érode, et des choix s’imposent quant aux façons de le dépenser. La majorité des voyageurs québécois sondés par la Chaire estiment d’ailleurs que le contexte économique actuel représente un frein pour les voyages dans les années à venir.
Pénurie de main-d’œuvre
Les enjeux de main-d’œuvre apportent aussi leur lot d’inconvénients. De nombreux voyageurs québécois ont vécu des irritants liés à la pénurie de personnel durant leurs séjours dans la province à l’été 2022. Ces situations ont affecté la qualité de leurs expériences, du moins pour la forte majorité d’entre eux. Et cette problématique n’est pas sur le point de se résorber, compte tenu, entre autres, du départ massif à la retraite des baby-boomers au cours des prochaines années.
Crise climatique
Huit milliards d’humains se partagent désormais la planète bleue et ses ressources. Ils sont nombreux à pouvoir témoigner de l’augmentation et de l’intensification des changements climatiques et des conséquences qui en résultent.
Dans un tel contexte, les consommateurs, de plus en plus informés, ne peuvent faire fi de leur empreinte carbone et de leur impact sur le milieu d’accueil. En ce sens, seulement 26 % des voyageurs sondés par la Chaire mentionnent que les changements climatiques les poussent à changer leur façon de voyager. Voilà qui illustre la dichotomie du voyageur entre le bien de la planète et son propre bien-être. Cette donnée doit être incluse dans les réflexions sur la transition durable.
Forte envie de voyager
Le désir de voyager surpasse les contraintes externes : quelque 89 % des voyageurs québécois envisagent d’effectuer au moins un séjour avec nuitée en 2023. Et cet appétit du voyage n’est pas exclusif aux Québécois. Une étude réalisée pour le compte du groupe Expedia auprès de 11 000 adultes provenant de 11 marchés géographiques, dont le Canada et les États-Unis, révèle que 46 % d’entre eux estiment que les voyages ont une plus grande importance qu’avant la pandémie.
La flexibilité que permet le télétravail ouvre également de belles possibilités de voyage jumelé à des déplacements professionnels. Il pourrait s’agir d’une avenue qui contribuera positivement aux retombées économiques du tourisme d’affaires.
Au Québec, 19 % des voyageurs sondés par la Chaire ont effectué un déplacement professionnel d’au moins une nuitée au Québec entre novembre 2020 et 2022. De ce nombre, 34 % ont prolongé leur déplacement d’affaires dans la province pour des fins de loisirs ou d’agrément (bleisure). En 2023, la moitié de ces voyageurs d’affaires (52 %) projette de prolonger un voyage grâce au travail à distance.
Se faire plaisir
Selon les données colligées par l’organisme Euromonitor International, les consommateurs en 2023 seront friands de nouvelles expériences et d’activités permettant des interactions sociales ; les voyages en font partie. Le concept de bien-être et l’idée de se faire plaisir, de prendre soin de soi et de profiter de la vie semble prendre de l’ampleur.
Bien que 71 % des voyageurs québécois sondés par la Chaire aiment avant tout découvrir les attraits et activités incontournables, la plupart s’intéresse plus qu’avant aux voyages dans des endroits peu achalandés. La firme Skift souligne que de plus en plus de milléniaux chercheront des expériences de voyage que leurs proches ne connaissent pas. Et cette cohorte démographique, qui devient la plus importante aux États-Unis en termes de nombre et de pouvoir d’achat, exerce une forte influence sur les organisations.
2023 : un nouveau point de départ ?
Pour se positionner avantageusement, les entreprises touristiques doivent notamment déployer des actions qui montrent leur engagement à développer un tourisme plus durable et responsable sans trop de friction, à prendre soin de leurs employés comme de leur clientèle et à offrir un service impeccable en ligne comme sur place. Les collaborations seront de mise afin de répondre à ces différents impératifs.
Les cinq grandes tendances formulées par l’équipe de la Chaire de tourisme illustrent les phénomènes observés et qui sont appelés à prendre de l’ampleur au cours des prochaines années. Issues, entre autres, de l’exercice de veille, elles sont aussi documentées par un sondage réalisé en novembre 2022 auprès d’un panel de voyageurs québécois. Ces données toutes fraîches permettent de cerner l’état d’esprit des voyageurs dans le contexte actuel. Et celui-ci se transforme rapidement.
Dans ces circonstances, la reprise du rythme de croisière de 2019 est-elle l’idéal à atteindre ? Et si 2023 devenait un nouveau point de départ ?
Image à la une : Unsplash
Les statistiques sur les voyageurs québécois présentées dans ce texte proviennent d’un sondage mené par la Chaire de tourisme Transat du 21 au 25 novembre 2022.
Cet article se retrouve dans le Cahier Tendances 2023 réalisé par l’équipe de la Chaire de tourisme Transat.