Réduire son empreinte, éduquer, sensibiliser et investir… Et si l’industrie touristique faisait partie de la solution pour restaurer la biodiversité ?
L’interdépendance du tourisme et de la nature
Selon le World Travel and Tourism Council (WTTC), le tourisme est l’un des six secteurs économiques dont plus de 80 % des produits et services dépendent fortement de la nature, qu’il s’agisse des ressources nécessaires à leur fonctionnement ou encore parce qu’ils sont liés au plein air. En fait, plus de la moitié de la demande touristique est motivée par le désir d’aller en nature. Celle-ci constitue ainsi la ressource première d’une grande partie de l’industrie.
Parallèlement, les efforts de conservation, la création de parcs et d’aires protégées sont alimentés, entre autres, par les revenus touristiques et les visiteurs. Cette interdépendance positionne le secteur du tourisme comme un joueur indispensable dans la protection de la biodiversité.
Le déclin de la biodiversité
Selon le rapport Planète Vivante 2022 du Fonds mondial pour la nature (WWF), les populations d’espèces animales ont connu une baisse de 69 % en moyenne en moins de 50 ans. Ce déclin de la biodiversité est attribuable, en grande partie, à une utilisation et à une exploitation non durable des ressources naturelles. C’est notamment le cas avec la transformation d’écosystèmes sur terre ou en mer, la surconsommation des ressources comme l’eau et les sols fertiles, les émissions de polluants et la formation de déchets. L’industrie touristique y contribue.
Rappelons qu’en regard du programme 2030 de développement durable de l’ONU signé en 2015 par les États membres, la décennie 2020-2030 doit être composée d’actions intenses pour l’atteinte des 17 objectifs de développement durable, dont les deux suivants :
Des objectifs interdépendants
Parmi les 17 objectifs de développement durable de l’ONU, ceux qui concernent la biodiversité sont fondamentaux et inhérents à l’atteinte des impératifs sociaux et économiques. L’image suivante illustre cette dépendance. Tout repose d’abord sur le succès des mesures environnementales.
L’approche Nature Positive
Le WTTC souhaite que l’industrie touristique devienne un exemple à suivre en matière d’intégration de bonnes pratiques pour la sauvegarde et la restauration de la biodiversité. Pour ce faire, il publie un rapport ainsi qu’un guide : Nature Positive Travel & Tourism. L’approche Nature Positive consiste à engager le secteur privé à adopter des valeurs et des méthodes visant à cesser les dommages faits à la nature et à renverser la tendance, à réparer les torts et même à enregistrer une progression de la biodiversité à compter de 2030 (voir l’image ci-dessous).
Le rôle essentiel du tourisme
Le tourisme doit faire partie des solutions pour restaurer la biodiversité. Il convient de mettre l’accent sur des activités touristiques qui ne minimisent pas uniquement les dégâts aux écosystèmes, mais qui font la promotion de leur restauration. À cet effet, le guide du WTTC, qui s’adresse aux instances publiques ainsi qu’aux entreprises, comprend une feuille de route en 4 phases et des actions concrètes à entreprendre pour adopter l’approche Nature Positive :
Phase 1. Évaluer et définir: comprendre les liens de l’entreprise avec la nature et ses ressources, de même que les impacts et les indicateurs pour les mesurer.
Phase 2. Réduire et restaurer : évaluer comment réduire les impacts sur la biodiversité et quelles actions mettre en branle. Exemple : informer les visiteurs sur les enjeux de la protection des animaux et de la nature et sur les activités à éviter.
Phase 3. Surveiller et signaler : suivre les indicateurs et l’impact des actions déployées.
Phase 4. Collaborer et communiquer : maximiser ses actions en collaborant avec d’autres organisations.
Voici quelques initiatives inspirantes visant à endiguer le déclin de la biodiversité.
Observation de l’ours et conservation
En Colombie-Britannique, la Commercial Bear Viewing Association (CBVA) a mis sur pied un programme visant à collecter des fonds pour des projets de protection des populations d’ours et de leur habitat. Les opérateurs touristiques qui proposent l’observation de l’ours sont invités à verser une part de leurs profits et ainsi participer à protéger la ressource même à l’origine de leur commerce. Le programme Conservation Licence Fee (ou Bear Viewing Licence) a amassé quelque 300 000 $ en trois ans.
Création d’un corridor écologique
En juillet 2022, la Société pour la nature et les parcs (SNAP) annonçait le lancement d’un projet pilote avec la Fiducie de conservation des écosystèmes de Lanaudière et Loisirs et Sports Lanaudière en créant le Corridor du Canyon de la rivière Noire. Celui-ci sera formé d’une suite de territoires protégés le long de la rivière Noire reliant deux parcs régionaux, le parc régional des Sept-Chutes, à Saint-Zénon, à celui des Chutes-Monte-à-Peine-et-des-Dalles, à Saint-Jean-de-Matha.
Ce corridor abrite des espèces en situation précaire comme la tortue des bois et la grive des bois, ainsi que des espèces typiques de la région comme le lynx du Canada et le pékan. La protection de cette bande crée un axe de déplacement naturel à la faune sur 50 km de long et 3 km de large tout en déployant un terrain de jeu de près de 23 000 hectares pour les amateurs de plein air.
Fonds 1 % pour la planète
Le collectif international 1 % for the Planet rassemble des entreprises, des associations et des particuliers qui s’engagent à remettre 1 % de leurs revenus à des projets environnementaux. En 2020, le regroupement Aventure Écotourisme Québec (AEQ) se joint au mouvement et invite ses membres à verser 1 % de leurs ventes au Fonds plein air 1 % pour la planète. Parmi les projets soutenus par ce fonds, mentionnons, entre autres, l’implantation d’une plateforme d’identification des mammifères marins et une campagne pour faire inscrire la rivière Magpie comme Aire du patrimoine autochtone et communautaire.
Priorité : protéger la ressource
Renverser la tendance de la dégradation de la biodiversité, tel que l’envisage le World Travel and Tourism Council, est une proposition audacieuse, mais nécessaire. L’industrie touristique est-elle en mesure d’endosser un tel rôle ? Elle pourrait certainement y contribuer, tout comme le démontre un nombre grandissant d’organisations.
Image à la une : Unsplash