Les résidents, ces consommateurs touristiques 

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Maïthé Levasseur Maïthé Levasseur

Le résident s’avère un grand consommateur de l’offre touristique. Ses attentes et sa satisfaction ne seront pas les mêmes que les touristes face à certaines expériences, d’où la nécessité de le connaître et de communiquer d’une façon porteuse de sens pour lui.

La septième rencontre des Francophonies du e-tourisme (#FET7) s’est déroulée en juin dernier à l’île de La Réunion dans le cadre de la semaine du e-tourisme #ETRUN. Une vingtaine d’experts de la Belgique, de la France, de la Suisse et du Québec se sont penchés sur la relation entre la destination et ses résidents.

 

 

 

 

Quelques aspects de cette relation ont récemment été résumés par des participants :

Sans nul doute, les résidents jouent un rôle de plus en plus important — et conscient — dans l’offre touristique. Les participants ont abordé un autre aspect de ce rôle : les résidents en tant que consommateurs. Un stimulant échange entre Pierre Eloy, Bouahkem Rekkas, Agnès Lavaud, Pierre Bellerose et moi-même mettant en lumière les particularités de cette clientèle et son importance.

(Ne pas) définir le résident

Le premier exercice du groupe a été de tenter de définir le résident. Échec. Se limiter à une définition unique et géographique s’avère trop limitatif et ne tient pas compte de comportements semblables pour divers segments. Visiter une destination et ses attraits tout en étant en terrain connu est un comportement susceptible de s’appliquer tant à celui qui :

  • habite le territoire (où, encore une fois, la définition de celui-ci est variable) toute l’année ou de manière temporaire ;
  • a développé un fort sentiment d’appartenance à la destination ;
  • vit aujourd’hui ailleurs et rentre chez lui pour des vacances (diaspora) ;
  • visite le territoire pour une énième fois (récurrence de consommation).

Le client sous-estimé

En tentant d’établir le poids relatif de la clientèle locale dans l’industrie touristique, deux constats émergent :

  • Elle est peu considérée par les instances touristiques.

Les sommes allouées à la promotion auprès des résidents sont généralement très faibles. Les messages communicationnels ne s’adressent pas à eux, les propositions ne tiennent pas compte de leurs envies et réalités et ils ne sont parfois même pas comptabilisés dans les statistiques officielles. Enfin, les programmes d’aide et de subvention à l’industrie touristique se basent sur des informations excluant souvent la clientèle locale, ce qui n’encourage pas les gestionnaires touristiques à les attirer. Par définition, les organisations touristiques s’adressent aux touristes. Cela semble normal, et pourtant…

  • Bien que variable d’une destination à l’autre, leur poids est immense.

L’exemple de la Montérégie au Québec est probant : 32 % des visiteurs résident dans cette même région et 91 % proviennent d’une couronne géographique allant jusqu’à 159 kilomètres. Autre indice : les locaux représentent 38 % de l’achalandage des attraits et 62 % pour les festivals ou événements membres de la Société des Attractions Touristiques du Québec et de Festivals Événement Québec.

Pour un milieu insulaire éloigné comme l’île de La Réunion, les recettes touristiques provenant des locaux sont le double de celles issues des clientèles extérieures (qui incluent d’ailleurs les visites de parents et d’amis). Quelque 46 % des séjours des résidents incluent de l’hébergement commercial.

Une fois ces prémisses posées, quoi faire ?

Connaître le client local : se doter d’indicateurs sur son profil, ses pratiques, ses motivations, sa satisfaction. Un récent sondage auprès de cette clientèle à La Réunion a permis de constater que la satisfaction des insulaires était généralement moins élevée que celle des touristes extérieurs concernant certains aspects. La prise de conscience de ces informations permet de mieux y répondre.

Développer la fierté pour le territoire et inciter à exprimer le plaisir d’être un voyageur local. Plusieurs destinations œuvrent à développer ce sentiment d’appartenance, d’ailleurs bénéfique à l’attractivité générale et faisant partie de démarches de marketing territorial. Cette fierté peut se traduire aussi par la valorisation des métiers du tourisme comme le fait le Domaine Château-Bromont en renommant plusieurs de ses catégories d’employés.

 

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Source : Domaine Château-Bromont

Adopter une communication adaptée. Le message et les outils pour bien communiquer avec cette clientèle déjà bien informée et récurrente ne peuvent être identiques à ceux visant une clientèle touristique. Les 10 incontournables sont déjà bien connus des résidents. Une correspondance plus régulière dévoilant des pépites et des secrets bien gardés s’avère plus susceptible de les intéresser. L’organisation de gestion de la destination de Lyon publie deux fois par an le guide Collector qui suggère de bonnes adresses à l’intention des citoyens et des visiteurs.

fet7_collectorSource : Only Lyon

Améliorer les infrastructures et développer des produits qui répondent à leurs besoins. Les acteurs du tourisme devraient se poser la question : en fonction de leurs comportements et de leurs pratiques propres, quelles améliorations pourraient être apportées ? Par exemple, les Réunionnais affectionnent particulièrement les pique-niques le week-end. Il y a tout lieu de développer et d’entretenir des kiosques couverts, des espaces dédiés et des toilettes publiques. Réunir dans un même lieu le centre d’information touristique de la Montérégie et la SAQ se révèle aussi une bonne idée. Pierre Bellerose mentionne : « Il n’y a pas de produit touristique, il y a des produits locaux qui rayonnent. ». En d’autres mots, ce qui sera bon pour le résident le sera aussi pour le voyageur.

Porter une attention particulière à la qualité de service et à la fidélisation. Les attentes des résidents visitant des attraits près de chez eux sont particulièrement hautes. Tout effort pour rehausser l’accueil aura nécessairement une incidence positive pour les touristes aussi. Les programmes d’avantages et de rabais pour la clientèle locale sont de bonnes pratiques. En plein essor au Québec, l’entreprise M ta région s’inscrit parfaitement dans cette valorisation du tourisme de proximité et de la fidélisation. 

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Source : M ta région

Dynamiser et hybrider les offres ! Rien de mieux que la rencontre de touristes et de résidents pour une expérience réussie de part et d’autre. De plus en plus d’hôteliers organisent des événements s’adressant autant à ces deux clientèles, comme Mob Hotel of People qui tente de recréer des lieux de vie en organisant des concerts ou d’autres événements. La boutique Mazette, de l’office de tourisme du Cap Ferret en Nouvelle-Aquitaine, est si bien pensée qu’elle est un incontournable pour la population locale.

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Source : Mazette — Cap Ferret  

Redistribuer les cartes $$. N’y a-t-il pas lieu de repenser la distribution des budgets entre les sommes consacrées à la promotion auprès des marchés extérieurs, celles dédiées au développement et à la structuration ainsi que celles — souvent infimes — allouées à la promotion auprès d’une clientèle locale ?

Plus qu’une clientèle, de futurs ambassadeurs

L’évolution de l’homotouristicuslocalus semble suivre une évolution intéressante. Comme l’illustre l’image ci-dessous, il est souvent ignoré par les instances touristiques, mais il existe bel et bien. Il s’avère en fait un grand consommateur, récurrent et à l’année. Ce résident qui profite de l’offre touristique des alentours devient ainsi un bon ambassadeur de son territoire. Certains vont même jusqu’à cocréer l’offre en entrant en relation avec les clientèles touristiques et en proposant des expériences. L’industrie touristique y a tout à gagner !

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Participants à l’atelier :