La tendance des jeux d’évasion: impossible d’y échapper

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Chantal Neault Chantal Neault

Véritable tendance dans le monde du divertissement, le jeu d’évasion s’est propagé dans les musées, les lieux historiques ou patrimoniaux et dans de nombreux autres attraits. Il est devenu un moyen innovant de valoriser un site touristique.

De quoi parle-t-on ?

Le concept du jeu d’évasion grandeur nature est calqué sur le modèle des jeux vidéo japonais d’Escape Room. Il s’agit d’un jeu au scénario subtil, où une équipe, généralement de deux à six joueurs, doit résoudre des énigmes pour s’échapper d’une pièce dans le temps octroyé. Chaque pièce possède son histoire et chaque histoire, ses énigmes. Sans surprise, les premiers jeux d’évasion grandeur nature ont vu le jour au Japon en 2007, puis à Budapest (2011), Londres (2012) et Paris (2013). Aujourd’hui, il en existe plus de 2600 répartis dans 60 pays et il s’en crée de nouveaux tous les mois, selon Adam Clare, auteur du livre « Escape the game ». Le site Wescape recense 350 jeux d’évasion en France seulement et now escape en dénombre 196 au Royaume-Uni.

Valorisation de l’offre

Constatant l’engouement des gens pour les jeux d’évasion grandeur nature, plusieurs sites, musées ou attraits se sont lancés dans l’aventure et proposent des expériences variées afin d’attirer une nouvelle clientèle. Ils n’hésitent pas à solliciter les compétences des designers de jeu pour imaginer des scénarios stimulants qui se déroulent dans un environnement parfois surprenant. En voici un aperçu :

  1. Les musées

La mise en place d’un jeu d’évasion est un moyen de construire une expérience immersive autour des expositions, de raconter leur histoire de manière ludique, de permettre aux visiteurs d’explorer, de toucher. Le Musée canadien de la nature à Ottawa propose de parcourir ses galeries à la nuit tombée. Idem pour le Musée d’Aquitaine à Bordeaux qui, l’an dernier, a offert de découvrir ses collections en résolvant des énigmes et des casse-têtes dans des salles plongées dans le noir pour l’occasion.

Comme les jeux d’évasion exigent un scénario captivant pour créer des émotions fortes, certains établissements tels le Musée militaire de Niagara choisissent de travailler avec des étudiants en art dramatique et animation. D’autres misent sur la technologie. C’est le cas de l’Institut Franklin de Philadelphie qui a ouvert deux salles d’évasion permanentes. Pour les aider à résoudre et à activer une série d’indices, de codes, de casse-têtes et de tâches, les visiteurs sont munis de numériseurs à leur poignet.

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Source : The Franklin Institute

  1. Un parc zoologique 

Depuis deux ans, toutes les fins de semaine d’avril, il est possible d’explorer la face cachée du Parc zoologique de Paris qui se transforme en véritable terrain de jeu grandeur nature. Au programme : spectacle immersif entre théâtre interactif et jeu d’évasion avec des comédiens, des décors, des énigmes, des indices et des pièces secrètes. Ce jeu vise à éveiller la conscience du public sur la sauvegarde des espèces et à leur faire découvrir la richesse de la biodiversité locale, de manière ludique et créative.

  1. Une station de ski

La station Val Thorens, dans les Alpes françaises, a créé un jeu d’évasion dans un lieu totalement inusité, mais ô combien emblématique : un téléphérique. À la suite d’une visite guidée de la machinerie servant à opérer cette télécabine, les participants se trouvent enfermés dans l’engin d’où ils ne peuvent ressortir qu’après avoir résolu plusieurs énigmes liées à la montagne.

 
Source : YouTube

  1. Les monuments et les lieux historiques et patrimoniaux 

Au Château de Bienassis, en Bretagne, les joueurs doivent récupérer un trésor et échapper aux deux gardes qui sont à leurs trousses (voir la vidéo ci-dessous). Ce monument historique sert d’admirable toile de fond à ce jeu d’évasion. Autre château, autre jeu : rien ne va plus entre les murs du donjon du Château de Vincennes, ancienne demeure royale devenue prison d’État. Depuis le 14 avril dernier et jusqu’en novembre 2018, le Centre des monuments nationaux présente un jeu d’évasion « historique » théâtralisé où les visiteurs sont invités à déjouer un sombre complot.

 

Source : YouTube

Nul besoin d’être un grand musée national ou un site patrimonial pour créer son jeu d’évasion. À preuve, Pierre et Bertrand Couly, deux vignerons qui exploitent des vins d’appellation Chinon proposent un jeu d’évasion qui se déroule dans leur chai de vinification.

Quelques retombées

Selon Matt Lemercier, dirigeant de Wescape, le taux d’occupation des jeux d’évasion se situe en moyenne autour de 60 % et certains établissements affichent complet les fins de semaine, plus de deux mois à l’avance. 

En Alsace, le parc minier de Tellure a augmenté son chiffre d’affaires et la fréquentation du site grâce au concept du jeu d’évasion où les membres de « L’expédition 52 » partent à la recherche d’un trésor perdu dans les galeries de la mine. En un peu plus d’un semestre, le parc a reçu 400 groupes de cinq personnes en moyenne, soit 2000 clients supplémentaires, souligne Olivier Pépin, chargé de la communication. L’investissement a été rentabilisé en seulement deux mois.

En Seine-Maritime, pendant les week-ends d’octobre, cinq sites et musées ont proposé un jeu d’évasion visant à résoudre une série d’énigmes, cheminant de pièce en pièce pour stopper des fantômes. Ils ont accueilli de 6 000 à 7 000 personnes, soit plus du double des entrées prévues.

Créer son jeu d’évasion

Si ces exemples vous ont convaincu de vous lancer dans l’expérience, voici certains éléments qu’il faut respecter, selon de M. Clare :

  1. Construire la thématique du jeu est plus important que de bâtir l’énigme. Idéalement, dès son entrée dans la salle d’attente, le joueur doit se sentir imprégné du thème. La qualité immersive de la salle dépend du soin apporté au décor.
  2. Créer une ligne narrative progressive. En d’autres mots, construire un bon scénario qui révélera des indices au fur et à mesure de l’avancement des joueurs dans le jeu.
  3. Ne pas excéder 60 minutes.
  4. Atteindre l’équilibre dans la taille du groupe. Selon des recherches effectuées par Scott Nicholson, professeur en conception de jeux et directeur du centre de recherche Brantford Games Network à l’université Wilfrid Laurier, en Ontario, la taille moyenne des groupes devrait se situer autour de cinq personnes.
  5. Laisser gagner l’équipe. Là-dessus, les avis sont divisés. Certains concepteurs pensent qu’il devrait être difficile, voire presque impossible, de s’évader d’une salle, et qu’une expérience vraiment « bonne » nécessitera plus d’une visite. Adam Clare ne partage pas cet avis. Selon lui, les joueurs doivent demeurer optimistes et croire en leurs chances de réussite.
  6. Faire en sorte que la fin soit enrichissante, même si certains joueurs perdent. Par exemple, ramener les joueurs dans la salle d’attente et faire un compte rendu de l’expérience, les laisser s’exprimer sur ce qu’ils ont vécu et examiner où ça a bien été et où ils ont échoué.

Maintenant, à vous de jouer !

 

Source de l’image à la Une : Pexels