Les beaux jours arrivent. Le déconfinement aussi. Celui-ci nécessitera des ajustements pour maintenir la distanciation physique. Des places publiques transformées en terrasse, des trottoirs élargis, des rues dédiées au vélo ; et si ces changements devenaient permanents ?
La vigilance s’impose
Bien que le déconfinement progressif soit en cours à peu près partout dans le monde, la distanciation physique devra être maintenue durant encore plusieurs mois, la saison estivale n’y échappant pas. Un traitement efficace ou un vaccin à la COVID-19 verra possiblement le jour, mais dans un délai qui peut s’étirer jusqu’à un an et demi.
En attendant, la vie reprendra tranquillement. Les résidents voudront profiter du beau temps et, dans un avenir plus ou moins rapproché, des visiteurs s’ajouteront à la population et déambuleront dans les rues. Comment faire pour respecter l’éloignement physique dans un tel contexte ? Par ailleurs, les autorités des grandes villes craignent que les transports en commun soient boudés par les travailleurs de retour au boulot au profit de l’auto solo, un scénario non souhaitable.
L’urbanisme tactique à la rescousse
Comme on l’a vu jusqu’à maintenant, les autorités municipales font preuve d’imagination pour aider les citadins à respecter un certain écart entre eux lors de leurs déplacements. Elles ont recours aux méthodes de l’urbanisme tactique, qui normalement consiste en « des aménagements temporaires qui utilisent du mobilier facile à installer (et à désinstaller) pour démontrer les changements possibles à l’aménagement d’une rue, d’une intersection ou d’un espace public. On peut ainsi montrer comment l’aménagement peut influencer le comportement des usagers. » (Définition élaborée par le Centre d’écologie urbaine de Montréal.)
En effet, comme les trottoirs devant les commerces de proximité tiennent lieu de salle d’attente pour les clients, certaines rues sont amputées de places de stationnement au bénéfice des passants. Mais des villes vont plus loin et prévoient de transformer des voies et des places publiques pour favoriser les déplacements actifs sécuritaires, mais aussi pour accommoder les commerçants.
Vilnius : la ville devenue terrasse
Les restaurants et les cafés, durement affectés par la crise, devront rouvrir tout en respectant les mesures de distanciation physique. La plupart des établissements ne disposent pas de l’espace nécessaire pour rentabiliser un tel aménagement. À Vilnius, en Lituanie, les autorités ont rapidement pallié ce problème en permettant aux restaurateurs et aux exploitants de cafés d’installer des tables sur les espaces publics à proximité de leur commerce et même dans certaines rues. Cette destination gourmande s’est émancipée touristiquement au cours des dernières années, grâce entre autres, à une campagne marketing audacieuse intitulée : « Vilnius, the G-spot of Europe ». Elle doit aujourd’hui se tourner vers les visiteurs « hyperlocaux », comme partout ailleurs.
Source : Go Vilnius
Revoir la vocation des rues
À Bruxelles, le secteur du centre-ville nommé le Pentagone devient provisoirement une zone de rencontres, soit un quartier où les piétons et les cyclistes ont la priorité sur toute la largeur de la voie publique. Les autos peuvent y circuler, à une vitesse maximale de 20 km/h.
La Ville d’Oakland, en Californie, transforme quelque 120 km de rues (près de 10 % de son réseau routier) en voies pour les piétons, les cyclistes et les personnes en fauteuil roulant. L’accès aux voitures est réservé aux résidents et aux véhicules d’urgence.
À Portland, en Oregon, le Bureau des transports lance un plan d’adaptation des rues pour faire face à la crise. L’initiative Slow Streets|Safe Streets prévoit, selon le type de secteur, la fermeture de certaines artères à la circulation automobile, l’élargissement des trottoirs, l’aménagement de pistes cyclables, l’ajout d’espaces pour les piétons aux intersections ou encore la création de zones dédiées aux camions de livraison, etc.
Source : City of Portland
La piétonnisation des rues principales
En Alberta, les élus de Canmore envisagent de piétonniser la rue principale pour une réouverture sécuritaire des commerces en favorisant la distanciation physique des visiteurs. La petite municipalité de 12 000 habitants vibre grâce notamment à la vivacité de sa rue commerçante. En fait, les autorités hésitent à prendre cette décision de peur de créer un achalandage trop élevé. La Ville travaille ainsi de concert avec la Canmore Business Association pour trouver une solution viable pour tous.
Source : Downtown Canmore/Facebook
À Montréal, la promenade Wellington sera piétonne pour la période estivale. Cela facilitera la fréquentation des lieux tout en maintenant une certaine distance entre les marcheurs, mais permettra aussi aux restaurateurs et aux propriétaires de cafés d’agrandir leurs terrasses et ainsi d’accueillir plus de clients.
Offrir la rue pour les déplacements actifs
La mairesse de Paris, Anne Hidalgo, refuse de voir sa ville envahie par les voitures après le confinement. Ce dernier a permis de constater à quel point la cité est apaisée lorsque les autos désertent les rues. Pour favoriser les déplacements à pied et à vélo, la rue de Rivoli, un axe important à Paris, devient presque entièrement dédiée aux cyclistes et aux piétons. Aussi, on prévoit d’ajouter de nouvelles pistes cyclables et d’autres chaussées seront fermées à la circulation automobile, au bénéfice des piétons.
De nombreuses villes américaines comme Boston et Minneapolis choisissent de consacrer certaines rues aux cyclistes et aux piétons. Même New York compte y réserver jusqu’à 160 kilomètres de voies publiques. Seuls les résidents et les livreurs pourront circuler en voiture, à une vitesse de moins de 10 km/h. La vidéo suivante illustre le projet NYC Open Streets :
Source : NYC Dot
Des changements temporaires ?
Cette crise pourrait bien accélérer le processus de réappropriation des centres urbains par les résidents, les piétons et les cyclistes. Certains de ces aménagements éphémères constituent de véritables projets pilotes qui transformeront probablement notre rapport à la ville et pourraient s’inscrire dans la « nouvelle normalité ».
Image à la une : Unsplash