Pénurie de main-d’œuvre : d’une crise à l’autre

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Julie Payeur Julie Payeur

La crise sanitaire accentue les enjeux qui touchent les ressources humaines. Malgré les mesures de soutien gouvernemental, l’impact de la COVID-19 sur le monde du travail se fera sentir à plusieurs niveaux. Entre pénurie de main-d’œuvre et mises à pied temporaires ou définitives, les ressources humaines crient à l’aide !

Impact de la pandémie sur la main-d’œuvre

Selon le Conference Board du Canada, le tourisme au Québec aurait perdu plus de 100000 de ses 400000 emplois en 2020. Cela représente plus de 25% des postes d’avant la crise sanitaire. Il est possible que les pertes d’emplois pour 2020 soient encore plus grandes, comme le souligne le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme. D’après le Conference Board, il faudra probablement attendre jusqu’en 2023 avant de récupérer l’ensemble des emplois. Ces spéculations s’appuient sur des hypothèses comme l’ouverture des frontières en 2021. Précisons que ces analyses ont été produites avant l’annonce des nouvelles mesures de confinement de l’automne. 

Les secteurs de la restauration et de l’hébergement sont particulièrement touchés. D’après les données publiées par Statistiques Canada, recueillies de la mi-septembre à la mi-octobre 2020, deux fois plus d’entreprises de ces secteurs ont licencié des employés que la moyenne nationale 

Les défis à venir

L’industrie touristique passe donc d’une situation où il n’y avait pas assez de travailleurs à une autre dans laquelle il n’y a plus assez d’emplois. Le problème de la pénurie de main-d’œuvre serait-il réglé? Oui… mais non. Explications. 

D’après Anne Bourhis, professeure titulaire au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréalla pandémie ne règle pas le problème de fond de la pénurie de main-d’œuvre. Elle n’élimine pas non plus ce qui la causait, par exemple«le vieillissement de la population active, qui réduit le bassin de travailleurs disponibles et accroît les besoins dans certains secteurs».

 

À court et moyen terme : le difficile retour au travail 

Selon le bilan estival de l’enquêtede la Chaire de tourisme Transat, concernant les impacts de la COVID-19 sur les organisations touristiques québécoises *, les enjeux connus en temps normal par l’industrie touristique en matière de ressources humaines ont persisté, voire empiré, pendant la crise économique et sanitaire. Plus de la majorité des répondants détenant un bassin d’employés confient avoir été préoccupés par le recrutement de leur main-d’œuvre. La PCU, probablement jugée attractive par les travailleurs, semble avoir compliqué les opérations de nombreuses entreprises.  

Selon RH Tourisme Canada, trois à six mois seront peut-être nécessaires pour que les entreprises redeviennent rentables et qu’elles puissent fournir un poste stable lorsqu’elles seront à nouveau autorisées à ouvrir leurs portes. L’organisme suggère de mettre sur pied un incitatif pour les travailleurs et les employeurs qui pourrait aider à faciliter le passage du soutien gouvernemental au retour à l’emploi. 

Un autre enjeu pouvant affecter la disponibilité de la main-d’œuvre en tourisme est le changement de vocation de nombreux travailleurs. La situation des derniers mois a démontré la précarité de plusieurs emplois dans l’industrie du voyage. D’autres vagues sont-elles à prévoir ou de nouvelles crises semblables apparaîtront-elles? Il s’agit de questionnements qui peuvent contribuer à une réorientation de carrière. La perte de la main-d’œuvre qualifiée, c’est la disparition d’une expertise ou de la relève lorsqu’il sera temps de reprendre les activités. 

La perte de la main-d’œuvre qualifiée, c’est la disparition d’une expertise ou de la relève lorsqu’il sera temps de reprendre les activités. 

Il sera également intéressant de surveiller l’impact possible du nouveau Programme d’aide à la relance par l’augmentation de la formation qui vise à fournir une aide financière aux travailleurs affectés par la crise pour se requalifier ou acquérir de nouvelles compétences.  

 

À moyen et long terme : étudier en tourisme, est-ce toujours une bonne idée ? 

La pandémie aura un effet sur la disponibilité de la main-d’œuvre qui sortira de l’école. Lorsque la crise sera derrière nous, l’industrie aura besoin d’une relève efficace, compétente et motivée à participer à la relance. Sera-t-elle au rendez-vous? 

L’enseignement virtuel et à distance a aussi une répercussion sur les étudiants actuels. À titre d’exemple, l’accès aux stages devient difficile. La présence physique est fortement limitée et contrôlée par les mesures sanitaires. De plus, beaucoup d’entreprises sont fermée temporairement et possiblement définitivement 

Miser sur la polyvalence et garder des liens forts avec ses partenaires s’avèrent des ingrédients de la réussite pour les établissements scolaires. Par exemple, lInstitut de tourisme et d’hôtellerie du Québec offre à ses étudiants une semaine de cours avec un enseignant d’une école étrangère et collabore avec des hôtels pour l’intégration de cas réels sur la gestion, l’approvisionnement et l’accueil en période de crise. 

Comme le suggère RH Tourisme Canada, il sera pertinent dans les mois et les années à venir de faire la promotion multisectorielle du tourisme comme domaine d’avenir. Tous les acteurs du milieu devront faire un effort collectif pour attirer une future main-d’œuvre afin de poursuivre et denrichir ses activités et de favoriser la croissance de lindustrie. 

recommandations

Cet article provient du Livre blanc Tourisme 2021 : entre défis et occasions d’affaires. Pour le consulter, cliquez ici. 

Image à la Une : Pexels