Les télétravailleurs se trouvent dans une position fort attrayante pour les entreprises qui cherchent à courtiser de nouvelles clientèles.
Pour saisir les occasions qui émergent de ce segment, il faut comprendre les multiples visages de ceux et celles qui le composent. Il serait judicieux d’identifier leurs besoins et envies ainsi que s’attarder aux périodes clés durant lesquelles ils jouissent d’une flexibilité, et donc d’une réorganisation de leur temps libre. Le potentiel que représente cette clientèle pourrait bien accroître une fois que le contexte pandémique sera terminé, car le télétravail est là pour de bon!
Les voyageurs québécois en situation de télétravail
Selon une enquête en ligne réalisée par la Chaire de tourisme Transat en décembre 2021 auprès de 1 206 voyageurs québécois, 42 % des répondants se trouvaient en situation de télétravail au cours de l’année 2021 (19 % en totalité et 23 % en partie). De ceux-ci, 38 % affirment avoir travaillé hors de leur résidence principale (lire : Les télétravailleurs explorent de nouveaux lieux pour travailler).
L’enquête de la Chaire indique également que près d’un quart (24 %) des télétravailleurs sondés l’ont fait dans leur région, 14 % dans une autre région du Québec, 3 % ailleurs au Canada, 2 % hors du Canada, et seulement 1 % dans un tout-inclus.
Joindre le travail à l’agrément
La ligne qui sépare le travail et la vie personnelle s’estompe depuis l’intégration du télétravail et des horaires flexibles. Cette nouvelle réalité permet à un plus grand nombre de personnes de s’offrir des périodes de loisir à des moments inhabituels et de profiter d’une plus grande mobilité. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs experts s’attendent à une recrudescence des voyages de type workation au cours des prochaines années.
Le workation est une contraction des mots anglais work (travail) et vacation (vacances) et se caractérise par des séjours en télétravail durant lesquels des périodes libres ou des journées de congé sont consacrées aux vacances. Les nomades numériques exploitent depuis plusieurs années ce mode de vie et depuis peu, certains télétravailleurs y prennent part eux aussi.
Pour Brian Chesky, président-directeur général d’Airbnb, la nouvelle organisation du travail aura un impact direct sur le futur du tourisme.
Selon le Skift Research Travel Tracker de septembre 2021, près d’un Américain sur quatre qui était en situation de télétravail déclarait avoir prolongé de plus de dix jours ses vacances grâce au travail à distance. Pour Brian Chesky, président-directeur général d’Airbnb, la nouvelle organisation du travail aura un impact direct sur le futur du tourisme. En se basant sur le comportement de réservation de ses clients, il croit même qu’une certaine révolution est en train de se produire — soit des déplacements plus longs qui imbriquent les dimensions vacances et travail. Entre juillet et septembre 2021, 20 % du chiffre d’affaires de l’organisation a été induit par de longs séjours (plus de 28 jours), représentant une augmentation de 68 % par rapport aux réservations de 2019.
Le secteur de l’hôtellerie observe également ce phénomène et tente de capitaliser sur le volume grandissant de télétravailleurs. Par exemple, c’est le cas du groupe Hyatt avec ces trois forfaits : « Office for the Day (1 journée), « Extended Stays » (+ de 5 nuitées) et « The Great Relocate » (+ de 29 nuitées). De son côté, Marriott propose aussi des séjours prolongés, mais se distingue par l’intégration d’une offre de villas et de maisons de vacances (depuis 2019), ce qui lui permet de faire directement concurrence à Airbnb et VRBO. Hilton courtise également les voyageurs aux longs séjours avec son concept Homewood Suites. Au centre-ville de Montréal, le groupe hôtelier loue 97 appartements équipés (cuisine, laveuse-sécheuse, espaces de rangement) et inclut des services tels que le petit déjeuner, la livraison d’épicerie et une offre de repas prêt-à-manger. Les animaux de compagnie sont également les bienvenus.
Le phénomène du workation est-il adopté par les Québécois?
L’enquête menée par la Chaire de tourisme Transat a permis d’aborder la tendance du workation sous deux angles différents : ceux qui ont effectué un séjour spécifiquement pour faire du télétravail (16 % des télétravailleurs) et ceux qui prolongent un séjour d’agrément pour ensuite exercer leur profession à distance (13 % des télétravailleurs sondés). En 2021, 85 % des répondants qui ont fait un séjour de télétravail en ont fait un au Québec. Ils ont réalisé en moyenne 4,9 séjours, ce qui représente 12 nuitées attribuables au workation dans l’année.
Les adultes âgés de 25 à 34 ans adhèrent davantage au phénomène du workation. Une forte proportion possède un diplôme universitaire et près de la moitié jouit d’un revenu annuel supérieur à 100 000 $. Les habitants de la grande région de Montréal constituent le principal marché, particulièrement lorsqu’il s’agit de prolonger un séjour de vacances. Enfin, près du tiers de ceux qui pratiquent le workation ont des enfants, ce qui pourrait vouloir dire qu’ils sont contraints au calendrier scolaire, selon l’âge et l’autonomie de leur progéniture.
Près d’un répondant sur trois (29 %) estime qu’il sera en télétravail en 2022 (6 % en totalité et 23 % en partie). De ce nombre, 19 % comptent faire un séjour pour travailler à distance et 14 % prévoient prolonger un séjour d’agrément grâce au télétravail. Ces proportions pourraient s’avérer plus importantes puisque le sondage a été effectué juste avant que le gouvernement Legault n’impose le travail à distance en décembre 2021.
Dans un contexte encore incertain, identifier le plein potentiel de cette clientèle demeure complexe pour l’industrie touristique. Cependant, les organisations ont avantage à commencer (ou poursuivre) leur réflexion quant à la façon de saisir les opportunités qui découleront de ce segment.
Image à la une : Samson Katt de Pexels
Cet article fait partie du cahier des perspectives touristiques 2022 réalisé par l’équipe de la Chaire de tourisme Transat.