Pénurie de main-d’œuvre : les leviers d’action de l’hôtellerie-restauration

8 minutes de lecture

Observatoire valaisan du tourisme Observatoire valaisan du tourisme

Augmentation des salaires, meilleures conditions de travail, logements abordables. À travers le monde, les établissements sont en mode solution.

 

La pandémie révélatrice d’un mal existant

La pandémie a précipité le départ de nombreux travailleurs. Salaires modestes, heures supplémentaires ou « en coupures », manque de reconnaissance, travail sous pression, saisonnalité : à la suite d’un arrêt forcé ou choisi, plusieurs milliers d’employés ont opté pour un départ définitif de la profession. Nombre d’entre eux se sont reconvertis depuis et ne sont donc pas disposés à réintégrer leur entreprise ou une autre entreprise du secteur. 

La situation actuelle inquiète d’autant plus aux vues de la pression, toujours plus grande, qui pèse sur ceux qui restent. Ces derniers constatent que leurs conditions de travail se sont dégradées en raison du manque de personnel. Selon une étude menée par Medallia en septembre 2021 auprès de plus de 1 250 employés du secteur du voyage et de l’hôtellerie (États-Unis, Royaume-Uni, France, Espagne et Allemagne), 38 % du personnel salarié dans l’hôtellerie prévoyait quitter son travail d’ici la fin de l’année. Les employés mettaient notamment en cause la dégradation de la qualité de vie au travail depuis la COVID-19. Près d’un employé sur quatre (24 %) dit que ces conditions ont un impact sur la motivation. Du côté des employeurs, 61 % déclarent également « devoir faire plus avec moins ».   

Faute de candidats, les associations professionnelles et les entreprises réagissent pour permettre de rendre les métiers de l’hôtellerie-restauration attractifs à nouveau. 

Source de l’image : Freepik

La question des salaires sur la table

En France, l’hôtellerie-restauration a perdu près de 10 % de ses travailleurs, soit 230 000 personnes entre 2020 et 2021. Pour tenter d’enrayer les départs, patronat et syndicats se sont entendus sur une revalorisation salariale de 16 % de la grille tarifaire actuelle. Celle-ci devrait être effective depuis mars 2022.  

En Allemagne, la nouvelle convention collective de l’association de l’hôtellerie et de la restauration du Land de Rhénanie-Palatinat a décidé d’augmenter jusqu’à 36 % les salaires. Des répercussions de 5 à 20 % sont ainsi attendues sur la facture des clients. 

En Suisse, des entreprises ont décidé de rehausser les salaires de leurs employés. Cependant, certains professionnels admettent ne pas pouvoir honorer les prétentions salariales des candidats. 

La question des salaires ne saurait régler à elle seule le déficit d’image de la profession. En effet, les difficultés à trouver un équilibre avec la vie privée, le manque d’estime de la part des supérieurs et les horaires de travail sont perçus comme les principales contraintes. C’est ce que révèle Kununu.com, une plateforme sur laquelle les employés évaluent leurs employeurs. Dans les commentaires laissés par les employés, la question du salaire préoccupe moins que celle de la reconnaissance.  

Autres pistes de solution

Conscientes que les métiers de l’hôtellerie-restauration sont parfois difficilement compatibles avec une vie privée, des entreprises n’hésitent pas à investir et bousculer les codes pour attirer de nouveaux talents. 

 

Conditions de travail 

Les établissements Accor en Australie et Nouvelle-Zélande lancent le programme  » Work Your Way  » dans l’espoir de pourvoir les 1 200 postes vacants. Ce programme entend offrir des conditions de travail plus souples. Il induit notamment : 

  • La possibilité pour le candidat de commencer à travailler le jour même de l’entretien si son profil correspond au besoin ;   
  • Des avantages personnalisés pour les employés. Il peut s’agir d’indemnités de déplacement, de congés d’anniversaire et de congés sabbatiques ;
  • De faciliter le voyage et l’activité professionnelle dans les différents établissements du groupe, dans toute la région du Pacifique ; 
  • D’offrir de nouvelles opportunités en matière de développement de carrière en interne ; 
  • De décloisonner les postes de travail et d’offrir une nouvelle polyvalence. Accor estime que chaque rôle, de l’entretien ménager à la direction, devrait être flexible. C’est pourquoi le groupe a mis en place une nouvelle politique pour garantir une plus grande flexibilité à tous les employés.  

Le rythme de travail fait aussi tort à la profession. Pour dégager plus de temps libre à leurs employés, des établissements en France ont supprimé les horaires coupés, créant ainsi des équipes du midi ou du soir. D’autres ont décidé de fermer les week-ends et de se réorganiser en faisant appel à un service de traiteur pour l’hôtel par exemple. Pour le bien-être de ses équipes, le restaurant étoilé La Mare aux Oiseaux a choisi également de débuter les horaires de réservation plus tôt pour ne pas faire s’éterniser le service du soir.  

La semaine de quatre jours peut également constituer un élément différenciant pour l’entreprise. Plusieurs organisations en Allemagne y recourent déjà. En phase d’essai depuis novembre dans les établissements 25 Hours d’Hambourg, le modèle est sur le point d’être adopté dans l’ensemble des établissements de la marque d’ici la fin de l’année  2022, y compris pour ceux de la Suisse. En Allemagne, les employés embauchés à temps plein travailleront 36 heures par semaine au lieu de 40, pour un salaire identique. Les quatre heures restantes seront travaillées sous forme d’heures supplémentaires, en cas d’extrême nécessité. 

 

Cadre de vie

D’autres investissent de gros montants pour offrir à leurs (nouveaux) talents un cadre de vie très agréable. À Gstaad, à Scuol ou à Lenk, des propriétaires d’hôtels ont dépensé plusieurs milliers de francs suisses pour la rénovation ou la construction d’hébergements pour le personnel. À Saint-Moritz, le Kulm Hotel a investi 21 millions de francs dans deux résidences destinées au personnel. La première, avec 74 unités, a ouvert ses portes pour la saison d’hiver 2021 – 2022. 

« Nos collaborateurs doivent se sentir parfaitement à l’aise, le logement joue donc un rôle essentiel« .

Balthasar Hauser, propriétaire de l’hôtel Stanglwirt. 

En Autriche, près de Kitzbühel, l’hôtel 5 étoiles Stanglwirt a construit une nouvelle résidence pour ses employés. Le propriétaire Balthasar Hauser a dépensé environ 20 millions d’euros pour cette construction. Il a voulu souligner la grande estime qu’il avait pour ses travailleurs en construisant des logements de qualité en bois, efficaces sur le plan énergétique, alimentés par la géothermie et pourvus de matériaux et équipements haut de gamme avec une vue. Le loyer mensuel pour ceux-ci s’élève à 200 euros, charges comprises. Outre le loyer bon marché, les employés peuvent bénéficier de la pension complète gratuite au restaurant du personnel et du nettoyage mensuel gratuit du logement, en plus de réductions dans des magasins de l’enseigne, de la garde des enfants à la ferme de l’hôtel et de la prise en charge à 50 % de la cotisation à des associations locales. Parmi d’autres avantages, l’hôtel met à la disposition de son personnel trois jours payés par an pour des travaux caritatifs. 

Source de l’image : Stanglwirt

L’engagement RSE 

Les jeunes talents accordent une importance particulière aux engagements sociaux et environnementaux pris par les entreprises. Ils aspirent désormais à rejoindre une organisation qui porte un certain nombre de valeurs solidaires, éthiques et écologiques. Ils souhaitent pleinement être acteurs de changements positifs de la société et se sentir utiles. Sandra Heim, spécialiste du développement organisationnel chez Hotelleriesuisse, confiait à Tourobs dans le cadre du « rapport sur le tourisme durable » que le label environnemental Ibex Fairstay de certains établissements les avait aidés à recruter des travailleurs.  

 

Revalorisation des métiers de l’hôtellerie-restauration par la formation 

La formation revêt un caractère crucial pour le secteur de l’hôtellerie-restauration. Dans le canton de Lucerne, les associations faîtières Gastro Luzern et Luzern Hotels (gastrojetz.ch) ont lancé un programme de cours gratuits pour les personnes qui veulent se réorienter ou qui réintègrent le marché du travail. 

«Imagine que cest lapéro et que personne ne sert à boire.» 

 

Des solutions technologiques pour pallier le manque de main-d’œuvre 

Accueil numérique, borne d’enregistrement, application pour l’affectation du personnel, robot serveur, etc. Parallèlement, des solutions technologiques émergent pour tenter d’endiguer les effets persistants de la pandémie en fonctionnant avec des effectifs réduits comme l’illustre l’article « Pénurie de main-d’œuvre : en mode solutions technologiques ».  

 

Image à la une : Freepik