Un petit village finlandais en processus de dévitalisation a réussi un tour de force par l’art, la culture, le design et l’implication de la communauté.
Le village de Fiskars s’est vu décerner plusieurs distinctions au fil des années. Il a notamment remporté le titre de la destination de l’année dans son pays en 2019, s’est taillé une place dans la liste des Global Top 100 Sustainable Destinations en 2020 et s’est mérité le Green Destination Award — Gold — en 2021. Voici l’histoire inspirante de Fiskars, véritable pôle culturel créatif.
Une histoire classique
La naissance du village remonte au 17e siècle, en 1649 précisément, quand l’entreprise Fiskars (aujourd’hui Fiskars Group) s’implante dans une petite localité située à une heure de route d’Helsinki pour y établir une fonderie et fabriquer des outils. Plus tard, elle se spécialisera dans les scies, les outils de jardinage et les ciseaux. Ces derniers avec leurs anneaux orange au design ergonomique ont fait la renommée de l’entreprise. Vers la fin du 20e siècle (1980), la compagnie a besoin de plus d’espace et relocalise ses opérations ailleurs en Finlande et aux États-Unis.
Tel que l’illustre l’image ci-dessous, le village de Fiskars est situé en milieu rural, le long d’une rivière, et compte plusieurs bâtiments historiques. Il fait partie de la commune de Raseborg qui regroupe plusieurs districts et villages.
Attirer les artistes
Témoin de la désertion du village par sa population, Ingmar Lindberg, alors vice-président de Fiskars Group et responsable du parc immobilier de l’entreprise, élabore un plan pour maintenir la communauté en vie. Il souhaite poursuivre la tradition d’une collectivité créative, manuelle, artisane. Comme la moitié des bâtiments du village appartient à Fiskars Group, ce dernier possède un grand contrôle sur leur utilisation. La direction procède d’abord à la rénovation des installations pour en faire des ateliers, des studios et des appartements.
M. Lindberg lance ensuite des invitations à des membres influents de la communauté créative d’Helsinki à venir s’installer à Fiskars, à très bon prix. Les artistes et designers sont ciblés pour leurs compétences, leur créativité et leur renommée. Il ne suffira que d’une vingtaine de personnes qui répondent à l’appel pour que l’effet domino s’enclenche et que d’autres artisans se joignent au mouvement.
Géré pour et par la communauté
Quelques années plus tard, en 1994, une première exposition d’art est organisée. La qualité des collections présentées, le charme rural des lieux, la beauté des bâtiments historiques et de la nature environnante séduisent les visiteurs. Le bouche-à-oreille opère très rapidement. Suivra ensuite la création de la coopérative Onoma, formée par les artisans, artistes et designers de Fiskars. Aujourd’hui, la gestion du village est assurée par la communauté locale, la coopérative et d’autres intervenants clés de la région.
Plusieurs événements animent Fiskars et mettent en valeur les produits qui y sont fabriqués comme l’Antiques Fair, le Slow Food Festival, ou encore la Fiskars Village Art & Design Biennale. Chaque événement est organisé en collaboration avec l’organisme de gestion de la destination Raseborg (la commune dont fait partie Fiskars). La Fiskars Village Association est aussi interpellée pour certains aspects. Celle-ci représente tous ceux qui travaillent et vivent dans le village. Elle tient aussi des rencontres entre les anciens et les nouveaux résidents de la communauté créative.
La vidéo suivante, conçue à la suite de l’obtention du prix Green Destinations Communities & Culture Award, résume bien l’histoire et le type d’offre touristique de Fiskars Village.
Une approche durable
Cette gouvernance concertée a mis Fiskars Village dans le giron des communautés culturelles durables. Par ailleurs, la préservation et la valorisation de la culture locale, des paysages naturels et bâtis, et aussi des savoir-faire et du bien-être de la communauté font partie des valeurs partagées par les organismes impliqués dans la gestion de Fiskars. Les entreprises qui bénéficient de l’activité touristique mettent en vedette les ressources locales. À titre d’exemple :
- La brasserie Fiskarsin Panimo, la cidrerie Kuura et la distillerie Ägräs utilisent des herbes sauvages et des baies qui poussent aux alentours pour la fabrication de leurs boissons décorées de diverses distinctions.
- La scierie fournit les ébénistes avec du bois coupé dans la forêt avoisinante.
- Le musée Fiskars a recours à un troupeau de moutons pour brouter l’herbe du pâturage sur lequel il se trouve.
Une offre touristique étoffée
Quelque 200 000 visiteurs foulent les rues du petit village chaque année. Ils y découvrent notamment :
- Un dynamisme de quartier urbain dans un paysage rural féérique et des bâtiments historiques bien restaurés ;
- Une architecture où l’ancien et le moderne s’harmonisent grâce à des règles de design bien définies pour les nouveaux bâtiments ;
- Des événements culturels de qualité à différents moments de l’année ;
- Des activités de plein air pour profiter des beautés naturelles des lieux comme des sentiers de randonnée et de vélo de montagne ;
- Une offre culturelle très dense — exposition, spectacles, ateliers d’artisans, etc. ;
- De nombreuses boutiques de fabrication locale et design ;
- Une offre agrotouristique diversifiée ;
- De bonnes tables qui valorisent les produits locaux, mais aussi des cafés ;
- De l’hébergement d’expérience : mini maisons d’architecte, tentes suspendues, cabine au bord du lac.
Un modèle qui fait des envieux
Aujourd’hui, les entreprises qui souhaitent s’établir à Fiskars s’engagent à respecter les principes du développement durable. Il en est de même pour les artistes qui rejoignent la coopérative Onoma. Cette dernière regroupe un peu plus d’une centaine de membres pour une communauté d’environ 600 habitants. Le succès de Fiskars rayonne et de nombreuses délégations internationales s’y rendent chaque année pour tenter d’importer ce modèle afin de vivifier les municipalités en manque de dynamisme.
Des facteurs de succès ?
Bien sûr, le fait que l’entreprise à l’origine de ce projet soit propriétaire d’une grande part des bâtiments principaux compte pour beaucoup dans la réussite du projet. Les moyens financiers et la volonté de Fiskars Group de créer une communauté dynamique y ont aussi largement contribué. Mais il y a plusieurs autres leçons à tirer, comme de considérer :
- Le bien-être de la communauté d’abord ;
- L’importance que revêt la créativité, l’art, la culture et le design dans qualité de vie de la collectivité ;
- Le développement local et durable intégré dans la gestion au quotidien ;
- Les événements et la qualité des installations pour animer les lieux et créer des échanges ;
- La gouvernance collaborative avec la participation des citoyens.
Tant que le village de Fiskars sera un lieu où il fait bon vivre et travailler, il demeurera une destination convoitée, tant pour les nouveaux résidents que pour les voyageurs. Il s’agit d’un équilibre indispensable à préserver.
Image à la une : Fiskars Village/Facebook