La Suisse s’est penchée sur l’hôtel urbain de demain. Et si plusieurs changements étaient à venir ?
Qui occupera les hôtels en milieu urbain si le volume des déplacements d’affaires n’atteint pas les seuils observés avant la pandémie ? Comment les hôteliers peuvent-ils imaginer à nouveau l’espace, tenter d’augmenter l’achalandage ou d’attirer une clientèle différente ? Ce sont des questions auxquelles l’Association romande des hôteliers (ARH), l’École Hôtelière de Lausanne (EHL) et l’Institut de tourisme de la HES-SO Valais-Wallis ainsi que divers partenaires de l’industrie ont tenté de répondre lors d’une récente étude de 2021. Cette dernière répertorie des stratégies innovantes qui répondent à cet enjeu de fréquentation.
La méthodologie employée
Les porteurs du projet ont d’abord sondé différents établissements hôteliers suisses pour comprendre les défis de la reprise graduelle des activités. Les résultats de cette première enquête mettent en évidence qu’une majorité d’hôteliers souhaitent travailler de concert avec les acteurs urbains pour mieux exploiter les atouts de la ville. À la suite de cette démarche, un concours d’idées destiné au grand public a été lancé ; l’objectif était de générer de nouvelles réflexions et de promouvoir l’avis de la population.
Après le concours d’idées, trois groupes de réflexion composés de professionnels de l’industrie hôtelière et de secteurs connexes (architectes, designers, économistes, professionnels du tourisme…) se sont réunis au cours de divers ateliers. La discussion convergeait vers un point : l’hôtel devait redevenir un lieu de vie multifonctionnel. Un second sondage rassemblant des propositions plus précises a ensuite été envoyé aux hôteliers participants. Enfin, des groupes de discussions regroupant des experts de divers horizons ont permis d’évaluer la faisabilité des propositions les plus populaires et d’effectuer un travail de synthèse.
L’hôtel urbain doit redevenir un lieu de vie multifonctionnel.
La Chaire de tourisme Transat s’est entretenue avec une partie prenante active du projet, le Dr Roland Schegg, professeur à la Haute école spécialisée de Suisse occidentale en Valais (HES-SO Valais-Wallis) et chercheur à l’Institut du tourisme (ITO), pour commenter les résultats de ce processus d’idéation : « Ce qui est difficile en tant que chercheur, c’est qu’on ne va pas mettre en œuvre les idées, on tente le plus possible avec cet exercice d’inspirer les hôteliers, à la fin c’est une décision entrepreneuriale ; certaines des propositions formulées peuvent fonctionner pour un établissement et pour un autre, non ».
Les constats obtenus
À la suite de cet exercice de consultation, les parties prenantes de l’étude proposent des pistes de réflexion et des stratégies de relance pouvant appuyer le secteur hôtelier urbain. Ces dernières sont regroupées dans un recueil selon quatre thématiques principales.
Cœur de quartier
Le recueil suggère que les hôtels urbains s’ouvrent sur leur quartier pour devenir un noyau social invitant, tant pour la population que pour les touristes en visite. Ces établissements favoriseraient la rencontre entre les visiteurs et les visités ; ils feraient ainsi office de lieu d’échange convivial et accessible. Les hôtels pourraient alors proposer à des artisans locaux de présenter leurs produits de manière sporadique à la réception. Pour ceux disposant d’un restaurant, pourquoi ne pas offrir des cours de cuisine en saison plus calme ? La diversification des activités générerait des revenus supplémentaires et renforcerait la visibilité du lieu.
Le programme montréalais Passerelle est un bel exemple d’initiative qui invite les résidents comme les voyageurs à (re)découvrir leur hôtel de quartier en participant à des représentations d’artistes locaux.
Hôtel hybride
Les hôtels en milieux urbains gagneraient à imaginer une reconfiguration plus flexible de leurs espaces pour répondre à de nouveaux besoins et attirer une clientèle diversifiée. En plus des chambres, on pourrait mettre à disposition des espaces de soins, des boutiques et marchés et des salles de réunions. Cette diversification du modèle d’affaires viendrait également cibler des segments de clientèle qui n’habitent pas en ville à longueur d’année, par exemple les étudiants ou les travailleurs saisonniers. Il serait alors envisageable d’offrir des tarifs différenciés se basant sur la durée des séjours et les services utilisés (buanderie, casiers, cuisine…).
Le modèle d’hébergement au séjour prolongé se base en partie sur ce principe et voit de plus en plus le jour au Québec et ailleurs dans le monde. C’est notamment ce que propose le Hampton Inn et Homewood Suites par Hilton situé dans le quartier chinois montréalais. En Europe, on retrouve le concept d’Edgar Suites ou du The Student Hotel.
Espace de coworking
En relation avec cette configuration plus flexible et hybride des lieux, les hôtels urbains pourraient proposer des espaces de travail aux personnes en télétravail ou en formule hybride. Les pièces devraient disposer du matériel nécessaire (prises, écrans, ordinateurs…) pour accueillir ce type de clientèle, mais avant tout favoriser les échanges et permettre l’interaction entre collègues. Les hôtels auraient alors l’opportunité de devenir des lieux de réseautage favorisant le bien-être des employés. Il pourrait être intéressant de proposer des forfaits incluant un repas ou une activité ou même d’établir des partenariats avec des entreprises locales spécialisées dans le coworking.
C’est ce qu’a fait le groupe Accor pour l’un de ses hôtels lors du dernier tournoi Roland-Garros. La société a collaboré avec Wojo, un réseau européen d’espaces de travail, pour transformer certains lieux en postes éphémères de coworking.
Hôtel destination
Le recueil suggère enfin aux hôtels urbains d’enrichir leur offre dans l’objectif d’être bien plus qu’un simple lieu de passage pour les voyageurs. Proposer plusieurs activités au sein de l’établissement ou à proximité pourrait en faire le produit d’appel de la destination. Le mot d’ordre : personnalisation. Cette démarche leur permettrait d’attirer des segments de clientèle diversifiés, comme des familles ou des voyageurs d’affaires qui souhaiteraient prolonger leur séjour sans trop se casser la tête.
Pour la suite, M. Schegg souhaite notamment réfléchir à la pénurie de main-d’œuvre. À son avis, il sera primordial de repenser les processus des entreprises touristiques pour s’adapter aux demandes des nouvelles générations qui placent leur qualité de vie comme une priorité. Il ajoute qu’il est nécessaire, en tant que gestionnaire, de prendre le temps de sortir de son quotidien, de voir ce qui se fait ailleurs et de se mettre dans la peau du client. Prendre du recul n’est pas du temps perdu.
Chose certaine, les idées ne manquent pas. Les hôtels urbains qui s’adapteront à la nouvelle réalité des villes auront la possibilité de devenir des pionniers dans le secteur.
Pour consulter le plus récent rapport rédigé par le Dr Roland Schegg et ses collègues en lien avec la gestion de crise et le secteur hôtelier, cliquez ici.
Image à la une : Pexels