Le pèlerinage a su démontrer son bienfait émotionnel et les lieux de culte ont fait preuve de résilience et de créativité. Retour sur une période à la fois trouble et innovante.
Les lieux saints au cœur de la tourmente…
En 2019, les perspectives du pèlerinage et du tourisme religieux s’annonçaient au beau fixe et un nombre important de pèlerins étaient enregistrés dans plusieurs sanctuaires à travers le monde. La Terre sainte a par exemple, accueilli un record de 4,5 millions de pèlerins, mais au printemps 2020, tout a basculé. Au cœur de la pandémie, cette destination phare du tourisme religieux n’a enregistré aucun pèlerin, une première depuis 1 600 ans ! Les pertes économiques ont été estimées à environ 320 millions de dollars américains.
D’autres lieux de culte importants à travers le monde ont également accusé d’énormes pertes à cause de la fermeture de leurs portes. C’est le cas de La Basilique de Guadalupe à Mexico City, Notre-Dame-de-Lourdes en France et Notre-Dame de Fátima au Portugal. Ces sanctuaires qui reçoivent en moyenne de 6 à 10 millions de visiteurs par année furent désertés.
En Grande-Bretagne, l’association des cathédrales anglaises avait déclaré 2020 « année nationale des cathédrales, année du pèlerinage ». Une série d’événements festifs et commémoratifs étaient prévus, dont le festival « Becket 2020 » marquant les 850 ans de la mort de Thomas Becket, l’archevêque assassiné dans la cathédrale de Canterbury. Tous les événements rattachés à cette grande célébration ont été annulés ou reportés.
Source : Cathedral Isle of Man
Au Québec, la chute du nombre de touristes internationaux et la limitation du nombre de personnes pouvant visiter les lieux de cultes ont eu un impact négatif sur l’achalandage de ceux-ci.
Une motivation inébranlée
Cela dit, tout au long de cette succession d’événements, plusieurs recherches ont démontré que le pèlerinage et le tourisme religieux ont fait preuve de résilience. Au lieu d’affaiblir le désir d’entreprendre des pèlerinages vers des lieux sacrés, la pandémie l’aurait, en fait, renforcé. Une étude basée sur des recherches menées pendant la pandémie et sur des entretiens avec des agents travaillant avec les pèlerins du Chemin de Compostelle, indique que ceux-ci étaient prêts à parcourir le Camino malgré l’absence de la gratification culturelle ou sociale qui s’y rattache.
En effet, les quelques pèlerins autorisés à prendre la route à certaines périodes durant la pandémie ont vécu de grandes restrictions qui concernaient aussi bien l’hébergement (capacité d’accueil très limitée dans les auberges demeurées ouvertes), la socialisation (isolement des pèlerins les uns des autres ainsi que des résidents) et l’animation dans les auberges alors dépourvues de leur caractère convivial et rassembleur. Ces contraintes ne les ont pourtant pas empêchés d’entreprendre le pèlerinage.
Source : Pixabay
On constate le même phénomène de résilience au Québec dans un sondage réalisé par Événements Attractions Québec en mars 2022, indiquant que 30 % des Québécois avaient l’intention d’explorer un lieu touristique à caractère religieux au cours de l’été, c’est-à-dire deux fois plus qu’avant la pandémie.
Le pèlerinage comme remède naturel
Durant la pandémie, le choix d’un voyage en immersion dans la nature est devenu une raison de plus en plus citée pour s’engager dans un pèlerinage. Selon une enquête du British Pilgrimage Trust, environ la moitié des personnes interrogées ont mentionné le bien-être émotionnel, la connexion avec la nature, la spiritualité ou le patrimoine culturel comme leurs principales motivations.
À la sortie d’une crise pandémique où la population a été désengagée de son environnement, le monde a été sensibilisé à la valeur des différentes caractéristiques du pèlerinage et à ses bienfaits. À ce titre, on peut citer le bien-être qu’il procure grâce à sa lenteur et à l’espace physique et mental qu’il permet de créer, l’invitation qu’il offre aux pèlerins de pouvoir se centrer sur eux et revoir leurs objectifs ainsi que la possibilité de reprendre contact avec la nature.
Des stratégies d’adaptation variées
Si face aux mesures restrictives et aux interdictions de voyager, les pèlerins ont fait preuve de résilience, les lieux de pèlerinage ont, à leur tour, adopté des solutions créatives pour atténuer les perturbations causées par la pandémie.
C’est ainsi que le pèlerinage du dimanche Reek à Croagh Patrick, en Irlande, qui avait été annulé en 2020, a repris en 2021 sous un format étendu durant tout le mois de juillet. Cela a permis aux gens d’effectuer le pèlerinage en toute sécurité avec un plus petit nombre chaque jour.
Un privilège papal similaire a été accordé à la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle lorsque le Xacobeo (Année Sainte survenant lorsque la fête de Saint-Jacques tombe un dimanche, la dernière remontant à 2010) a été allongé pour intégrer 2021 ainsi que 2022.
Notre-Dame de Lourdes a franchi le pas du virtuel
Plusieurs sites religieux ont également eu recours aux plateformes de médias sociaux pour la tenue d’événements virtuels. L’initiative la plus remarquée est sans doute celle du sanctuaire Notre-Dame de Lourdes qui a lancé Lourdes United, son premier pèlerinage religieux numérique (epèlerinage).
Avant, le sanctuaire n’avait qu’une seule page Facebook en langue française, mais pour le pèlerinage, il a créé quatre autres pages Facebook, en anglais, espagnol, italien et portugais. Le Sanctuaire est alors passé de 6 millions de visiteurs chaque année à une audience cumulée (toutes plateformes en ligne confondues) de 80 millions de téléspectateurs pour le pèlerinage virtuel du 16 juillet 2020.
Tout au long de l’histoire, les voyages religieux, l’une des plus anciennes formes de tourisme dans le monde, se sont organisés malgré les risques, les guerres et les épidémies. Dans le contexte de la récente pandémie, leur résilience face à l’adversité a encore une fois été démontrée.
Dans une prochaine analyse, nous aborderons quelques tendances de pèlerinages qui se sont dessinées à la suite de la récente crise sanitaire.
Image à la une : Pixabay