L’œnotourisme est particulièrement touché par l’impact des événements météorologiques extrêmes. Les vignerons n’ont d’autre choix que d’innover, d’anticiper et de collaborer pour la pérennité de leur entreprise.
La production viticole québécoise gagne du terrain d’année en année. Selon le Conseil des vins du Québec, le nombre de producteurs est passé de 85 en 2010 à 165 en 2022. L’association envisage que le nombre de bouteilles produites doublera d’ici 2030.
Cela dit, le secteur vit actuellement des défis importants en lien avec les changements climatiques. Les vignobles d’un peu partout dans le monde ont lourdement été happés par les phénomènes météorologiques en 2023. Ces événements, parfois très imprévisibles et instables, perturbent la viabilité des cultures, ainsi que la quantité et la qualité de la production. Selon un reportage de Radio-Canada, « un rapport publié en février par Wine Growers BC estime que la récolte ne représentera que 1 % à 3 % des niveaux normaux, ce qui signifie une perte presque complète de la production de 2024. Les pertes de revenus pourraient atteindre 346 millions de dollars pour les vignobles et les établissements vinicoles ». Plusieurs vignerons et acteurs clés du milieu réagissent à cet enjeu.
En mode action pour trouver des solutions
Les démarches pour tenter de contrebalancer l’impact des phénomènes météorologiques dévastateurs sont variées. Par exemple, les producteurs de la zone viticole de la Valpolicella, en Italie, ont recourt à d’anciens cépages dans le but de réintroduire des variétés qui avaient été mises de côté au cours des décennies précédentes. Elles pourraient posséder des caractéristiques intéressantes dans le contexte actuel, telles que la tolérance à la sécheresse, la maturité tardive, une acidité naturelle élevée et un flétrissement lent.
Des variétés de raisins qui avaient été mises de côté au cours des décennies précédentes pourraient posséder des caractéristiques intéressantes dans le contexte climatique actuel.
De son côté, le Vignoble de l’Orpailleur, dans les Cantons-de-l’Est, tente de faire pousser de nouveaux cépages qu’il était auparavant impossible de cultiver au Québec. Le Vignoble du Ruisseau, situé dans la même région, utilise un procédé de géothermie pour protéger ses vignes durant la saison froide. Le contexte s’avère donc l’occasion de tester des pratiques novatrices et d’agir avec intuitivité.
Pour une plus grande anticipation, ils sont nombreux dans le domaine à impliquer le milieu de la recherche. Voici deux exemples inspirants.
Faire appel à la recherche
Le Conseil interprofessionnel de Bordeaux (CIVB) investit 1,2 million d’euros par an dans des recherches sur l’impact des changements climatiques sur la viticulture. À ce jour, plusieurs techniques sont testées : augmentation de la biodiversité par la plantation d’arbres et de haies, assemblage de plusieurs variétés de raisins, viticulture de précision parcellaire avec une gestion du couvert végétal, adaptations des densités de plantation, etc.
Au Québec, le Centre de recherche agroalimentaire de Mirabel (CRAM) a développé des toiles géotextiles qui permettent d’abrier les vignes lors d’épisodes de grêle ou de gel/dégel. Cette solution remplace l’astuce d’allumer des feux sur les terres pour conserver la chaleur au sol. De plus, l’organisme conduit actuellement une recherche pour tenter de comprendre les processus de résistance de la vigne au froid.
L’adaptation aux effets des changements climatiques passe notamment par la mise en place d’actions concrètes en développement durable. Le Chili représente un bel exemple.
Éduquer les clientèles
Les entrepreneurs viticoles de la vallée de Casablanca au Chili et le gouvernement local ont récemment élaboré un accord de production durable par lequel ils cherchent à améliorer la gestion et les performances environnementales des vignobles. Près d’une trentaine d’exploitations participent au projet qui bénéficie, notamment, du soutien des ministères de l’Agriculture, de l’Énergie, de l’Environnement et de la Santé ainsi que de la municipalité de Casablanca.
À titre d’exemple, le Matetic Winery, récipiendaire du Best of Wine Tourism Awards dans la catégorie Sustainable Wine Tourism Practices en 2023, mise sur l’apprentissage et l’éducation des clientèles au sein de son entreprise. Les visiteurs sont amenés à comprendre les étapes de fabrication du vin lors d’ateliers. Selon la direction, toute offre œnotouristique devrait inclure une partie de sensibilisation aux différents enjeux de durabilité liés à la viticulture. De ce fait, les amateurs seront mieux outillés pour faire des choix responsables. Le vignoble chilien a également exclu l’usage d’engrais chimiques synthétiques pour ses cultures. L’ensemble des infrastructures ont été conçues à partir de matériaux recyclés et écoénergétiques.
Diversifier pour prolonger la saison touristique
La diversification des activités est une avenue permettant aux vignobles d’allonger leur saison touristique et d’ajouter de nouvelles sources de revenus. Le développement d’une offre corporative (Two Sisters Vineyards (Ontario) et Le Cep d’Argent (Magog)) est un bon moyen de rester actif à l’année. Voici en rafale d’autres idées pour animer les domaines pendant ces périodes.
- Printemps : offrir des activités en préparation à l’été. Certains vignobles proposent des activités de taille de vigne ou des ateliers d’ébourgeonnage (débarrasser la vigne de certaines pousses indésirables) permettant aux clientèles d’en apprendre sur ces étapes essentielles à l’entretien des cultures. C’est le cas notamment du Vignoble Alain Robert et du Domaine Pierre & Bertrand Couly, situés en France.
- Automne : mettre à l’honneur les vendanges. De nombreux ateliers, forfaits, activités bénévoles ou journées thématiques permettent aux clientèles de se mettre dans la peau d’un vigneron et de participer aux récoltes. Les vignobles Rivière du Chêne (Laurentides), Domaine & Vins Gélinas (Mauricie), Le Chat Botté (Montérégie), de l’Orpailleur (Cantons-de-l’Est) et Saint-Gabriel (Lanaudière) représentent de bons exemples.
- Hiver : animer la saison froide. Visit Calistoga, en Californie dans la vallée de Napa, a relancé en décembre 2023 pour une 14e année consécutive le Winter in the Wineries Passport. Les détenteurs du laissez-passer de 75 $ bénéficient de dégustations gratuites dans les domaines viticoles participants, ainsi que de réductions dans les hébergements, les spas et les boutiques de la région.
Les solutions aux impacts des changements climatiques sont de plus en plus nombreuses. Pour assurer la durabilité du secteur et des expériences touristiques qui en découlent, il s’agira de s’adapter, mais surtout de se renouveler.
Image à la une : Pexels