Gastronomie et agrotourisme: que faut-il savoir en 2025 ?

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Elisabeth Sirois Elisabeth Sirois

Le Québec est une destination prisée par les épicuriens. Coup d’œil sur les voyageurs québécois qui s’adonnent au tourisme culinaire et les défis qui façonnent ce secteur.   

L’intérêt pour des expériences qui valorisent les savoir-faire régionaux, qui rapprochent les voyageurs des communautés et qui permettent de s’imprégner du patrimoine alimentaire d’une destination ne dérougit pas.  

Les voyageurs québécois et les expériences gourmandes

Selon une enquête effectuée par la Chaire de tourisme Transat en novembre dernier, la moitié des voyageurs québécois ayant visité le Québec à l’été 2024 dit avoir pris part à une expérience gourmande (visite d’un restaurant local, d’une microbrasserie, etc.). Quelque 27 % des répondants mentionnent également avoir participé à une activité agrotouristique (visite d’une ferme, activité d’autocueillette, etc.) lors de leur séjour dans la province l’été dernier.  

La moitié des voyageurs québécois ayant visité le Québec à l’été 2024 a pris part à une expérience gourmande.  

Ces chiffres sont en hausse par rapport à ceux de l’été 2023; le sondage de la Chaire recensait alors un taux de participation de 44 % des sondés à une expérience gourmande, puis de 19 % à une visite agrotouristique. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène; les conditions météorologiques défavorables à l’été 2023 en sont un.  

La gastronomie, un petit luxe dont on ne peut se passer?

La gastronomie est de plus en plus un élément attractif, voire la raison principale qui motive certains voyageurs à choisir une destination de voyage plutôt qu’une autre. Selon l’enquête de la Chaire, plus du quart (28 %) des voyageurs québécois disent choisir souvent ou toujours une destination de voyage en fonction de l’offre d’événements et d’expériences gastronomiques. Les restaurants, les événements et les festivals gourmands représentent donc des attraits importants pour le Québec. 

Par rapport à l’ensemble des voyageurs sondés, ces adeptes de la gastronomie sont plus jeunes (le quart sont âgés de 25 à 34 ans, contre 13 % des autres voyageurs), plus scolarisés (34 % ont un diplôme universitaire, contre 27 %), sont plus souvent en couple (80 %, contre 73 %) et sont deux fois plus nombreux à déclarer un revenu du ménage d’au moins 200 000 $ (10 %, contre 5 %).  

Toujours selon la même étude, 72 % des sondés mentionnent que la nourriture, la boisson et les restaurants sont des postes de dépense pour lesquels ils sont moins soucieux du prix en contexte de voyage. Ces déboursements représenteraient donc de petits luxes incontournables pour ces voyageurs.  

Près des trois quarts des voyageurs québécois déclarent que la nourriture, la boisson et les restaurants sont des postes de dépense pour lesquels ils sont moins soucieux du prix en contexte de voyage.  

L’équipe de la Chaire a également sondé les répondants à propos de leurs passions. Le tiers des voyageurs souligne avoir une passion pour laquelle ils considèreraient dépenser davantage en voyage. Parmi ces gens, 10 % seraient prêts à dépenser un montant plus élevé qu’à l’habitude pour des expériences gastronomiques, des restaurants ou des activités agrotouristiques. Il s’agit de la 2e mention en importance, après les activités culturelles (15 % des mentions). 

Les producteurs, les restaurateurs et les entrepreneurs évoluent ainsi dans un contexte où l’intérêt pour le tourisme gourmand est évident. Bien que leur entreprise joue un rôle essentiel dans le soutien à l’économie locale, les défis demeurent nombreux. 

Les principaux défis du secteur

Défi no 1 Les effets des changements climatiques sur les récoltes et les activités touristiques des exploitations agricoles

Le Consortium Ouranos prévoit que d’ici 2050, les changements climatiques entraîneront des impacts variés sur l’agriculture, tels qu’un allongement de la saison de croissance, des épisodes de pluies plus intenses, une diminution du couvert de neige, ainsi qu’un dégel hâtif et un retard dans le gel automnal. 

Toujours d’après Ouranos, il est probable que les périodes d’autocueillette deviennent plus incertaines en raison de la qualité variable des produits et des décalages saisonniers. Les vagues de chaleur estivales pourraient aussi réduire l’achalandage durant cette saison.  

Défi no 2 La mobilité limitée vers les régions rurales 

Les activités agrotouristiques prennent généralement place en milieux ruraux. L’accès à la campagne sans voiture demeure un défi au Québec, particulièrement pour les touristes internationaux ou les citadins. Des solutions de rechange comme les navettes et le covoiturage voient le jour, mais l’offre demeure très restreinte et est davantage axée sur les déplacements en nature, par exemple vers les grands parcs nationaux ou les espaces naturels reconnus. 

Défi no 3 La hausse des coûts 

Depuis les dernières années, les coûts des aliments et des produits en supermarchés ont grimpé, entraînant des frais d’approvisionnement plus élevés – un défi majeur pour les restaurateurs – et une augmentation des coûts d’exploitation. Cette augmentation des prix crée une concurrence inégale entre les marchés fermiers et les grandes chaînes d’épicerie, fragilisant davantage les petits producteurs. La situation inflationniste des dernières années a aussi entraîné la fermeture de nombreux établissements de restauration au Québec, nombre qui en date de février 2024 était à son plus bas depuis 10 ans. L’incertitude qu’entraîne la guerre commerciale avec les États-Unis risque également de provoquer d’importants impacts sur le secteur.  

Défi no 4 L’arrivée du guide Michelin au Québec 

Le 29 août dernier, le Québec a rejoint le prestigieux Guide Michelin, devenant ainsi la 12e destination nord-américaine et la troisième canadienne (après Toronto et Vancouver) à en faire partie. Cette nomination suscite les discussions et provoque des débats au sein du milieu de la restauration, représentant certainement un important défi de validation et d’approbation. 

D’un côté, certains chefs croient que cet honneur est l’occasion de faire davantage connaître l’offre culinaire québécoise à l’international, à armes égales avec d’autres destinations canadiennes. D’un autre côté, certains restaurateurs croient plutôt que de faire venir le Guide Michelin au Québec a occasionné un énorme investissement qui aurait pu être utilisé pour valoriser l’industrie autrement. 

Défi no 5 La main-d’œuvre et l’augmentation de la masse salariale 

Le manque de main-d’œuvre dans le secteur agricole a certainement des impacts sur la capacité des producteurs à recevoir et à accueillir convenablement les clientèles et à faire prospérer leur offre touristique. Selon les résultats d’un sondage mené en 2023 par Terroir et Saveurs du Québec auprès de leurs entreprises membres, la difficulté à trouver de la main-d’œuvre et à la garder, la formation des employés, de même que l’absence de relève représentent des enjeux majeurs pour le secteur de l’agrotourisme et du tourisme gourmand. 

Les résultats de ce même sondage montrent l’inquiétude qu’engendre l’augmentation de la masse salariale. Selon les entreprises gourmandes (58 %), les producteurs agrotouristiques (64 %), les artisans transformateurs (43 %) ainsi que les chefs, restaurateurs et aubergistes (50 %) interrogés, l’augmentation des salaires est l’enjeu le plus important en matière de gestion des ressources humaines. 

Face à une clientèle engagée et enthousiaste, les secteurs de la gastronomie et de l’agrotourisme doivent continuer d’innover pour relever leurs défis respectifs et assurer leur croissance. 

Image à la une : Pexels