Le virage durable des aéroports

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Stéphanie Massé Stéphanie Massé

Les aéroports internationaux représentent de grands joueurs en matière de transition durable. Leurs actions innovantes peuvent inspirer le secteur touristique. Un regard sur les pratiques exemplaires de partout sur la planète, notamment à Montréal.

Un virage nécessaire vers la durabilité

Depuis 1970, le nombre de vols augmente exponentiellement dans l’espace aérien international. Selon la Banque mondiale, la totalité des voyageurs transportés par voie aérienne chaque année est passée d’environ 300 millions à près de 4 milliards en 2017. Une croissance qui représente environ 1 230 % en moins de cinquante ans.

D’après Milan Janic, auteur du livre Greening Airports : advanced technology and Operations, les aéroports n’ont d’autres choix que d’améliorer leur capacité d’accueil, notamment par des projets d’agrandissement. Le développement durable devient ainsi un enjeu important pour ces entreprises dont les impacts sociaux et environnementaux passent difficilement inaperçus.

Cinq dimensions

Dans l’article Benchmarking airports based on a sustainability ranking index, les auteurs ont déterminé cinq domaines en matière de développement durable sur lesquels les gestionnaires d’aéroports peuvent exercer une influence. Il s’agit :

  • des activités d’exploitation ;
  • de l’utilisation de l’énergie,
  • des émissions de CO2 ;
  • de la gestion de l’eau et des déchets ;
  • de la qualité de l’air de du bruit.

Selon cet outil de mesure, les aéroports les plus performants au monde en 2016 étaient ceux d’Amsterdam (Schiphol), de Francfort (Francfort-sur-le-Main) et de Munich (Franz-Josef-Strauss), en Allemagne. Ces lieux ont entre autres atteint la carboneutralité, c’est-à-dire qu’ils compensent suffisamment leurs émissions pour neutraliser le CO2 émis. Ils créent également des impacts positifs sur leurs parties prenantes, grâce à des programmes pour la qualité de vie des communautés et des employés.

Outre ces aéroports exemplaires, que font les autres géants de l’industrie aérienne pour composer avec ce double défi : s’adapter à une croissance rapide tout en adoptant des pratiques responsables ?

Suivant les cinq dimensions citées précédemment, voici quelques initiatives récentes à travers le monde.

Activités d’exploitation

Singapour se démarque par son investissement dans la communauté. En 2014, l’aéroport international a fondé un programme philanthropique d’éducation pour les jeunes locaux. Il offre également des occasions de bénévolats aux employés afin de participer à des projets de charité dans les villes avoisinantes.

Utilisation de l’énergie

L’aéroport de Dubaï a annoncé au printemps 2018 un investissement dans une technologie d’analyse de données et d’infrastructure intelligente. Les gestionnaires visent une réduction de la consommation d’énergie de 20 %. Plus précisément, elle épargnera près de 25 000 tonnes d’émission de CO2, 21 millions de gallons d’eau et 50 GWh en électricité au bout de sept ans.

Plus près de la réalité québécoise, l’aéroport d’Oslo stocke la neige l’hiver afin de climatiser ses établissements l’été. Cette initiative lui a valu une mention excellence pour l’économie d’énergie.

Émissions de CO2

En Finlande, l’aéroport d’Helsinki arrive au premier rang en matière de gestion des atterrissages. Selon une étude, le temps d’attente moyen pour poser les roues sur la plupart des pistes du continent tourne autour de neuf minutes, alors qu’Helsinki, grâce à une méthode « d’atterrissage continu », accueille tous les avions pas plus d’une minute après leur entrée dans la zone. Cette efficience a permis de réduire les émissions de CO2 de 10 à 30 % au cours des dix dernières années.

Gestion de l’eau et des déchets

Encore une fois, l’aéroport d’Helsinki se démarque par ses infrastructures vertes. Ses sous-sols seront désormais occupés par un système de traitement des eaux usées. Ce réseau déversera un flot propre dans les ruisseaux et les rivières environnants. Il s’agit de la seule installation de la sorte dans tout le pays.

L’aéroport de Changi, à Singapour, réutilise l’eau condensée à travers ses opérations (ex : arrosage des plantes) et liquéfie les déchets alimentaires pour éviter l’incinération. L’entreprise est inspirante pour sa vision systémique, centrée sur le voyageur, dans la gestion durable de ses établissements. Elle repense l’ensemble du trajet du client, du design d’équipements qui capturent le carbone dans les aires d’attente jusqu’à l’installation d’affiches sensibilisatrices et de bacs de gestion des déchets dans les restaurants et les magasins.

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Source : Changi Airport Singapour

Sans oublier l’aéroport des îles Galapagos, qui a reçu du US Green Building Council, la plus haute certification écologique Ses installations incluent une usine de désalinisation ainsi qu’un centre de traitement des eaux usées.

Qualité de l’air et gestion du bruit

La plupart des aéroports se préoccupent de la gestion sonore, un facteur important pour leur acceptabilité sociale. Vancouver (YVR) rayonne toutefois pour son plan stratégique, qui comprend l’installation d’un capteur en temps réel.

L’aéroport de Zurich impose de son côté une taxe de bruit et un programme de compensation des coûts reliés à la baisse du niveau sonore auprès des lignes aériennes.

Schipol, a usé de dame nature pour diminuer ses décibels. Un immense terrain vert de plus de 80 acres permet de réduire le volume des 1 600 avions journaliers grâce à des pyramides qui piègent les longueurs d’onde.

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Source : Smithsonian

Et au Québec ?

L’aéroport de Montréal connaît également une forte croissance. Il a reçu en 2018 près de 19,5 millions de passagers, soit environ 25 % de plus qu’en 2015.

En ce qui concerne ses pratiques durables, il est accrédité au niveau 3 Optimisation, par Airports Carbon Accreditation. L’étape d’Optimisation signifie que l’aéroport concerné calcule ses émissions de gaz à effet de serre (GES), vise sérieusement à les réduire, et en plus, engage ses parties prenantes à en faire de même (principalement les compagnies aériennes partenaires). Charles de Gaulle, à Paris, est également à cet échelon. Il est possible d’atteindre le niveau 5 une fois la carboneutralité réussie.

Bien qu’il soit de taille moyenne seulement, l’aéroport de Montréal s’est doté d’une plateforme spécialement dédiée à ses actions en développement durable. Le site Web présente les projets et les réalisations en ce qui concerne les trois piliers (économie, social, et environnement). Il adopte des pratiques plus modestes que les exemples cités précédemment, mais qui demeurent préalables à des tours de force de plus grande envergure. Il utilise entre autres des capteurs sonores en temps réel, réduit chaque année ses émissions de GES, installe des compteurs d’eau potable, et fait preuve d’engagement social avec les employés auprès de huit causes sociales et environnementales.

L’aéroport de Montréal semble en marche pour rejoindre les grands joueurs mondiaux en développement durable. À première vue, la plateforme à elle seule paraît exemplaire en matière de vulgarisation de données extra financières, démontrant un système de surveillance à point ainsi qu’un souci de transparence et de sensibilisation.

Une transition durable dans un contexte de croissance touristique est un défi qui touche l’ensemble de l’industrie. Ces exemples vous donnent-ils un souffle d’inspiration ?

Commentaires de Martin Massé

Vice-président, Affaires publiques

En tant que gestionnaire aéroportuaire, ADM fait face à de nombreux défis et est engagée à les relever dans le respect des principes du développement durable. Dans les dernières années, plusieurs actions visant la protection de l’environnement ont été implantées à YUL, premier aéroport canadien certifié Airport Carbon Accréditation pour ses efforts dans la maîtrise et la réduction des émissions de carbone. Notamment, ADM offre à sa clientèle un service de recharge des véhicules électriques dans ses stationnements. En 2019, des bornes de recharges additionnelles ont été installées pour véhicules électriques dans les stationnements publics et les stationnements des employés, pour un total de 56 bornes offertes. YUL possède également 6 véhicules légers électriques, un camion F150 converti à l’électricité, un autobus e.Cobus pour le transport des passagers, 4 véhicules hybrides rechargeables et s’est engagée à faire passer à 100 % la proportion de ses véhicules légers électriques d’ici 2030 en joignant l’initiative d’envergure internationale EV100.