Le monde du travail se transforme depuis plusieurs années, mais connaît aujourd’hui une évolution spectaculaire qui engendre de grands bouleversements.
En réponse aux contraintes sanitaires, les entreprises ont dû rapidement intégrer des solutions technologiques efficaces pour maintenir leurs opérations. Ainsi, l’usage d’outils numériques s’est imposé et le télétravail s’est normalisé. Cette nouvelle réalité accélère des changements majeurs au sein des organisations, notamment en termes :
- de modalités de travail (hybride, flexible…) ;
- de leadership et de processus de travail (équipes autonomes, collaboration, agilité…) ;
- d’expérience employé (inclusion, bienveillance, équilibre travail et vie personnelle…) ;
- de compétences recherchées (savoir-faire et savoir-être).
Et ce n’est pas tout. Les lieux de travail se retrouvent fragmentés entre le bureau, la maison et parfois d’autres lieux, selon les envies des télétravailleurs.
Les défis des centres-villes
La transformation des milieux de travail engendre de nombreuses répercussions pour les organisations, mais aussi pour tout l’écosystème dans lequel elles gravitent. Les centres-villes vivent aux premières loges les contrecoups de cette réorganisation. Une forte concentration d’emplois s’effectuant habituellement à partir des tours de bureaux peut désormais se faire en télétravail, ce qui explique en partie l’importante baisse d’achalandage. Le recours au commerce en ligne est lui aussi pointé du doigt.
D’après un rapport présenté le 25 février 2022 par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), la majorité des entreprises qui ont expérimenté le télétravail durant la pandémie compte aujourd’hui offrir des modèles hybrides de travail. L’adoption de cette pratique pourrait contribuer à une baisse de 19 % à 25 % de l’achalandage des travailleurs au centre-ville (par rapport à février 2020) et représenter une diminution de dépenses de l’ordre de 14 %.
De nouveaux besoins et des occasions à saisir
Aujourd’hui, les villes doivent demeurer attractives, mais aussi s’adapter aux nouveaux comportements qu’engendre cette transformation organisationnelle. D’après un article publié dans la revue Gestion, le déplacement des travailleurs doit se justifier par des occasions de socialiser et collaborer, et aussi être bénéfique pour leur bien-être et leur santé mentale. Pour demeurer concurrentielles face aux autres entreprises, particulièrement dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les organisations cherchent à offrir une expérience employé renouvelée.
L’écosystème d’un centre-ville peut tirer profit de cette nouvelle ère en créant et en structurant une offre de propositions qui s’arrime avec les besoins des organisations et des employés. Des collaborations avec des restaurants, des commerces, des installations culturelles ou autres lieux pourraient être bénéfiques, tant pour les employeurs que pour les partenaires choisis.
Une approche visionnaire
Les travailleurs qui se déplacent vers les centres-villes doivent être perçus comme des « voyageurs d’affaires » locaux.
Les travailleurs qui se déplacent vers les centres-villes doivent être perçus différemment que par le passé. Considérant qu’un bon nombre d’individus s’y rendront à temps partiel, le rapport de la CCMM suggère de les considérer comme des « voyageurs d’affaires » locaux. Cette approche s’explique par le fait que ce segment de travailleurs pourrait être tenté de concentrer ses habitudes de consommation sur deux ou trois jours au lieu de les étaler sur la semaine, comme auparavant. Ainsi, lors d’un déplacement, il ne serait pas surprenant que des collègues en profitent pour se réunir après le travail (5 à 7), pour participer à la vie culturelle, pour organiser des dîners d’affaires avec des clients ou encore pour se rendre dans des commerces identitaires du centre-ville. Ce changement de paradigme maintiendrait un certain niveau d’achalandage qui contribuerait à la vitalité de la destination urbaine.
L’hôtellerie fonce
En France, la société Adagio cherche à répondre aux besoins occasionnels d’hébergement des télétravailleurs avec son programme Commuters. Celui-ci cible les travailleurs urbains qui résident en région éloignée, mais qui doivent se rendre sur leur lieu de travail deux ou trois jours par semaine. Les appartements-hôtels offrent plusieurs commodités, dont celle de laisser quelques affaires sur place d’un séjour à l’autre. Le groupe Accord propose lui aussi un programme (Commute and Stay) pour les télétravailleurs qui désirent rester au centre-ville. D’ailleurs, d’après un article publié dans le New York Times, de nombreux hôteliers notent une augmentation de fréquentation en milieu de semaine par des « voyageurs d’affaires » locaux.
Le secteur de l’hôtellerie s’adapte non seulement aux besoins des télétravailleurs locaux, en modifiant leurs espaces et leurs fonctions, mais aussi à ceux provenant de tout horizon qui pourraient être tentés de s’installer pour une période un peu plus longue afin de joindre le travail et les vacances. C’est ce qu’on appelle des séjours de workation.
Les destinations s’organisent
Tout au long de la pandémie, plusieurs destinations ont voulu se positionner auprès des télétravailleurs. C’est le cas de Venise avec sa plateforme Venywhere. Lancé en décembre 2021 par l’Université Ca’ Foscari et la Fondation internationale de Venise, le projet consiste à attirer les travailleurs qui jouissent d’une grande mobilité afin qu’ils occupent temporairement des espaces inhabités du centre-ville. La plateforme offre un service clé en main pour faciliter l’organisation du séjour.
La firme WorkMotion, qui offre des solutions de ressources humaines à l’international, a réalisé un index des villes qui facilitent le mieux le travail à distance et qui sont les plus accessibles et les plus attrayantes pour les télétravailleurs. Sur 80 villes analysées, Montréal se classe au deuxième rang, derrière Melbourne. Les quatre principaux facteurs étudiés pour établir ce classement étaient :
- La conformité aux cadres législatifs pour le télétravail ;
- La possibilité de visa de télétravailleur ;
- Les infrastructures publiques ;
- La qualité de vie.
Avec la réouverture des frontières et la fin (ou mise sur pause) de plusieurs restrictions sanitaires, les milieux urbains chercheront à attirer de nouveaux segments de clientèle pour dynamiser leur centre-ville. En créant des offres et en adaptant des services qui visent à mieux répondre aux nouvelles réalités des travailleurs d’ici, la destination sera aussi attractive pour les télétravailleurs d’ailleurs !
Image à la une : Helena Lopes de Pexels