Composer avec les changements climatiques

6 minutes de lecture

Camille Derelle Camille Derelle

Avec une augmentation des températures année après année, les répercussions du réchauffement climatique se font déjà sentir dans différents secteurs touristiques au Québec. Si la constance du phénomène lui confère un caractère implacable, des avenues d’adaptations existent pour transformer les menaces en opportunités.

État de la situation au Québec

Le consortium scientifique Ouranos constate un réchauffement des températures au Québec depuis au moins quarante ans et précise que « cette hausse devrait s’accompagner d’une diminution de la durée de la saison d’enneigement, d’une augmentation de la durée des vagues de chaleur et de la quantité de précipitations dans certaines régions du Québec. ». La tendance à la baisse des précipitations de neige sera significative au Sud du Québec.

La tendance à la baisse des précipitations de neige sera significative au Sud du Québec.

La liste ne s’arrête pas là, et comme le montre une enquête de la Chaire de tourisme Transat réalisée en 2017, face à la multiplication des phénomènes météorologiques hors normes, les gestionnaires touristiques du Québec reconnaissent que les changements climatiques ont déjà un impact sur leur secteur. Si globalement, ils se sentent peu informés sur les menaces et les opportunités liées aux variations du climat, plus de la moitié sont prêts à poser des actions concrètes au sein de leur organisme dans un avenir rapproché. D’ailleurs, les exploitants ayant déjà entamé des démarches en ce sens sont plus optimistes face à l’avenir de l’industrie que ceux qui sont moins proactifs.

Des changements déjà perceptibles

Concrètement, les impacts liés aux événements météorologiques qui sont ressentis par les gestionnaires se manifestent aussi bien pendant la saison hivernale qu’en été.

impacts-climat-percus

 

Ce large spectre de répercussions influence déjà directement les gestionnaires dans leur planification et leur prise de décision, notamment dans les secteurs suivants :

– Périodes d’activités et de fréquentation

– Finance et investissements

– Service et accessibilité

– Ressources humaines

– Dommages et sécurité

– Expérience client

– Image et réputation

Identifier les opportunités

Dans le cadre d’une présentation intitulée « Changements climatiques et tourisme », Isabelle Charron, Stéphanie Bleau et Kate Germain ont distingué trois secteurs particulièrement aptes à transformer les menaces liées à la saisonnalité et aux extrêmes météo, en opportunités[1].

Le tourisme de plein air

Partout au Québec, la saison estivale se prolonge. Les journées sont plus chaudes, plus longtemps. Ainsi, le mois de septembre des dernières années, plus chaud et ensoleillé, permet une pratique étendue d’activités de plein air auparavant réservées à l’été.

les parcs nationaux anticipent une hausse de 7 % à 10 % de l’achalandage uniquement lié au climat d’ici 2020.

Les variations géographiques du climat constatées ne sont pas uniformes entre le nord et le sud. Par exemple, alors qu’une augmentation de la fréquence et de la durée des épisodes de chaleur extrême a été enregistrée de façon plus prononcée au sud, le nord est davantage marqué par une augmentation des précipitations extrêmes de tous types (pluie, neige, verglas, etc.). Ce constat peut entraîner une nouvelle répartition des flux touristiques. Ainsi, la multiplication des îlots de chaleur urbains, principalement situés le long du Saint-Laurent, assure aux espaces naturels du nord et à leur fraîcheur une attractivité nouvelle. De ce fait, les parcs nationaux anticipent une hausse de 7 % à 10 % de l’achalandage uniquement lié au climat d’ici 2020.

L’agrotourisme

Dans le sud de la province, la chaleur augmente, tout comme la quantité de précipitations et le nombre de jours pluvieux. Cette réalité apporte au monde agricole son lot de défis (épidémies, nouveaux insectes, etc.), mais aussi l’occasion de diversifier les cultures. Grâce à l’augmentation des températures, le rendement agricole s’améliore globalement et de nouvelles variétés d’espèces peuvent être introduites, en particulier dans les vergers et les vignobles.

Ce constat concerne particulièrement les producteurs de pommes et de raisins, ainsi que les viticulteurs. Ouranos précise que « d’ici 2040-2050, la plupart des régions du sud du Québec pourraient avoir des conditions climatiques favorables avec suffisamment de jours consécutifs sans gel et suffisamment de degrés-jour de croissance pour faire pousser des variétés comme le Vitis vinifiera (Roy et al., 2017). » Les statistiques produites par le Conseil des vins du Québec témoignent d’ailleurs d’une augmentation de 12,6 % de la superficie des terres cultivées par les producteurs de vin et de raisins au Québec en 2017. L’agrandissement des exploitations a abouti à une augmentation de vin produit de 33,5 % entre 2016 et 2017.

Les sports d’hiver

Comme pour la saison estivale, les variations climatiques en hiver se manifestent différemment au sud et au nord. Ainsi, si une diminution de la neige est constatée à l’extrême sud du Québec, le niveau de la couverture nivale se maintient ou augmente dans le reste de la province.

La diminution du nombre de jours avec une quantité de neige adéquate pour la pratique des sports d’hiver peut compromettre la qualité de l’offre des entreprises de ce secteur. Dans ce contexte, les régions comme Lanaudière, la Mauricie, le Saguenay ou encore la Baie James pourraient se distinguer par rapport au sud du Québec, mais aussi en contraste avec les destinations internationales qui font face aux mêmes défis. Ce contexte constitue une occasion pour les gestionnaires du secteur de diversifier leurs activités pour proposer une expérience hivernale renouvelée.

Pour conclure, les répercussions du réchauffement climatique affectent le quotidien des exploitants touristiques. Combinées aux statistiques du passé, ces données sur l’avenir permettent aux gestionnaires proactifs de réduire efficacement les risques et de mieux saisir les occasions d’adaptation.

 

Source de l’image à la Une : Pexel

[1] Ces données ont été collectées en Mauricie exclusivement. Cependant, le dernier rapport d’Ouranos et de la Chaire de tourisme Transat sur les opportunités liées aux changements climatiques dans les régions de Charlevoix et de Québec a montré que des opportunités similaires s’observent dans les mêmes 3 secteurs.