Stratégies pour mesurer la fréquentation d’un site touristique

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Elisabeth Sirois Elisabeth Sirois

Une gestion efficace des flux touristiques passe par un suivi des données d’achalandage. Nombreux sont les attraits et les destinations qui développent des outils de collecte.

Selon ONU Tourisme (nouvelle appellation de l’Organisation mondiale du tourisme – OMT), les arrivées de voyageurs internationaux augmenteront de 3,3 % par an d’ici 2030. Cet afflux serait relativement facile à absorber si tous les touristes se répartissaient équitablement à destination, mais ce n’est pas le cas ; certains sites sont convoités et attirent un plus grand nombre de personnes. La saisonnalité, les événements météo extrêmes ou l’instabilité politique sont d’autres conditions pouvant entraîner des débalancements.  

La gestion des flux touristiques représente ainsi un enjeu de taille, tant pour les destinations que pour les attraits. Comment identifier les zones les plus sensibles ?  

Évaluer la capacité d’accueil d’un site

D’après ONU Tourisme, la capacité d’accueil (aussi appelée capacité de charge touristique) réfère au nombre maximal de personnes qui peuvent visiter un lieu en même temps, sans provoquer la destruction de l’environnement physique, économique et socioculturel ou diminuer la satisfaction des visiteurs. Il n’existe pas d’approche universelle pour évaluer la capacité d’accueil d’un attrait ou d’une destination. Néanmoins, certains types d’indicateurs peuvent aider à estimer la charge touristique d’un lieu : 

  • Territoriaux : la dimension du lieu, son degré de congestion et le ratio résidants/visiteurs ; 
  • Politiques : l’accessibilité du lieu, les mesures d’urgence et les outils de gestion de crise en place ; 
  • Économiques : les retombées économiques du tourisme pour la destination, les possibilités d’emplois, la rentabilité et la compétitivité des entreprises ;  
  • Sociaux : le degré de satisfaction des visiteurs, la pression sur la population locale, le sentiment de sécurité au sein du lieu ;  
  • Environnementaux : l’impact des activités sur l’environnement (dommages causés aux plantes, au sol, à l’eau, à la faune, etc.), les émissions de gaz à effet de serre.  

Bref, on peut s’intéresser à la capacité d’accueil d’un site en tenant compte de plusieurs dimensions. Pour respecter les communautés, désengorger les infrastructures, offrir une expérience client agréable et préserver le patrimoine naturel, culturel et bâti, les destinations sont de plus en plus nombreuses à mesurer la fréquentation de certains sites. Il est d’abord essentiel d’établir un dialogue avec les communautés résidentes pour mettre en place une stratégie de mesure adaptée à la réalité locale. Cette démarche permet de jauger ce que représente un nombre acceptable de visiteurs. 

Mesurer la fréquentation d’un site permet de jauger ce que représente un nombre acceptable de visiteurs. 

Mesurer la fréquentation d’un site

Mesurer la fréquentation d’un site passe par le suivi des données d’achalandage. Une fois recueillies, ces informations permettent d’évaluer la pression exercée sur le lieu, de rediriger les clientèles vers des endroits moins achalandés s’il y a lieu, ou même, de les inciter à planifier leur visite en dehors des heures de pointe. Il existe différentes méthodes de collecte de données. En voici quelques-unes.  

Le comptage manuel

Le comptage manuel est une méthode terrain généralement utilisée pour évaluer l’achalandage à petite échelle. Cette technique permet aussi de collecter des informations qui peuvent servir à qualifier l’échantillon, tels que l’âge ou le sexe. 

À titre d’exemple, The People Mooving Count, issu du programme CIVITAS développé par la Commission européenne, propose une méthode permettant de calculer le nombre de personnes qui se déplacent dans un espace et par quels moyens. Ces informations donnent une idée de la fréquentation d’un lieu à différents moments de la journée et de son accessibilité par divers modes de transport. Cette méthode de comptage peut être utilisée pour mesurer l’efficacité d’un nouveau passage piéton, la popularité d’un festival ou l’attractivité d’un parc, par exemple.  

La ville de Copenhague, au Danemark, l’applique pour calculer les déplacements et habitudes de la population. Les chiffres recueillis représentent un atout pour les différents niveaux de gouvernance impliqués dans la planification des transports et la gestion des flux touristiques (lire aussi : La mobilité comme service, les bénéfices pour l’industrie touristique). 

Les progrès technologiques permettent une variété de méthodes de collecte qui requièrent moins d’efforts et de ressources, tout en produisant un plus grand volume de données. 

Les applications mobiles

Depuis 2016 en Australie, l’État de la Tasmanie, en collaboration avec l’Université de la Tasmanie, recueille les données des voyageurs via une application mobile qui enregistre leurs déplacements en temps réel, à la fois à l’échelle de la destination et des attraits. L’outil génère également de courtes enquêtes qui colligent des informations à propos, entre autres, de la provenance et de l’âge des voyageurs ainsi que de leur objectif de visite et des réseaux sociaux utilisés pendant leur séjour. 

Ces données sont ensuite regroupées dans un tableau de bord, le Tourism Tracer, disponible en ligne. Le niveau de détail du Tourism Tracer permet de connaître, notamment, la durée pendant laquelle une personne s’arrête à un belvédère, traverse un parc national ou parcourt une galerie d’art.  

En Nouvelle-Aquitaine, en France, l’application mobile Maplage.info permet aux sauveteurs de saisir en temps réel certaines données relatives à l’occupation des plages qu’ils surveillent, soit l’affluence sur le sable ainsi que dans la zone de baignade, les services et équipements disponibles, laccessibilité du lieu, les conditions de baignade, la température de l’eau et la météo. Ces informations sont ensuite mises à disposition des offices de tourisme et des prestataires touristiques de la région pour diffusion. Le tout est également disponible sur une plateforme qui permet aux voyageurs de planifier leur visite selon ces avis ou de se diriger vers les emplacements les moins achalandés. 

Les capteurs et compteurs

En Islande, Visit Iceland donne accès aux données de fréquentation touristique des sites naturels particulièrement achalandés. Ces informations sont récupérées par des capteurs infrarouges placés stratégiquement sur le territoire. Les données de passage des visiteurs sont collectées pour être ensuite analysées et présentées dans un tableau de bord accessible aux voyageurs comme aux opérateurs touristiques. L’objectif est d’assurer un suivi de la fréquentation de certains sites et d’inciter à la planification de visite en dehors des périodes les plus achalandées.  

En France, certains lieux culturels, comme le musée du Louvre, le Centre Pompidou et le muséum d’histoire naturelle du Havre, collaborent avec la solution technologique Affluences. Cette dernière utilise des capteurs et des compteurs permettant de visualiser les zones les plus fréquentées, de contrôler la capacité d’accueil en configurant des «alertes de dépassement de visiteurs» et de calculer le temps d’attente à l’accueil ou dans certains points d’intérêt, comme l’aire de restauration. Ces renseignements permettent de rediriger leclientèles vers les zones les moins fréquentées ou les files d’attente les plus courtes, tout en garantissant leur sécurité et leur confort 

La gestion des flux, une nécessité

Les visiteurs participent à la dégradation de l’environnement naturel d’une destination ou d’un attrait sous plusieurs formes. Une forte concentration de touristes engendre de facto des émissions de gaz à effet de serre plus élevées, en plus de créer une pression sur les infrastructures et le patrimoine bâti.  

Dans certains cas, l’expérience client est affectée en raison des longues files d’attente, des embouteillages qui compliquent les déplacements, du bruit, de la lenteur des services, des prix exorbitants et de la propreté de certains lieux. La progression des déplacements touristiques mondiaux nécessitera des attraits et des destinations qu’ils mesurent et gèrent leur achalandage.  

Image à la une : Pexels