La randonnée comme outil de positionnement

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Claudine Barry Claudine Barry

Plus d’un voyageur québécois sur cinq fait de la randonnée ou une activité d’aventure en voyage. Les Français sont friands de marche en nature et les Américains sont de plus en plus nombreux à s’y adonner. Les régions du Québec gagneraient certainement à développer et promouvoir davantage le tourisme de randonnée.

Les circuits mythiques que sont le GR20, les Chemins de Saint-Jacques de Compostelle ou encore la Long Trail constituent d’importants produits d’appel pour les régions traversées, qu’il s’agisse de les parcourir en tout ou en partie. Les circuits spécifiques à la marche ou à la randonnée permettent à des municipalités éloignées de bénéficier de retombées touristiques et aux voyageurs de vivre des expériences mémorables.

 

Des bénéfices pour tous

Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), qui publiait un rapport au début de 2019 sur le tourisme de marche, celui-ci comporte de nombreux avantages tant pour les voyageurs que pour les destinations. Les touristes qui choisissent de découvrir un lieu par la marche ou la randonnée s’exposent davantage que les autres à développer des relations avec la population locale. Ils se croisent sur les routes ou sur les sentiers, dans les commerces de proximité ou dans les établissements d’hébergement des petites municipalités, souvent à l’écart des grands centres touristiques.

Aussi, la randonnée s’insère dans plusieurs tendances, notamment la quête du bien-être par l’activité physique et le dépassement de soi, le tourisme lent (slow tourism), les voyages transformationnels et les séjours à empreinte écologique réduite. L’intérêt grandissant pour la course de sentier et la marche nordique, technique scandinave qui nécessite l’emploi de bâtons et où tous les membres du corps sont mis à profit (un peu comme le ski de fond), contribue aussi à donner un nouvel élan à la randonnée.

La destination qui développe le tourisme de marche bénéficie également de plusieurs avantages. Comme le révèle l’OMT, c’est un secteur d’activité qui :

  • exige des investissements plutôt faibles par rapport à d’autres types de produits de tourisme sportif ;
  • ne nécessite pas d’infrastructures lourdes ou de grande capacité, ni d’une logistique complexe ;
  • concerne un important marché, qu’il s’agisse de marcheurs du dimanche ou de randonneurs aguerris ;
  • bonifie l’offre touristique déjà existante, permet de prolonger le séjour et de répartir la demande sur plus d’une saison ;
  • constitue une offre écoresponsable si elle est gérée adéquatement ;
  • favorise l’activité physique chez les résidents.

Le marché des randonneurs

La randonnée fait partie des principales activités des Canadiens et des Québécois lorsqu’ils voyagent. Selon les données de Vividata 2019, quelque 18 % des Canadiens ont fait de la randonnée ou une activité d’aventure à l’occasion d’un voyage réalisé au cours des 12 derniers mois (voir le graphique 1). Cette proportion s’élève à 20 % parmi les voyageurs québécois.

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Aux États-Unis, le nombre de randonneurs a crû de 50 % en 10 ans. En 2017, 15 % de la population américaine de 6 ans et plus a fait de la randonnée au cours de la dernière année, selon l’organisme Outdoor Foundation. En France, c’est aussi une activité qui connaît une grande popularité. Une étude d’Atout France publiée en 2019 dévoile qu’elle est le sport préféré des Français. Au cours des cinq dernières années, 35 % d’entre eux ont fait au moins un voyage dont la randonnée était la principale motivation de séjour.

Des facteurs de succès

Pour répondre à ce large marché et se positionner favorablement, l’offre doit répondre à certains critères. En voici quatre :

  • L’attractivité: évidemment, le sentier ou le trajet doit comporter des éléments d’intérêt pour attirer des marcheurs. La qualité des paysages, les composantes naturelles et culturelles, l’entretien font partie de ces atouts. Les routes asphaltées n’ont pas la cote auprès des randonneurs en général.
  • Les services : l’accès à des services touristiques adéquats (hébergement, équipements sanitaires le long du trajet, disponibilité de cartes des sentiers, signalisation, etc.) est essentiel pour répondre aux besoins de base des randonneurs.
  • La sécurité : pour susciter l’intérêt et donner un sentiment de sécurité, le circuit doit être fréquenté. Que ce soit par la population locale ou par des visiteurs, il faut passer le mot et maintenir une certaine activité sur les lieux pour garder le trajet bien vivant et sûr.
  • Le marketing : un plan marketing sur mesure en fonction des marchés ciblés s’avère nécessaire pour faire connaître le circuit. Des activités de promotion, comme l’organisation d’un événement annuel, permettent de donner une vitrine à la région et à son offre de randonnée. L’EuroNordicWalk Vercors, un rassemblement de marcheurs nordiques qui se déroule annuellement depuis sept ans dans le massif du Vercors, en France, l’illustre bien. Voici sa vidéo promotionnelle :

Source : Daily Motion

Des outils inspirants

Des destinations nordiques dont le produit phare est la randonnée proposent des outils utiles pour promouvoir leur offre, mais aussi pour encadrer et préparer les voyageurs. C’est le cas de Visit Greenland, l’organisme de gestion de la destination (OGD) qui publie l’Ultimate Greenland Hiking Guide. Celui-ci rassemble une foule d’informations sur les conditions particulières que revêt la randonnée sur ce territoire au climat aride. Le guide est abondamment illustré et facile à consulter. On y trouve notamment une section sur les façons de choisir le bon circuit de randonnée, sur les essentiels de la randonnée au Groenland ou encore sur les comportements à adopter en présence d’un ours polaire.

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La Norvège, avec ses fjords spectaculaires et sa nature abondante, est aussi une destination prisée des randonneurs. L’OGD du pays réserve une part importante de son site Web à cette activité. On y trouve notamment plusieurs vidéos sur les randonnées les plus populaires. Bien que les informations soient disponibles par écrit, chaque vidéo, animée par un guide local, présente les principales caractéristiques du circuit, rendant la préparation du voyageur beaucoup plus agréable. En voici un exemple :

Vidéo : Vimeo

Le Québec sur la bonne voie

Certains sites Web d’associations touristiques régionales (ATR) du Québec offrent une belle vitrine aux possibilités de randonnée dans leur région. Celui des Cantons-de-l’Est propose une recherche selon plusieurs filtres, par exemple le niveau de difficulté et la durée. La startup Hickster, grâce à un partenariat avec Rando Québec qui permet de recenser plus de 3 000 sites, contribue aussi à promouvoir et favoriser la pratique de la randonnée au Québec.

Plusieurs réseaux de sentiers et des circuits de marche de longue durée se déploient depuis quelques années. Le Grand Sentier, qui traverse le Canada d’est en ouest, le Sentier des Appalaches (SIA-QC) en Gaspésie ou encore le Sentier Notre-Dame–Kapatakan dans le fjord du Saguenay en sont quelques exemples. Les nombreuses possibilités de randonnée au Québec sont méconnues, souvent transmises de bouche à oreille. Il s’agit pourtant d’un excellent outil de positionnement et d’un produit touristique qui permet un étalement de la saison et une meilleure répartition des retombées touristiques sur le territoire, tout en s’inscrivant dans une perspective de développement durable.

 

Image à la une : Pixabay