Attractivité territoriale, plus que du marketing touristique

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France Lessard France Lessard

Des régions touristiques tentent de se démarquer en créant une image de marque forte. D’autres se tournent vers le développement de leur attractivité territoriale. Pour y parvenir, elles misent sur leur ADN et sur l’implication de leurs citoyens.

La Chaire de tourisme Transat, en collaboration avec Tourisme Montréal, dévoilait le 21 janvier, les sept tendances qui continueront de rythmer l’activité touristique dans les prochaines années. Les conférenciers, Paul Arseneault et Pierre Bellerose ont partagé le fruit de leurs réflexions afin d’aider les entreprises à amorcer la nouvelle décennie.

 

 

Le paradoxe du marketing territorial

Pour se faire connaître et attirer de nouvelles activités sur leur territoire, les régions et les municipalités utilisent souvent des techniques traditionnelles de mise en marché qui empruntent une approche de « push marketing » et reposent avant tout sur :

  • La création d’une image de marque pour représenter l’ensemble des forces vives du territoire et rayonner à l’intérieur et au-delà de leurs frontières ;
  • L’affichage de leurs atouts pour se démarquer, sortir du lot, attirer l’attention des entreprises, des investisseurs, des nouveaux résidents potentiels et des visiteurs.

Le paradoxe est que ces images de marque finissent toutes par se ressembler et que peu d’entre elles ressortent réellement du lot puisque tout le monde s’y met.

Cela est d’autant plus vrai que diverses organisations d’un même territoire (développement économique, promotion touristique, parc industriel, etc.) peuvent présenter chacune une image de marque distincte pour rejoindre un public précis et que les moyens pour promouvoir cette image sont souvent insuffisants pour réellement ressortir dans l’espace public.

Et qu’en est-il de l’attractivité territoriale ?

 Si l’objectif final est le même que celui du marketing territorial, l’attractivité territoriale est une approche qui s’inspire plus du « pull marketing », c’est-à-dire plus centrée sur la satisfaction des utilisateurs du territoire, qu’ils soient résidents, entrepreneurs ou touristes. L’idée ici est de les fidéliser et de rejoindre de nouvelles clientèles par la diffusion de cette image positive via ces ambassadeurs.

Cette approche semble plus en phase avec le contexte actuel où les visiteurs recherchent des destinations authentiques et se réfèrent aux locaux pour mieux connaître et décider de l’achat de produits et de services offerts sur place.

L’attractivité territoriale commande toutefois de bien cerner les besoins et les attentes des clientèles que l’on désire intéresser, et surtout de bien se connaître pour faire valoir nos avantages les plus significatifs pour ces clientèles. La promotion de l’image de marque demeure importante, mais elle doit alors reposer sur des bases solides et authentiques pour créer l’attraction, puisque ce sont les utilisateurs actuels du territoire qui en seront en bonne partie les porte-paroles et la force de persuasion.

Savoir reconnaître l’ADN de son territoire

L’ADN constitue nos chromosomes et porte nos gènes, donc l’essence même de nos caractères héréditaires. Par association, l’ADN d’un territoire est composé des diverses filiations historiques et actuelles qui construisent sa personnalité. Sa population, son histoire, ses caractéristiques physiques, tous ces éléments participent à mieux connaître et reconnaître ce qui fait l’unicité de son territoire. Et de ce fait, à mieux le développer pour le rendre attractif.

À titre d’exemple, l’ADN du produit touristique montréalais se définit entre autres par le caractère latin, accueillant et festif de sa population, sa résilience face aux crises, sa géographie insulaire, son urbanisme à la fois européen et nord-américain et enfin par ses dualités. Toutes ses réalités expliquent que Montréal se définit comme une « ville de tensions positives » à l’intérieur de laquelle le tourisme se développe par zones et par pôles d’attraction.

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Source : Conférence Pierre Bellerose

En Abitibi-Témiscamingue, dans les Cantons-de-l’Est, dans Lanaudière et plusieurs autres régions du Québec, des démarches de marketing de territoire sont en cours. Comment éviter les erreurs ? Une approche d’attractivité territoriale présente des défis majeurs puisqu’il est difficile de séparer l’attractivité touristique de celle cherchant à attirer de nouveaux résidents pouvant combler les besoins de main-d’œuvre. D’où l’importance de développer son pouvoir attractif d’abord pour les citoyens et les entreprises actuels et futurs, pour ensuite mieux rejoindre les visiteurs.

Pour mener à bien un exercice d’attractivité territoriale, il semble donc essentiel de savoir au départ d’où l’on vient pour mieux comprendre qui l’on est et où l’on va. Il faut donc bien définir l’ADN de son territoire :

  • Le tout commence par bien comprendre les filiations historiques – petites et grandes, passées et plus récentes – du territoire. Cela aide à préciser les autres dimensions.
  • Qui sommes-nous ? Comment pouvons-nous nous définir ?
  • Qu’est-ce qui nous différencie ? D’où provient notre unicité, notre identité collective ?
  • Quelles sont nos caractéristiques géographiques, physiques et culturelles ?
  • Quelles sont nos valeurs communes ? Notre façon de vivre ?
  • De quoi sommes-nous fiers ?

Les réponses à ces questions permettent ensuite de mieux se faire connaître, de faire valoir nos acquis, de mieux faire comprendre et imaginer les expériences que l’on pourra vivre comme résident, travailleur ou visiteur en habitant ce territoire.

La mobilisation et l’innovation territoriale comme stratégie de revitalisation

Comment l’attractivité territoriale peut-elle aider à faire face à la dévitalisation des communautés ? Certaines municipalités s’engagent dans une démarche qui mise avant tout sur la mobilisation des citoyens afin de :

  • Mieux appréhender l’avenir, créer de l’optimisme ;
  • Rester compétitif malgré des travaux d’envergure ;
  • Améliorer la qualité de vie ;
  • Mettre fin aux guerres de clocher et ficeler des partenariats ville-région, région-région.

Un bel exemple de mobilisation d’un territoire est celui de la démarche participative Culturat « qui vise à faire de l’Abitibi-Témiscamingue un territoire créatif et accueillant, animé par une diversité de cultures et de talents ». L’enthousiasme de tous les milieux participants a transformé ce projet de tourisme culturel en projet de société qui fait la promotion d’une région par les arts, la culture et son identité. 

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Source : Culturat

« Les projets qui ne tiennent pas en compte les intérêts de la population mènent toujours à des désastres » – Phyllis Lambert (architecte montréalais)

D’autres peuvent s’inscrire dans une démarche à plus long terme d’attraction par l’innovation.

En tourisme, les experts proposent une formule qui comprend les cinq éléments suivants (voir infographie) :

  • Affronter la résistance au changement
  • Cerner les problématiques et les opportunités
  • Adopter une posture et une vision
  • Faire les premiers pas pour activer le tout
  • Se mobiliser autour de l’innovation.

formule innovation destination

Source : Réseau de veille en tourisme

En résumé…

L’attractivité territoriale commande une implication citoyenne qui passe nécessairement par une adhésion politique.

Elle exige aussi de « penser hors de la boîte » et donc de se montrer créatif à tous les niveaux et éventuellement de sortir des carcans imposés par les structures institutionnelles.

Bien comprendre l’ADN, les caractéristiques ainsi que les contraintes de la destination est essentiel. Mais si poser un bon diagnostic est un défi réalisable, passer à l’action est plus complexe.

Pour retrouver l’ensemble des tendances, nous vous invitons à consulter le livre blanc « Tendances touristiques 2020 : paradoxes et transformations » en cliquant ici.  

 

Source image à la Une : Vincent Gollain Overblog