Les institutions culturelles peuvent jouer un rôle important dans l’accueil des réfugiés et des immigrants ; les musées pour enfants l’ont compris.
Lors du congrès de l’Association of children’s museum* (ACM), qui s’est tenu à La Nouvelle-Orléans du 26 au 28 avril 2023, plusieurs musées pour enfants ont partagé des stratégies où l’art, la compassion, et l’éducation sont venus en aide aux populations d’immigrants et de réfugiés de leur région : ces initiatives sont devenues au fil du temps des services ancrés dans la communauté et la culture interne des musées.
Pourquoi des acteurs clés ?
Les musées peuvent agir dans leur communauté, grâce à leurs ressources et leurs missions sociales. Ils possèdent les capacités de créer des opportunités d’apprentissage informelles (hors du cadre scolaire) pour les familles d’immigrants et de réfugiés. Les musées pour enfants, particulièrement, sont des spécialistes pour créer des connexions avec les familles. En plus de faire du bien et d’accrocher un sourire aux visages, le jeu favorise l’apprentissage.
Le jeu est universel et traverse les frontières de la langue.
L’importance de briser les préjugés
La directrice Kathryn Jones du Boston Children’s Museum et ses partenaires ont développé le programme « Beneficiary Voice ». Il s’agit d’un processus qui aide les équipes des musées à mieux comprendre les besoins des communautés pour offrir des activités et des services adaptés. Elle souhaite ainsi briser les préjugés, les fausses croyances et les idées préconçues qui affectent la perception des familles d’immigrants et de réfugiés.
Voici quelques éléments clés du programme :
- Avant même la conception d’une activité :
- Prenez contact avec des organismes culturels ou communautaires pour cerner les besoins.
- Passez du temps avec la communauté sélectionnée.
- Testez l’activité avec des familles avant de la commercialiser :
- Allez au-delà des objectifs éducatifs, pensez au bien-être des familles.
- Privilégiez l’enregistrement des discussions au lieu de la prise de note afin que les participants aient le sentiment d’être écoutés.
- Prévoyez une compensation pour les familles participantes.
- Un mot : rétroaction !
- Impliquez plusieurs départements du musée dans le processus. Tout le monde peut participer à l’amélioration d’une activité ou d’un programme.
- Retournez voir la communauté pour vous assurer de bien comprendre leur point de vue.
- Évaluez l’activité fréquemment.
- Demandez l’avis des partenaires communautaires.
Les couleurs de l’Ukraine
La chercheuse Tetyana Lewińska de l’Université de Varsovie, en Pologne, s’est intéressée à l’accueil des réfugiés ukrainiens en Caroline du Nord. En collaboration avec le Kidzu Children’s Museum, elle a développé un programme pour aider les nouveaux arrivants à s’intégrer dans la communauté. Mme Lewińska a mis en place des activités en appliquant le concept de « Sensibilité interculturelle » qui réfère à la volonté, à la capacité et aux émotions nécessaires pour comprendre des personnes d’horizons différents. Cette approche est d’autant plus importante pour déchiffrer et accepter les valeurs des nouveaux arrivants, mais pour avoir également un regard sensible et attentif envers des enfants qui ont vécu des traumatismes.
Créé à l’été 2022, le programme Les couleurs de l’Ukraine proposait de créer de l’artisanat aux couleurs identitaires du pays. Les ateliers étaient proposés dans la langue maternelle des participants et en anglais. Les activités s’adressaient également aux parents afin de favoriser l’intégration complète de la famille.
À la suite de cette expérience, Mme Lewińska a développé des recommandations et des outils pratiques qui sont bénéfiques non seulement pour ce groupe de réfugiés d’Ukraine, mais qui pourraient également être appliqués dans différents groupes et communautés minoritaires. En voici quelques-uns :
1. Préparer un diagnostic des besoins : ajuster le programme et l’horaire des activités en fonction des besoins spécifiques du groupe. L’implication des représentants locaux de la diaspora ou des immigrants parlant la langue maternelle aide à ce processus.
2. Utiliser différentes ressources : recourir activement au soutien et à l’expérience pratique des organisations professionnelles, des centres de formation et d’éducation. Les ressources universitaires, les bibliothèques et les outils en ligne sont également une source intéressante d’informations.
3. Bâtir des activités durables : construire des relations prend du temps, alors abordez cela comme un marathon plutôt qu’un sprint. Planifiez les activités futures et maintenez le contact avec le groupe.
Mme Lewińska rappelle que parmi les nouveaux arrivants, il peut y avoir des personnes qui ont été victimes de violence armée directe, sont venues des territoires occupés, peuvent avoir vécu une expérience de traumatisme psychologique ou vivent actuellement la perte ou la maladie d’êtres chers. Si nécessaire, demandez l’avis d’un expert.
Ces initiatives d’inclusion ont eu un impact non seulement sur les familles bénéficiaires et les éducateurs, artistes et autres prestataires de services, mais aussi sur les musées eux-mêmes. En fin de compte, ces services créent un changement institutionnel positif et un engagement communautaire. L’empathie et l’enthousiasme font partie intégrante de la vie quotidienne et des opérations de chaque musée.
*Fondée en 1962, avec plus de 460 membres dans 50 états américains et 19 pays, l’ACM est la première société professionnelle au monde à soutenir et défendre les musées pour enfants.
Image à la une : Unsplash