Accueillir une clientèle vieillissante aux défis neurocognitifs

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Amélie Racine Amélie Racine

Au musée, des programmes permettent de mieux accueillir les clientèles atteintes de l’Alzheimer et de leur offrir une meilleure connexion avec leurs proches.

Une population vieillissante

Selon l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), les personnes de 65 ans et plus représentaient 19,3 % de la population en 2019. En 2031, cette proportion atteindra 25 %. Or, les chances d’être atteint de démence ou de troubles neurocognitifs majeurs augmentent avec l’avancement en âge. D’après la Société Alzheimer du Canada, 597 399 individus vivaient avec un trouble neurocognitif au pays en 2020. D’ici 2030, ce nombre touchera près d’un million de personnes.  

Ce contexte n’est pas propre au Québec ou au Canada, plusieurs autres pays à travers le monde suivent des courbes similaires aux nôtres. Depuis quelques années, des sites et attraits touristiques adaptent leur approche afin de mieux accueillir ces individus plus vulnérables, voire de devenir un lieu « thérapeutique » et engagé dans le mieux-être de cette clientèle. Voici deux exemples provenant du milieu muséal. 

Un accompagnement sur place et aussi en ligne

Le Musée d’art contemporain d’Australie à Sydney (MCA) fait vivre des expériences artistiques apaisantes aux personnes atteintes d’Alzheimer ainsi qu’à leurs réseaux de soutien. Depuis 2015, il offre le programme « Artful: Art and Demential » qui s’échelonne sur six semaines à raison d’une visite hebdomadaire de deux heures. En petits groupes, les participants explorent les galeries du musée et s’adonnent à des ateliers de création artistique accompagnés de formateurs spécialisés en art. Pour alimenter leur inspiration entre chaque visite, ils reçoivent un ensemble d’activités intitulées « Artful at home » qu’ils peuvent compléter à leur rythme. La dernière semaine se conclut avec une exposition ouverte aux proches qui présente les œuvres réalisées durant le programme.  

Entre 2016 et 2018, le MCA, l’organisme Alzheimer Australia et le Brain and Mind Center de l’Université de Sydney ont effectué un projet pilote afin de mesurer l’impact de la pratique régulière d’activités artistiques sur le bien-être et la neuroplasticité des individus aux prises avec l’Alzheimer. La vidéo suivante présente le projet ainsi que certains bénéfices ressentis par les participants, notamment une plus profonde connexion avec leurs proches.  

Depuis 2020, le musée offre également une version en ligne du programme ainsi qu’une boîte à outils de création artistique dans laquelle dix activités sont proposées.   

Créer un programme ; par où commencer ?

Le Musée d’art moderne et contemporain de New York (MoMA) a été l’un des premiers établissements muséaux des États-Unis à offrir un programme spécifiquement conçu pour les personnes atteintes d’Alzheimer. Afin d’aider les professionnels à mettre sur pied un tel projet destiné à cette clientèle dans leur propre musée, le MoMA a développé un guide qui détaille les procédures à suivre, étape par étape. 

Voici une liste d’éléments à considérer : 

  • Définir un ou des objectifs et cerner la clientèle cible. 
  • Déterminer le type de programme à privilégier, sur demande ou selon un calendrier préétabli. 
  • Sélectionner des plages horaires et prévoir si le musée sera ouvert ou non au public durant la période prévue. 
  • Considérer la capacité d’accueil du musée et le bruit généré par les visiteurs avant d’établir le nombre de groupes de participants. 
  • Évaluer les coûts et s’assurer que le programme est financièrement viable, soit en cherchant des sources de fonds additionnels à travers l’implication de partenaires, de fondations, de donateurs, d’organismes ou d’entreprises locales. 
  • S’assurer que les personnes intéressées puissent trouver toutes les informations nécessaires avant leur inscription et qu’une personne responsable soit disponible pour échanger avec elles au besoin. 
  • Identifier les facteurs de succès pour bien évaluer le programme dès le départ. 

Collaborer avec des éducateurs de qualité est essentiel à la réussite d’un tel programme. Dans son guide, le MoMA indique qu’ils n’ont pas nécessairement besoin d’avoir au préalable une expérience de travail auprès de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, car ils peuvent acquérir de telles connaissances lors de formations. Par contre, un certain profil d’individus est recherché : 

  • Détenir de l’expérience auprès de personnes ayant des besoins particuliers. 
  • Être à l’aise de travailler auprès de gens âgés aux capacités variées. 
  • Posséder une solide connaissance de l’histoire de l’art et connaître les nuances entre l’enseignement en art en général et l’enseignement dans un musée. 
  • Faire preuve de patience, de gentillesse, de créativité, de flexibilité et d’humour. 

Du personnel additionnel ainsi que des bénévoles sont aussi à compter parmi les ressources qui devront être allouées au programme. 

Les musées, des acteurs sociaux remarquables

En proposant des activités d’art thérapie, en sensibilisant le public à l’Alzheimer ou à d’autres troubles neurocognitifs, en concevant des programmes adaptés aux conditions physiques ou mentales de la clientèle vieillissante, les musées continuent de démontrer l’importance de leur rôle dans la communauté.   

Image à la une : Pexels