Démarches multiples pour contrôler les flux touristiques

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Elisabeth Sirois Elisabeth Sirois

Taxes d’entrée, quotas, tarifications variables, interdictions et limitations il existe plusieurs méthodes pour contrôler les flux de voyageurs.  

L’annonce de l’imposition d’une redevance de 30 dollars aux touristes en visite aux Îles-de-la-Madeleine a fait couler beaucoup d’encre depuis les dernières semaines. La « Passe Archipel », dont la mise en vigueur a d’abord été repoussée, est maintenant optionnelle.  

Elle a pour objectif d’alimenter le Fonds de gestion durable du territoire, visant à financer l’entretien et l’amélioration des infrastructures récréotouristiques, la gestion des matières résiduelles et les initiatives de protection de l’environnement.  

Bien que cette mesure soit une première au Québec, fixer une taxe d’entrée aux touristes (qu’elle soit facultative ou non) n’est pas unique à la province. Dans le monde, de plus en plus de destinations adoptent différents types de tarifications pour les touristes. Les motifs de taxation varient toutefois d’un endroit à l’autre. Pour des destinations comme Venise, ce type de redevance vise à modérer les flux de touristes.  

 

Le cas de Venise

Depuis le 25 avril dernier, les voyageurs journaliers en visite dans la ville de Venise doivent acquitter une taxe d’entrée de cinq euros. Avec cette mesure, la Cité des Doges, qui accueille plus d’une dizaine de milliers de visiteurs à la journée (sans compter ceux qui y dorment), espère les dissuader. Les enfants de moins de 14 ans, les étudiants ainsi que les voyageurs qui séjournent au minimum une nuitée sur place sont exemptés. 

Encore en expérimentation d’ici la fin de l’année 2024, la redevance cible 29 jours de grande affluence, ce qui comprend presque tous les week-ends de mai à juillet. La preuve de paiement se présente sous forme d’un code QR qui doit être téléchargé sur le site Web dédié, puis soumis à des contrôleurs postés aux principaux points d’entrée de la ville. Ceux qui tentent de contourner la formalité sont passibles d’une amende pouvant atteindre 300 euros. 

Nombreux sont les attraits et les destinations qui ont recours à d’autres stratégies que la taxation pour tenter de mieux contrôler les flux de touristes. Devant la gravité de certaines situations, des mesures sévères sont prises pour tenter de freiner l’érosion de lieux historiques, la dégradation de la qualité de vie des résidants ou la perte de biodiversité.  

Les quotas  

La mise en place de quotas permet de limiter l’accès à une destination ou à un attrait en particulier. C’est une stratégie ayant été adoptée à l’été 2022 par la calanque de Sugiton et des Pierres Tombées, non loin de Marseille en France. Le lieu, qui recevait jusqu’à 2 500 personnes par jour, témoignait de marques importantes d’érosion. Depuis, un maximum de 400 visiteurs peuvent s’y rendre quotidiennement. Ces derniers doivent d’abord réserver leur accès (qui demeure gratuit) pour accéder aux sentiers de randonnée de la calanque.  Les autorités du parc prévoient une période d’essai de cinq ans pour permettre aux experts d’évaluer les retombées de cette mesure. À celle-ci s’ajoute également l’intégration de près de 80 agents sur le territoire ayant pour mission de sensibiliser les visiteurs aux impacts de l’érosion et de la surfréquentation. L’île de Porquerolles (en France) et les îles Lavezzi (en Corse) détiennent aussi des quotas qui contrôlent l’accès journalier. 

La tarification variable

La tarification variable comporte des visées variées (lire aussi : Tendances tarification : la modulation a la cote). En matière de gestion des flux touristiques, il peut s’agir d’une stratégie utilisée par les attraits pour attirer les visiteurs hors des heures de pointe. Les systèmes de réservation émettent des billets à des prix différents selon le moment de la journée ou de la semaine. Les clients plus sensibles au prix choisiront les plages horaires moins chères, mais aussi moins achalandées. 

Moduler son tarif peut également permettre de prioriser l’accès aux résidants. En ce sens, certains attraits proposent des tarifs réduits, voire des droits d’entrée gratuits, à la population locale. D’autres, à l’inverse, vendent des billets plus chers aux voyageurs. L’objectif consiste ici à inciter les touristes à choisir des attraits moins fréquentés, à mieux les répartir sur le territoire et à modérer l’achalandage des sites populaires.  

Interdictions et mesures drastiques

Encadrer ou interdire certains comportements qui bousculent les activités quotidiennes des communautés locales est une démarche qui vise à améliorer la cohabitation entre touristes et résidants. À titre d’exemple, la ville de Portofino en Italie interdit depuis avril 2023 aux voyageurs de s’arrêter de marcher pour prendre des photos ou de flâner dans des endroits précis du centre historique de la ville. Le va-et-vient des nombreux visiteurs (des milliers, selon les périodes) est à l’origine de l’engorgement des rues de cette petite communauté. Des amendes pouvant aller jusqu’à 275 euros (environ 390 dollars canadiens) sont distribuées aux contrevenants. 

Plutôt que de contrôler l’accès et les déplacements des touristes, d’autres destinations adoptent la démarche inverse et tentent de redonner les lieux aux populations locales.  

C’est dans cette optique que depuis 2017 Amsterdam interdit l’ouverture de nouveaux magasins destinés aux clientèles touristiques dans son centre-ville, notamment les boutiques souvenirs, les sociétés de location de vélos et les établissements de restauration rapide. Plus récemment en 2021, la capitale néerlandaise a pris la décision d’interdire à plus de 150 établissements situés dans le centre-ville d’opérer en tant que boutiques touristiques. Depuis, il demeure toutefois possible de les reconvertir en établissements plus attrayants pour les habitants de la ville, comme des librairies ou des magasins de vêtements. En 2022, Venise annonçait une démarche semblable, en interdisant l’ouverture de nouveaux points de vente destinés qu’aux touristes. Cette mesure concorde avec les efforts de redevance mis en place.

Implantation de contraintes

Fixer une contrainte de temps de visite est une démarche souvent utilisée dans les lieux patrimoniaux ou protégés. L’objectif consiste à réduire la pression sur les sites pour tenter de les préserver le plus longtemps possible. Par exemple, le gouvernement péruvien limite à quatre heures la durée maximale de visite par personne au populaire Machu Picchu. Les visiteurs qui souhaitent prolonger leur visite doivent retourner à l’accueil et racheter un nouveau billet d’entrée, à moins que le quota journalier de 5 000 personnes n’ait été atteint.  

Certaines destinations optent pour des limites de jours. C’est le cas de l’Île de Pâques qui restreint le séjour des visiteurs à une durée maximale de 30 jours. Aux îles Galapagos, les voyageurs qui arrivent par bateau de croisière ont 15 jours maximum pour découvrir les lieux. À noter qu’ils ne peuvent retourner deux fois au même attrait durant leur séjour. 

Quelle que soit la méthode utilisée, les destinations et les attraits d’un peu partout dans le monde font preuve d’ingéniosité pour contrôler les flux touristiques. Démontrer de la transparence peut s’avérer utile pour éduquer les touristes sur place et les renseigner sur la fragilité des lieux. 

Image à la une : Pexels