La pandémie pousse la ville à se remettre en question

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Claudine Barry Claudine Barry

Des villes plus humaines, plus vertes, mieux aménagées pour les piétons, plus favorables à la vitalité des rues principales… S’agit-il de vœux pieux ou d’un réel coup d’envoi pour un renouveau urbain et des expériences touristiques enrichies ?

Les autorités se mobilisent

D’abord, tout s’est arrêté. Du jour au lendemain, le cœur des villes a cessé de battre. En fait, beaucoup de centres urbains, encore à ce jour, sont maintenus en vie artificiellement. Les travailleurs, les visiteurs, les étudiants et même les résidents se font rares dans les centres-villes depuis maintenant trop longtemps. Les commerces, ceux qui peuvent encore accueillir la clientèle en fonction des mesures sanitaires, en souffrent sévèrement.

Très rapidement, les autorités municipales ont démontré leur capacité à adapter le territoire pour permettre des déplacements sécuritaires. Plusieurs initiatives ont vu le jour dans les grandes et moins grandes villes à travers le monde : piétonisation, nouvelles voies cyclables, zones de rencontre et terrasses sur les trottoirs et les places publiques. Dans un contexte normal, ce type de projets se bute à de la résistance, nécessite des compromis. Mais avec la crise, il a fallu faire vite, adapter pour sécuriser et faciliter la fréquentation des commerces locaux, maillon essentiel de la vitalité des rues principales. La ville est alors devenue un véritable laboratoire de projets pilotes en accéléré. Comme les habitudes de la plupart des gens ont été bouleversées, leur état d’esprit est probablement plus ouvert, plus disposé aux changements.

Tourisme : une haute saison difficile

Le déconfinement estival a soulagé bien des entreprises, dont de nombreux hôtels, restaurants et attraits touristiques en région. Mais la situation dans les centres urbains s’est avérée bien différente. Selon les estimations de Destination Canada, les taux d’occupation moyens dans les grandes villes canadiennes ont rarement dépassé 40 % à 50 % au plus fort de l’été.

Selon le bilan estival de l’enquête sur les impacts de la COVID-19 sur l’industrie touristique québécoise*, la majorité des entreprises situées dans les grands centres urbains du Québec ont vu leurs finances se détériorer davantage durant la haute saison. Les données de la firme STR indiquent un taux d’occupation moyen de 18 % dans les hôtels de Montréal à la fin juillet, du jamais vu.

À court terme : un hiver confiné à domicile… et dehors

Malgré tout, avec l’hiver et la deuxième vague de la pandémie, d’autres initiatives ingénieuses se déploient dans les villes qui doivent conjuguer avec le froid et la neige. Pour des raisons de santé mentale et physique, la population aura plus que jamais besoin de sortir. Cet hiver, la qualité de vie des citoyens passera, entre autres, par l’aménagement des sites extérieurs.

Des architectes, urbanistes et autres professionnels de l’aménagement ont documenté de bonnes pratiques afin d’accompagner les autorités locales dans l’élaboration de concepts adaptés à l’hiver dans un contexte pandémique. Par exemple, pour favoriser la fréquentation des rues commerciales, l’organisation Bench Consulting a mis sur pied le concours Winter Places. Celui-ci vise à multiplier les solutions d’aménagements extérieurs hivernaux à faible coût et à installation rapide. Un guide téléchargeable gratuitement rassemble les initiatives retenues.

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Source : Pexels

À moyen et long termes : pour des villes plus résilientes

De nombreux professionnels du développement urbain se sont prononcés sur l’avenir des villes compte tenu du contexte actuel. La crise favorisera certainement l’accélération de certaines tendances. Des constructions plus durables, davantage d’agriculture urbaine et d’espaces verts ainsi qu’une place grandissante pour le transport actif et à propulsion électrique constituent des cibles qui gagneront en importance.

Dans cette mouvance, une cinquantaine d’experts et de personnalités influentes au pays, sous l’impulsion de l’ex-urbaniste en chef de la Ville de Toronto, Jennifer Keesmaat, signent la Déclaration 2020 pour la résilience des villes canadiennes. Ce groupe multidisciplinaire propose de développer une économie verte, propre et sobre en carbone en changeant la façon de planifier et d’opérer les milieux urbains. Les signataires formulent ainsi 20 mesures à mettre en place comme point de départ à ce virage. Celles-ci se regroupent sous trois thèmes :

  • Assurer une occupation responsable du territoire ;
  • Accélérer la « décarbonisation » de nos systèmes de transport ;
  • Adhérer au développement durable dans nos environnements naturels et bâtis.

Des solutions concrètes à mettre en place dès maintenant

L’enjeu de la dévitalisation des centres-villes ne date pas de la pandémie. Le magasinage en ligne et les centres commerciaux des banlieues ont contribué à étioler la fréquentation des rues principales. La crise a exacerbé cette dégradation et stimulé la mobilisation des acteurs de différents milieux pour créer des outils concrets de revitalisation. L’Institut urbain du Canada a publié un rapport intitulé : In it Together: Bringing Back Canada’s Main Street qui rassemble des actions pour dynamiser le cœur des villes. Ces propositions sont organisées autour de cinq thématiques phares : les gens, les lieux, le soutien, les commerces et le leadership.

Au Québec, le Centre d’écologie urbaine de Montréal et la Chaire de recherche In.SITU de l’ESG UQAM ont lancé une plateforme Web rassemblant une panoplie de ressources pour l’aménagement des villes, dont six fascicules offrant la marche à suivre pour réaliser des projets de rues conviviales.

Et le tourisme ?

Les villes du Québec sont de véritables moteurs de l’économie touristique. Des centres urbains dynamiques, animés, où les scènes culturelles et gastronomiques sont vibrantes et identitaires, où il fait bon vivre et où les résidents sont fiers et heureux d’accueillir le visiteur, voilà des villes attractives, tant pour les touristes d’agrément que d’affaires. Veillons à ce que la pandémie de COVID-19 ait servi à propulser un virage essentiel pour l’avenir des villes, une sorte de legs qui profite aussi bien aux résidents, aux entreprises qu’aux clientèles touristiques.

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*L’enquête portant sur les impacts de la COVID-19 sur l’industrie touristique québécoise est une étude menée en trois volets, d’avril à septembre 2020, par la Chaire de tourisme Transat en partenariat avec le ministère du Tourisme, l’Alliance de l’industrie touristique du Québec et les associations touristiques régionales et sectorielles.

 

Image à la Une : Pexels