Guider les visiteurs vers un tourisme plus responsable

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Kate Germain Kate Germain

En 2021, 60 % des voyageurs québécois souhaitaient déjà voyager de façon plus responsable. Quelques années plus tard, cette intention s’est-elle traduite en actions ?

L’équipe de la Chaire de tourisme Transat documente depuis trois ans des indicateurs liés au tourisme durable. Principal constat: aucun changement n’est observé quant à la proportion de voyageurs québécois qui adoptent certains comportements écoresponsables.  

Voici quelques résultats relatifs à ces indicateurs qui font l’objet de stagnation depuis les trois dernières années. Ces données proviennent de la plus récente enquête réalisée par la Chaire auprès des voyageurs québécois. 

Aucun changement n’est observé quant à la proportion de voyageurs québécois qui adoptent certains comportements écoresponsables.  

D’autres actions ont été ajoutées à l’édition 2023 de l’enquête. À cet égard, 18 % des répondants disent avoir volontairement limité le nombre de leurs voyages par année pour des raisons environnementales. Également, 9 % des voyageurs qui ont visité le Québec à l’été 2023 rapportent avoir utilisé une voiture 100 % électrique comme mode de transport principal lors d’un séjour. 

Comment accélérer le virage responsable des voyageurs ?

Le nombre de voyageurs responsables atteignant un plateau, les énergies doivent être concentrées sur l’accompagnement des consommateurs et aussi des entreprises de l’industrie afin de multiplier et de promouvoir les offres durables. 

 

Guider la clientèle vers des choix durables

Plusieurs actions peuvent être mises en place par les entrepreneurs touristiques ou les destinations afin de faciliter et favoriser l’achat ou la réservation de produits touristiques responsables et durables. Il peut s’agir par exemple d’inclure des incitatifs ou de reconnaître les efforts des clients. Cela peut être fait sous forme de programme de récompenses. Simplifier l’expérience d’achat et offrir un bon service à la clientèle est une autre solution. Pour les destinations, il peut s’agir de mettre de l’avant les entreprises certifiées par un organisme reconnu par le GSTC 

La Suède possède des forfaits de vacances durables nommés « Climate-Smart Holidays ». Cinq hébergements de l’ouest du pays participent au projet. Ces établissements en nature affichent une transparence totale en matière de gaz à effet de serre émis par nuit. Ils détiennent des panneaux solaires, ont été construits avec des matériaux recyclés et sont équipés pour permettre le compostage des déchets. Les repas sont inclus dans les forfaits et sont approvisionnés directement d’une exploitation agricole voisine. Dépendamment de l’hébergement choisi, les forfaits comprennent des activités de plein air à pratiquer à proximité et/ou le transport pour s’y rendre. Les options de déplacements offertes sont diversifiées, mais le choix durable demeure la priorité. Par exemple, une prise en charge en voiture électrique à la station de train la plus proche des sites est proposée. 

Accompagner les visiteurs dans l’adoption de comportements responsables

L’office de Tourisme Gorges de l’Ardèche – Pont d’arc, en partenariat avec d’autres organisations, a lancé l’Académie des Gorges de l’Ardèche. Classées Réserve Naturelle Nationale Protégée, les Gorges sont les seules en France à permettre aux visiteurs d’y passer la nuit. Or, la région se trouve dans un écosystème fragile. C’est donc pour préserver ce site naturel que l’Académie diffuse une série de vidéos instructives dans lesquelles plusieurs conseils et informations sont partagés. 

Des séjours sans voiture sont également proposés afin que les visiteurs puissent vivre des vacances plus relaxantes, responsables et enrichissantes. Les offres comprennent un itinéraire à vélo, en randonnée pédestre et un itinéraire sur le thème du tourisme lent (slow tourism)

 

Intégrer la communauté dans le développement touristique

Selon l’Organisation mondiale du tourisme, tout développement touristique doit s’appuyer sur les principes durables suivants : 

  • Développer de nouvelles attractions, activités et expériences en se basant sur les ressources, atouts naturels (montagne, forêt, etc.) et culturels (technique artisanale, conception architecturale typique, etc.) intrinsèques au milieu local ; 
  • Obtenir le soutien de la communauté d’accueil, et encore mieux, collaborer avec cette dernière (incluant les résidants) ; 
  • Respecter les valeurs du territoire d’implantation et s’intégrer dans la stratégie touristique de la destination. Dans cette optique, il peut être avantageux de créer des produits à plus grande valeur ajoutée et à moindre impact. 

Des destinations appliquent déjà ces préceptes. En Australie, l’État de la Tasmanie a co-conçu un plan pour l’avenir du tourisme avec et pour la communauté de l’île Flinders de septembre 2021 à septembre 2023. S’appuyant sur les principes du tourisme régénératif, l’objectif de l’initiative The Islander Way est de s’assurer que les visiteurs génèrent des bénéfices positifs pour l’île, ses résidants, son environnement et l’économie locale. Cette collaboration a permis de proposer des projets touristiques ancrés dans la communauté, mais également d’autres initiatives qui permettront une régénérescence en lien avec l’économie circulaire, la gestion des matières résiduelles, la sécurité alimentaire et des actions communautaires. Les initiateurs veillent actuellement à poursuivre cet élan en s’assurant de soutenir les propositions malgré la fin de l’accompagnement à l’automne 2023.  

Vers une démocratisation du voyage responsable

Le nombre de voyageurs québécois ayant porté des actions dites responsables stagne.  Bien qu’un segment de ces voyageurs soit bel et bien tourné vers le tourisme durable, dans ses valeurs et dans ses choix, il reste que pour la majorité, le passage à l’action n’est pas entamé. 

L’intérêt global envers un tourisme responsable est plus important que jamais, non seulement au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde. Selon l’enquête 2023 de Booking.com, 76 % des voyageurs internationaux indiquent vouloir voyager de façon plus responsable au cours des 12 prochains mois. Or, l’aspect économique constitue un frein pour plusieurs. Selon ce dernier sondage de Booking.com, la perception que les options durables sont trop dispendieuses est belle et bien présente pour la moitié de la clientèle internationale.  

Afin que l’augmentation de ce type de voyageurs ne demeure pas une utopie, il faut réellement démocratiser les voyages responsables. L’objectif est d’augmenter la capacité des clientèles à faire des choix durables. Il s’agit donc ici de faire de ces décisions, des décisions par défaut et de libérer les voyageurs de la pression qu’ils subissent pour rechercher et sélectionner des expériences durables. Plus le nombre de produits offerts sera grand, plus les prix diminueront et cette offre deviendra graduellement la norme.  

Cet article se retrouve dans le Cahier Tendances 2024 réalisé par l’équipe de la Chaire de tourisme Transat. 

Source de l’image à la une: Pexels