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Analyses - 26 janvier 2006

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janvier 2006

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Alors que le commerce équitable gagne un nombre grandissant de partenaires et d’adeptes, qu’en est-il de ce phénomène dans le secteur du tourisme? Quels sont les parallèles et les distinctions à faire entre commerce équitable et tourisme équitable?

Des échanges commerciaux plus équitables entre pays du Nord et du Sud

L’une des premières similitudes entre «commerce équitable» et «tourisme équitable» – qualifié aussi de tourisme solidaire ou de tourisme éthique (lire aussi: Le tourisme durable, équitable, solidaire, responsable, social… un brin de compréhension) – concerne leur cible commune, soit un juste partage des profits avec les pays du Sud afin, notamment, d’y améliorer les conditions de vie des populations et d’y favoriser le développement durable.
Voici les principes du tourisme équitable tels qu’ils ont été définis lors du Forum international tourisme solidaire et développement durable (2003):

  • permettre un juste partage des profits avec les populations du Sud directement concernées; 
  • conforter les sociétés locales, grâce à des dynamiques économiques autonomes; 
  • faciliter la rencontre avec l’autre; 
  • permettre de valoriser les ressources locales et de conserver le patrimoine; 
  • rassembler et organiser les acteurs locaux en réseaux d’économie solidaire; 
  • jouer un rôle d’éducation au développement pour les voyageurs des pays du Nord; 
  • minimiser l’impact sur le milieu environnant et ses ressources.

Un tourisme équitable pour contrer les iniquités 

La croissance du tourisme international amène plusieurs pays du Sud à miser sur le tourisme pour créer des emplois, pour susciter le développement d’infrastructures, pour attirer des investisseurs étrangers et pour générer des devises. Force est de reconnaître, en plus des perturbations environnementales et sociales associées aux modes traditionnels de développement touristique, que le tourisme, une fois installé, peut engendrer diverses iniquités pour la population des pays visités:

  • zones touristiques interdites d’accès aux populations locales; 
  • prostitution et tourisme sexuel impliquant des enfants (phénomène en croissance dans les pays du Sud); 
  • surconsommation d’eau dans les hôtels – souvent localisés à côté de communautés qui doivent se rationner; 
  • emplois saisonniers et précaires où les plus bas échelons et les plus bas salaires sont réservés à la population locale, alors que les postes de cadres sont occupés par des étrangers; 
  • incapacité pour les travailleurs du tourisme de demeurer à proximité des zones touristiques en raison du prix du logement, ce qui les oblige souvent à faire quotidiennement plusieurs heures de route pour se rendre au travail; 
  • acculturation; 
  • etc.

Finalement, il apparaît que les gains économiques réels du tourisme ne sont pas toujours au rendez-vous pour les pays en développement. Plus un pays est pauvre ou limité sur le plan de ses ressources (petites îles), plus il doit importer des biens et des services (meubles, nourriture, main-d’oeuvre spécialisée, etc.) pour rencontrer les standards des chaînes hôtelières et des voyagistes internationaux. Et, dans bien des cas, les profits sont aussi rapatriés dans les pays d’origine des investisseurs. Selon la Banque mondiale, 55% de la somme dépensée par un touriste à destination d’un pays en développement revient dans l’économie des pays riches, et ce pourcentage peut atteindre 80% dans certains cas.

L’équité, est-ce que ça se vend?

Divers projets de commerce équitable démontrent qu’il est possible de promouvoir avec succès l’adoption de comportements d’achats différents auprès des consommateurs. Selon l’expérience européenne, certains ingrédients importants doivent être réunis:

  1. Un organisme de certification fort: jouant un rôle de catalyseur qui garantit aux consommateurs l’authenticité des produits et qui est capable, à la fois, de soutenir véritablement les groupes de producteurs et d’augmenter le volume des ventes. 
  2. Un bon soutien institutionnel et des alliances stratégiques: se basant sur l’implication d’ONG* de développement international ainsi que sur des appuis de syndicats, de groupes environnementaux, d’organisations de consommation ou de défense des droits humains, afin de bâtir la crédibilité du commerce équitable aux yeux du public et des entreprises. 
  3. Un réseau de distribution à grande échelle: rendant facilement accessibles les produits équitables là où les gens ont l’habitude de faire leurs achats; bref, implanter le commerce équitable au sein même du commerce traditionnel en s’emparant d’une part de marché. 
  4. Un produit de qualité: répondant à un éventail de goûts et aux besoins des consommateurs à un «prix concurrentiel» et pouvant s’appuyer sur un emballage et une publicité qui le distinguent. 
  5. Une grande visibilité médiatique: permettant au public, à partir de sources indépendantes, de prendre conscience que ses choix de consommation ont des répercussions sur les populations du Sud.

Au Québec, plusieurs de ces ingrédients sont maintenant réunis. Le commerce équitable bénéficie, depuis un certain temps déjà, de la participation active d’organisations qui en font leur raison d’être (par ex.: Équiterre). Plus récemment, on a assisté à la multiplication des points de vente, notamment à la suite de l’implication de grandes chaînes (ex.: Starbucks et A.L. Van Houtte). Finalement, des entreprises reconnues et des vedettes aident aussi à faire la «promotion de la cause» (ex.: le Cirque du Soleil ne sert et ne vend que du café équitable).

Plus qu’une mode, ce phénomène apparaît comme une tendance de fond qui a graduellement maturé au cours des dernières décennies. Le «tourisme équitable» peut-il miser sur les mêmes ingrédients qui contribuent au succès du «commerce équitable»?

La suite de cet article, qui tente de répondre à cette question, paraîtra dans notre édition du 15 février.

* ONG: Organisation non gouvernementale

Sources: 

– Chelin, Véronique. «Les consomm’acteurs équitables», Le Devoir, 13 mars 2005.
– Désiront, André. «Le tourisme comme moyen de partager», La Presse, 10 janvier 2004.
– Gervais, Lisa-Marie. «L’équitable se met à table», La Presse, 16 mai 2005.
– El Alaoui, Françoise. «Le tourisme équitable», mémoire de recherche de maîtrise de management du tourisme, École supérieure de gestion de Paris, soutenu le 25 septembre 1999 et mis à jour en 2002, [http://elalaoui.free.fr/table.html].
– Forum international tourisme solidaire et développement durable, [www.tourisme-solidaire.org].
– «Le tourisme n’aide pas toujours le développement, La Revue Durable, no 11, Dossier: Quel tourisme pour une planète fragile, juin-juillet-août 2004.
– Waridel, Laure et Sara Teitelbaum. «Rapport de recherche/commerce équitable: une poussée pour des échanges plus justes aux Pays-Bas, en Suisse et en France, 1999.

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