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Analyses - 27 juillet 2007

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juillet 2007

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Vers l’instauration d’un «autre tourisme»

Dans l’analyse «Un autre tourisme est-il possible?», nous avons abordé le volet éthique du tourisme, ses contradictions et les diverses formes de tourisme alternatif. Dans celle-ci, nous tenterons de résumer, dans une perspective de développement durable, les contraintes à surmonter et les bonnes pratiques touristiques proposées par Marie-Andrée Delisle, directrice d’une entreprise spécialisée en développement touristique, et Louis Jolin, professeur en tourisme à l’UQAM, dans leur livre intitulé «Un autre tourisme est-il possible?».

Des conséquences positives, mais aussi négatives

Le tourisme apporte son lot de conséquences positives: facteur de rencontre, de dialogue, de rapprochement entre les pays, mise en valeur de la diversité culturelle, occasion de détente et d’amélioration de la qualité de vie, vecteur de développement social, culturel et économique des communautés d’accueil. En contrepartie, le tourisme s’expose aussi aux excès et aux risques de dérapage, au déséquilibre entre les visiteurs et les visités, aux iniquités et aux dérives…

Delisle et Jolin font état d’un certain nombre de contraintes auxquelles se heurte le développement d’un «autre tourisme». Ils suggèrent des avenues pour en atténuer les effets négatifs et citent aussi des exemples.

  • L’industrialisation du tourisme de masse

Le tourisme est devenu un «produit» accessible à une grande partie de la population, les destinations veulent accroître le volume des visiteurs, les produits se standardisent et les grands conglomérats font trop souvent fi des politiques d’équité, du développement durable ou des capacités d’accueil d’une destination.

On voit apparaître des voyagistes qui se dotent de nouvelles règles de fonctionnement plus respectueuses de l’environnement physique et social et, depuis quelques années, des séminaires sur le tourisme durable s’inscrivent à l’ordre du jour des grandes foires commerciales du tourisme.

  • Les impératifs de la rentabilité

Guerre de prix, contrôle de coûts, marge de profit… les entreprises carburent au volume et recherchent la rentabilité à tout prix.

À l’opposé, le marché du tourisme alternatif s’articule autour de groupes de petite taille. Par conséquent, les faibles volumes, la volonté d’assurer localement des retombées financières et le marketing à mettre en place engendrent souvent des coûts élevés et une faible marge bénéficiaire.

  • La qualité inégale des infrastructures de certaines destination

La qualité des infrastructures se révèle souvent inégale entre les différentes destinations ou elle ne répond pas adéquatement aux exigences des voyageurs: site difficile d’accès, niveaux de confort et d’hygiène rudimentaires, etc.

L’accueil de touristes ne s’improvise pas; cela requiert de la préparation et un minimum d’infrastructures, en plus de l’orchestration du développement en fonction du type de clientèle que l’on veut recevoir. De son côté, le voyageur a aussi la responsabilité de s’informer sur le type d’équipements offert dans le coin de pays qu’il désire visiter.

  • Les exigences des marchés difficilement conciliables avec une recherche réelle d’authenticité

Concilier les exigences des marchés avec une recherche réelle d’authenticité devient une équation difficile à résoudre alors que l’accueil d’étrangers modifie d’emblée le mode de vie de la population visitée (lieux très fréquentés, bruit, etc.) et que l’on se demande jusqu’où il faudra aller pour combler les besoins des visiteurs.

Pour faciliter la rencontre entre les visiteurs et la population locale, Delisle et Jolin suggèrent trois pistes: l’implication de la communauté d’accueil dans le processus de développement du projet touristique, un guide local qui sert de catalyseur de l’expérience touristique et, finalement, un code de conduite à l’égard du visiteur.

  • Les carences dans la formation et la maîtrise du processus de développement chez les hôtes locaux

Un manque d’expérience et d’expertise entraîne une improvisation dans le développement de l’offre et de sa commercialisation.

La mise en place de support aux organisations touristiques et la formation constituent deux moyens pour bien structurer l’offre touristique.

  • Les règles du jeu de la commercialisation avec les intermédiaires

Il est difficile de connaître les rouages du réseau de distribution et d’en tirer sa juste part.

Il importe de faire converger les intérêts des intermédiaires et de la communauté d’accueil et d’établir un partenariat solide et équitable.

  • Le contexte politique et la quête de sécurité

Les lois, les règlements, le manque de soutien financier, de même que le climat d’insécurité et les conditions sanitaires, peuvent devenir une entrave au développement touristique.

Le tourisme durable passe par la reconnaissance d’un tourisme issu d’un milieu communautaire et rural et tous les paliers d’intervention doivent favoriser son essor.

De bonnes pratiques touristiques

Par ailleurs, Delisle et Jolin font ressortir quelques bonnes pratiques qui permettent de s’engager dans la voie qui mène vers un «autre tourisme».

  • L’unicité de l’expérience

Le contexte: une forte compétition entre les destinations. Le défi: offrir une expérience distinctive en mettant en valeur ses ressources naturelles et culturelles, en misant sur des avenues alternatives aux autres produits, en faisant en sorte que le voyageur brise sa routine et que l’expérience lui apporte une forme de bien-être, en établissant des liens qui favorisent les échanges entre visiteur et visité. Le mode d’emploi: épier la concurrence car elle change constamment, bien connaître sa clientèle cible, remettre régulièrement son produit au goût du jour, établir des partenariats équitables.

  • Une gouvernance participative

La clé du succès du développement d’un projet touristique durable consiste à établir une complicité avec la communauté locale, c’est-à-dire à consulter les gens et à les impliquer afin de susciter leur adhésion au projet et d’en assurer la viabilité à long terme.

  • L’éducation des visiteurs

Il incombe aux intermédiaires de bien informer les voyageurs des conditions de vie du pays qu’ils visitent: rareté de l’eau, coût exorbitant de certains produits, marchandage, relation au temps (respect des horaires, retards), température, permission de photographier, etc. Par ailleurs, des voyagistes, des organisations non gouvernementales (ONG) et certains pays proposent des codes du voyageur visant à encourager des comportements et des attitudes convenables et à respecter les gens et les lieux visités.

  • La formation des visités

La qualité de l’offre touristique passe par une bonne formation. Que ce soit pour l’accueil des visiteurs, pour négocier efficacement avec un voyagiste, pour effectuer un circuit guidé, pour commercialiser un produit, à tous les niveaux, une bonne formation s’avère essentielle.

  • L’engagement des pouvoirs publics

Les divers paliers de gouvernement doivent soutenir la démarche de développement touristique des populations locales en élaborant des politiques et une planification et en s’assurant que les actions sont orchestrées de façon efficace. S’ajoutent à cela l’aide à la commercialisation et à la structuration de l’offre, la formation des ressources humaines de même que la création d’un fonds de développement ou de financement pour supporter les petites organisations et contribuer à la consolidation de l’offre.

  • Le marketing éthique

Le marketing éthique signifie transparence dans le discours, honnêteté dans la promesse et conscientisation du consommateur. Il éduque le consommateur en misant sur les préoccupations de ce dernier face à l’environnement, à la sécurité, etc. Il fait aussi connaître les conditions dans lesquelles le produit a été développé et sera consommé. Certains voyagistes indiquent le pourcentage de la valeur du voyage qui reviendra à la communauté, d’autres invitent les clients à contribuer à des projets communautaires par des dons.

  • La certification

Être certifié ou ne pas être certifié, voilà la question qui soulève bien des débats. Dans le coin gauche: la difficulté de standardiser les critères à l’échelle de la planète et le manque d’ouverture du client qui n’est pas prêt à payer un surplus pour un produit certifié. Dans le coin droit: les avantages que comporte la certification – amélioration de la qualité d’un produit, réduction des impacts négatifs générés par le produit, outil marketing intéressant, justification d’un prix supérieur. Cette question est loin d’être résolue!

En conclusion, Marie-Andrée Delisle et Louis Jolin soulignent qu’«il ne suffit pas de dire, mais de faire et de bien faire, en n’oubliant surtout pas que des personnes, des entreprises et des collectivités y sont engagées.»

Source:

– Delisle, Marie-Andrée et Louis Jolin. «Un autre tourisme est-il possible?», Presses de l’Université du Québec, 2007, 144 pages.

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